Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a annoncé que la Grande-Bretagne était en discussion avec plusieurs pays pour établir des « centres de retour » où les demandeurs d’asile dont les demandes ont été rejetées attendraient leur expulsion. Cette initiative, selon Starmer, représente une « innovation vraiment importante » dans la lutte contre la migration irrégulière. Toutefois, Starmer n’a pas précisé quels pays étaient impliqués dans ces discussions et n’a fourni aucun détail supplémentaire sur le projet.
L’Albanie est déjà partie prenante d’un accord de cinq ans avec l’Italie, qui permettrait de recevoir jusqu’à 36 000 migrants par an pendant que leurs demandes d’asile sont traitées rapidement par l’Italie. Toutefois, cet accord, bien que différent de ce que propose le Royaume-Uni, n’a pas donné les résultats escomptés en raison de défis juridiques en Italie. En avril, les autorités italiennes ont modifié leur modèle d’accord de débarquement des migrants, adoptant une version du modèle des « centres de retour », transférant ainsi 40 personnes vers l’Albanie, après que leurs demandes d’asile aient été rejetées. Ce fut la première fois qu’un pays de l’Union européenne envoyait des demandeurs d’asile rejetés vers un pays non membre de l’UE qui n’était ni leur pays d’origine ni un pays de transit sur leur chemin.
Cependant, le Premier ministre albanais, Edi Rama, a déclaré que l’accord avec l’Italie était une « exception » et qu’ils avaient rejeté plusieurs demandes similaires d’autres pays, excluant ainsi la possibilité que le Royaume-Uni envoie des demandeurs d’asile rejetés en Albanie. Il a précisé que ce modèle ne serait pas reproduit dans le cadre d’un accord avec la Grande-Bretagne.
En 2022, le gouvernement britannique de Boris Johnson avait proposé un programme controversé visant à expulser les demandeurs d’asile vers le Rwanda, un pays jugé sûr par Londres. Ce projet, critiqué pour son côté symbolique et peu réaliste, a été annulé par Starmer dès son arrivée au pouvoir, qualifiant cette initiative de « gimmick » et dénonçant son inefficacité.
Le projet de « centres de retour » que Starmer envisage semble fondamentalement différent. Il vise à envoyer les migrants ayant épuisé leurs demandes d’asile vers un pays tiers où ils attendraient leur déportation. Un porte-parole de Starmer a précisé que l’objectif de cette mesure est d’empêcher les migrants dont les demandes ont échoué de recourir à des tactiques d’escamotage, telles que fonder une famille au Royaume-Uni, pour empêcher leur retour dans leur pays d’origine.
Meghan Benton, experte en migration, a souligné qu’il existait une grande confusion entre les différents programmes proposés par la Grande-Bretagne et d’autres pays européens. Selon elle, il y a des différences légales et morales importantes entre ces initiatives. Tandis que l’accord avec le Rwanda déplaçait la responsabilité de l’asile vers un pays tiers, le programme envisagé par Starmer concerne des personnes ayant déjà épuisé leurs recours en matière d’asile.
D’autres pays européens, comme les Pays-Bas et la Suède, envisagent également de mettre en place des « centres de retour », une idée soutenue par la Commission européenne dans l’objectif de dissuader la migration irrégulière. Starmer a également annoncé lors de sa visite en Albanie que des task forces conjointes avaient permis une réduction significative du nombre de migrants albanais tentant de rejoindre le Royaume-Uni. Les discussions sont en cours avec d’autres pays des Balkans pour mettre en place des forces de travail similaires, afin de simplifier les procédures bureaucratiques qui freinent l’avancement des initiatives pour réduire les arrivées de migrants.
Les Albanais qui traversent la Manche dans des radeaux gonflables pour rechercher des emplois mieux rémunérés ont diminué de 12 000 en 2022 à environ 600 en 2024. Starmer a salué cette réduction en la qualifiant d' »incroyable », soulignant qu’elle démontrait l’efficacité d’une coopération bilatérale entre les pays. Cependant, bien que le nombre d’Albanais traversant la Manche ait baissé, le nombre total de migrants arrivant sur les côtes anglaises a augmenté de plus de 30 % par rapport à l’année précédente, selon des données du ministère de l’Intérieur.
La question de la migration albanaise au Royaume-Uni avait été au centre de tensions diplomatiques en 2022, lorsque des responsables britanniques ont qualifié cette arrivée d' »invasion ». Rama avait alors rejeté cette affirmation, la qualifiant de « narrative folle » et d’une tentative de masquer les échecs des politiques frontalières britanniques. L’Albanie étant considérée par le Royaume-Uni comme un pays sûr, les Albanais ne peuvent pas demander l’asile au Royaume-Uni, ce qui complique la situation des migrants arrivant sur les côtes anglaises.
Lors de sa visite en Albanie, Starmer a signé une déclaration d’intention pour la coopération dans l’industrie de la défense, avec la perspective de travailler ensemble sur la fabrication de véhicules militaires en Albanie. Ce voyage en Albanie est la première visite d’un Premier ministre britannique dans ce pays.
En conclusion, le programme des « centres de retour » pourrait marquer un tournant dans les politiques migratoires du Royaume-Uni, bien que des défis juridiques et diplomatiques demeurent. La coopération entre la Grande-Bretagne et des pays comme l’Albanie montre une volonté de repenser la gestion des migrations et des demandes d’asile dans un contexte de pression croissante sur les systèmes d’asile européens.