Malgré la bonne performance des partis eurosceptiques de droite nationaliste et populiste aux Élections Européennes en France et ailleurs en Europe, la configuration du Parlement européen va rester sensiblement la même. Le Groupe de droite/centre-droit que représente la présidente Ursula Von Der Leyen, le Parti Populaire Européen [PPE], est de nouveau arrivé en 1ère place. Le PPE a même effectué des gains: sa représentation passera de 176 sièges à 184.
L’Alliance progressiste des Socialistes et Démocrates [S&D], le groupe de gauche/centre-gauche qui est allié au PPE dans la coalition au pouvoir, est de nouveau arrivé en 2ème position, conservant un total de 139 sièges.
Le groupe de centre Renew Europe [RE], auquel est affilié le parti Renaissance d’Emmanuel Macron, est le seul des 3 partis de la coalition au pouvoir ayant subi des pertes, passant de 102 à 80 sièges. RE est néanmoins arrivé en 3ème place au niveau paneuropéen.
La coalition au pouvoir se maintient, quoiqu’affaiblie. Tandis que le Parlement européen passe de 705 à 720 sièges, sa majorité descend de 417 à la dissolution à 403 [étant donné que le décompte n’est pas encore complètement terminé, il pourrait y avoir de faibles fluctuations aux nombres annoncés ici].
L’opposition est constituée de deux groupes de gauche, deux groupes de droite et des députés non-inscrits [NI], c’est-à-dire ceux qui ne sont affiliés à aucun des 7 groupes politiques.
À droite, le groupe Conservateurs et Réformistes Européens [CRE], auquel est affilié le Parti Reconquête d’Éric Zemmour, arrive en 4ème place avec 73 sièges [soit une hausse de 4]. Le groupe Identité et Démocratie [ID], auquel est affilié le Rassemblement National de Marine LePen, passe de 49 à 58 sièges.
Les deux groupes de gauche arrivent en 6ème et 7ème place. Le groupe des Verts/Alliance Libre Européenne [Verts/ALE] perd 20 sièges, passant de 72 à 52. Quant au groupe de la Gauche au Parlement européen [GUE/NGL], auquel est affilié La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, il remporte 36 sièges, 1 de moins qu’à la dissolution.
Onde de choc en France
Le résultat suscite une onde de choc en France, alors que le Rassemblement National, avec Jordan Bardella en tête de liste, récolte 31.4% du vote, une forte hausse par rapport aux 23.3% obtenus en 2019. Le Parti Reconquête d’Éric Zemmour, qui participait à l’élection pour la première fois, a reçu 5.5% des voix. La liste Besoin d’Europe du Parti Renaissance d’Emmanuel Macron est arrivée en 2ème place, mais avec un maigre 14.6% par comparaison au 22.4% obtenu en 2019.
Le Parti Socialiste, sous la bannière Réveiller l’Europe est arrivé en 3ème place, recueillant 13.8% du vote, suivi de La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon avec 9.9%, des Républicains avec 7.25%, puis d’Europe Écologie les Verts, qui ont fait 5.5%. Le taux de participation s’établit à 51.1% – une légère hausse par rapport à l’élection de 2019 [50.1%].
La France détient 81 sièges au parlement européen. Ils sont attribués au vote proportionnel avec un seuil établi à 5%. C’est la 2ème plus forte représentation, derrière les 96 sièges de l’Allemagne.
Emmanuel Macron, blâmé d’avoir été incapable de faire barrage à « l’extrême droite » par ses adversaires de gauche, a aussitôt dissout le parlement et déclenché des élections législatives anticipées, dont les deux tours se tiendront le 30 juin et le 7 juillet – quelques semaines avant la tenue des Jeux Olympiques. Il ne s’agit pas d’élections présidentielles, mais elles pourraient conduire à un gouvernement de cohabitation, c’est-à-dire à l’attribution du poste de Premier Ministre à quelqu’un du RN [potentiellement Marine LePen ou Jordan Bardella] advenant que le RN obtienne une majorité absolue.
Quelles sont les stratégies possibles de Macron? L’espoir de retrouver la majorité absolue perdue aux législatives de 2022 semble un peu naïf. Il faudrait compter sur un Front Républicain indéfectible pour faire barrage au RN le 7 juillet, mais l’épouvantail de « l’extrême droite » n’effraie plus autant qu’auparavant. Les électeurs de gauche sont moins enclins à appuyer Macron au second tour, surtout après sa réforme des retraites. Peut-être que Macron pense déjà aux présidentielles de 2027 et qu’il espère pouvoir s’attribuer le rôle du gentil dans le contexte d’un gouvernement de cohabitation avec le Rassemblement National. L’exercice du pouvoir pourrait nuire au RN, surtout s’il est appelé à gérer des situations de crise, telles que les émeutes qui ont secoué la France en juin dernier, suite à la mort de Nahel Merzouk.
Si des manifestations spontanées sont survenues le soir même en réaction aux résultats de cette élection, on peut supposer qu’il en serait de même advenant une victoire accordant la majorité absolue au RN aux législatives. Sinon, la gauche française trouvera un motif pour descendre dans la rue tôt ou tard. Outre, les dérapages dans les banlieues ne sont pas exclus, surtout s’il y a une volonté de déstabilisation.
Les manifestants de gauche réunis sur la Place de la République ont scandé « la jeunesse emmerde le Front National ». L’hymne antifasciste du groupe punk Bérurier Noir, qui date de l’époque de Jean-Marie Lepen, a somme toute assez mal vieilli. Les 18-34 ont appuyé le RN à une proportion de 32%. En fait, il n’y a que les 65 ans et + qui n’ont pas largement favorisé le RN, leur accordant 26% des voies, en égalité avec le parti de Macron.
Si des partisans de droite manifestaient contre une victoire de la gauche obtenue en bonne et due forme, celle-ci décrierait un déni de démocratie. On hurlerait au fascisme.
Dès qu’a été annoncée la victoire du Rassemblement National dans le scrutin français, les réseaux sociaux se sont enflammés. On n’a pas seulement décrié la montée de « l’extrême droite », mais la résurgence du fascisme – rien de moins. Il a même été question de réaffirmer le parallèle fantasmé entre le RN et la France du Maréchal Pétain. Avec la tenue d’élections législatives anticipées dans moins de trois semaines, il faut s’attendre à une diabolisation soutenue du RN et de Reconquête dans les médias de gauche et européistes.
Vont s’affronter à nouveau les 3 principaux camps: gauche diversitaire immigrationniste, centre européiste macroniste et droite nationaliste identitaire. Mais cette fois-ci, l’élection ne sera pas proportionnelle. Compte tenu de la fragmentation de l’offre politique [autant à droite qu’à gauche], la formation d’alliances électorales en vue du 1er tour pourrait s’avérer déterminante. Le camp qui parviendra à atteindre des compromis et à tempérer ses egos partira avec une longueur d’avance.