Survol des faits: l’an dernier, Donald Trump avait invoqué l’immunité présidentielle pour se mettre à l’abri de poursuites pénales intentées contre lui par l’appareil judiciaire contrôlé par les Démocrates. Le 1er décembre, la juge Tanya Chutkan avait rejeté cette requête en immunité, avançant qu’aucun texte ne protégeait un ex-président de poursuites pénales. La décision fut aussitôt portée en appel par les avocats de Trump, mais le 6 février 2024, trois juges de la Cour d’appel du circuit de D.C. ont unanimement réaffirmé le jugement rendu en première instance. L’équipe légale de Trump s’est alors tournée vers la Cour Suprême.
Les membres du Congrès américain bénéficient d’une immunité en lien à leurs actions législatives officielles, qui leur garantit la liberté de discuter et de débattre des questions politiques sans craindre de poursuites judiciaires ou de représailles civiles. Cette protection est inscrite à l’article I, section 6 de la Constitution des États-Unis.
En revanche, le président des États-Unis en exercice et les ex-présidents ne bénéficient pas de la même immunité, en ce sens qu’il n’existe pas de disposition spécifique dans la Constitution ou dans la loi américaine leur accordant une immunité pénale pour leurs actes officiels. D’où le débat sur la question de savoir si un président peut être inculpé criminellement pendant son mandat.
Dans les années 1980, la Cour suprême des États-Unis avait rendu plusieurs décisions concernant des poursuites civiles intentées contre l’ancien président Nixon, notamment dans l’affaire Fitzgerald, où un ancien employé fédéral le poursuivait pour licenciement injustifié. La Cour suprême avait statué en faveur de Nixon, confirmant que les présidents bénéficient d’une immunité contre les poursuites civiles pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Malgré cette jurisprudence, la question n’a jamais été tranchée définitivement par les tribunaux et reste sujette à interprétation.
C’est précisément ce vide juridique qui justifie la décision de la Cour suprême, qui a accepté de se prononcer sur la cause. Le tribunal a d’ailleurs fait connaître la question juridique précise qui sera étudiée: « Dans quelle mesure un ancien président bénéficie-t-il d’une immunité contre les poursuites criminelles pour des actes faisant supposément partie de ses fonctions officielles pendant son mandat? ». Les débats pourront commencer la semaine du 22 avril.
Et bien qu’aucune décision n’ait encore été rendue sur l’immunité en tant que telle, les chroniqueurs anti-Trump accueillent très mal la volonté de la Cour suprême d’étudier la question. Du coup, le public américain peut se passer d’humoristes.
Sur son podcast, le journaliste et commentateur sportif Keith Olbermann a qualifié les juges de la Cour Suprême John Roberts, Samuel Alito, Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett de « putes de Trump qui peuvent brûler en enfer » et devraient être retirés de la Cour. Olbermann propose également de créer un pouvoir judiciaire de substitution, rien de moins.
Sur le réseau MSNBC, Rachel Maddow [celle qui n’a cessé d’invoquer l’affaire Russiagate, désormais déboutée] explique très sérieusement qu’un jugement défavorable de la Cour inciterait Trump à rester au pouvoir à vie, advenant qu’il soit élu en novembre. Rachel Maddow craint vraisemblablement sa victoire – et la croit probable. Avant les élections de 2016 et 2020, les opposants à Trump avaient déjà affirmé qu’il s’accrocherait au pouvoir à la manière d’un dictateur. Il a pourtant cédé la place à Joe Biden en janvier 2021, même s’il croyait que l’élection avait été volée.
L’hystérie s’explique ainsi: peu importe qu’il obtienne ou pas gain de cause, le délai représente une victoire pour Trump. Plus les procédures judiciaires traînent, et moins il est garanti que Trump passe en jugement avant l’élection du 5 novembre.
L’avocat Will Chamberlain estime que la Cour suprême est susceptible de renverser la décision prise par la Cour d’appel du circuit de DC parce qu’il existe une certaine immunité présidentielle contre les poursuites pénales, même si elle n’est pas absolue. Pour que la Cour suprême conclue qu’aucune telle immunité n’existe, elle devrait réfuter une grande partie du raisonnement qui a porté le jugement de l’affaire Nixon v. Fitzgerald, évoquée plus tôt. Chamberlain explique que la Cour ne cherchera pas à déterminer si la conduite dont Trump est accusé impliquait effectivement des actes officiels.
Chamberlain conclut que l’affaire sera éventuellement renvoyée devant le tribunal du district de DC pour déterminer si les agissements de Trump constituaient véritablement des actes officiels. Ces procédures seront à nouveau sujettes à appel et tout ce processus, qui ne commencerait pas avant juin ou juillet, pourrait s’étirer pendant des mois. Un procès avant les élections semble hautement improbable.
Selon Mike Davis, le président fondateur de l’organisation à but non lucratif de plaidoyer Article III Project, réaffirmer l’absence d’immunité présidentielle pour actes officiels « détruirait la présidence ». Ça ouvrirait une boîte de Pandore: tous les ex-présidents deviendraient susceptibles de se faire traîner en justice par leurs adversaires politiques. Par exemple, le Département de Justice d’une seconde administration Trump pourrait décider de poursuivre Barack Obama pour meurtre à cause des frappes de drone qui ont tué deux citoyens américains au Yémen en 2011.
Si Trump est réélu, il nommera un nouveau procureur général des États-Unis qui retirera Jack Smith des deux poursuites fédérales desquelles Merrick Garland [le procureur général Démocrate] l’a chargé. Les affaires concernant les fameux documents classifiés et le rôle de Trump lors des événements du Capitole seront instantanément closes.
Pendant ce temps, la poursuite pour racket intentée contre Trump par Fani Willis, la procureure du district du comté de Fulton, en Géorgie, commence à avoir du plomb dans l’aile à cause d’un conflit d’intérêt. Fani Willis aurait eu une liaison amoureuse avec l’avocat qu’elle a nommé pour diriger les poursuites. Sur la route de primaires, Trump accumule les victoires. Nikki Haley s’accroche parce que ses donateurs veulent étirer le processus dans le seul but d’épuiser les ressources de Trump.
Compte tenu de tout l’acharnement déployé contre lui, ça ne va vraiment pas si mal que ça pour Trump 2024.