Avec les montagnes russes politiques que nous avons vécu dans les dernières semaines, et les flambées nationalistes pancanadiennes – où même les bloquistes chantaient kumbaya avec les Libéraux pour l’identité canadienne – j’ose espérer que les Québécois se repentirons dans une célébration en bonne et due forme de leur fête nationale.
Ça peut paraître à priori spécial d’écrire au sujet de la Saint-Jean en début mai, mais je suis sérieux ; il va vraiment falloir organiser quelque chose de spécial cette année, alors je préfère en parler d’avance. En fait, j’ai l’impression qu’on est déjà à court de temps.
Le retour du nationalisme n’est-il bon que pour les autres?
C’était un peu étrange : beaucoup de gens disaient que la dernière campagne électorale fédérale avait été ennuyante, mais en même temps, ce que nous sommes en train de vivre est un véritable séisme géopolitique.
En réaction totalement prévisible à la reconduction des libéraux au pouvoir après dix ans de règne impopulaire, un vent de souverainisme emporte l’Alberta et l’Ouest canadien. Pour la première fois dans l’histoire, Québec n’est pas seul à vouloir quitter la fédération! C’est même à se demander si ce n’est pas l’Alberta qui va partir en premier!
On parle de possibles effets domino, emportant de grandes parts du Canada actuel, de possibles annexions aux États-Unis, etc.
Les États-Unis, d’ailleurs, sont très ouverts à l’idée, et voient la chose comme la création d’un « Super-États-Unis ».
Évidemment, dans le « heartland » loyaliste qu’est l’Ontario, on se fait encore des espoirs de nation-building libéral, et ce serait sans l’ombre d’un doute le dernier noyau dur des défenseurs du Canada.
On se retrouverait donc seuls avec l’Ontario de nouveau ; comme à l’époque du Haut et du Bas-Canada. On s’entend que ça ne durerait pas longtemps…
Depuis des semaines, c’est essentiellement un gros combat de coq de nationalismes anglo-saxons ; les Québécois devront un peu rappeler à leurs homologues nord-américains, c’est qui, les vrais nationalistes dans la place… Du moins, s’ils le sont toujours…
Party ou pas?
C’est l’éternel débat. Du moins à Québec. Un côté de moi me dit qu’il serait bien, pour une soirée, que Bruno Marchand nous sacre patience et nous permette de boire une bière entre amis sur les plaines. Ça serait quand même un minimum de vitalité sociale après tout le stress relié à la crise des tarifs, les menaces d’annexion, les perspectives économiques décourageantes de nos dirigeants… Nous sommes pris au cou par tant de choses en ce moment, serait-ce vraiment la fin du monde d’avoir quelques canettes à ramasser le lendemain?
D’un autre côté, je me dis que la société d’aujourd’hui n’est peut-être plus ce qu’elle était, et que ces beuveries qu’on faisait autrefois de manière un peu innocente dans les années 1990-2000 n’est probablement pas ce dont on a besoin aujourd’hui pour nos jeunes. Le modèle spectacle/party est un peu dépassé.
Dans tous les cas, je ne pense pas que ce soit le genre de chose qu’il revient au gouvernement de trancher. Manifestement, une grande partie de la population était attachée à ces fêtes sur les plaines d’Abraham et dans le Vieux-Québec. On se déplaçait de partout dans la province pour célébrer ici, en plein cœur du berceau originel des Canadiens français. Et il y avait véritablement une ambiance magique à voir tous ces gens autour de feux de camp ou perchés sur les murailles avec leurs drapeaux… Québec n’a jamais été aussi européenne qu’en ces moments de joies latines.
Malheureusement, il faut reconnaître que les dernières années ont été extrêmement maussades et en déclin continuel. Soyons honnête : cette fête est en train de mourir.
Dépoussiérez vos drapeaux
Depuis quelques semaines, je me suis intéressé un peu à l’héraldique et la généalogie de ma famille, les Guillets dits « de Cinq-Mars », qui ont défriché « les » Trois-Rivières, le Cap-de-la-Madelaine et Batiscan. Ça m’a replongé dans nos racines familiales en une Nouvelle-France encore monarchique et aristocratique.
Ça m’a rappelé à quel point la Conquête avait en quelque sorte privé les canadiens français d’une grande partie de leur mémoire collective en faisant fuir la noblesse française. C’est un peuple qui s’est alors retrouvé essentiellement chaperonné par le clergé. Sa culture était cléricale et conformiste, et des fêtes comme la Saint-Jean-Baptiste étaient dédiés à des processions religieuses.
Mais une autre fracture des Canadiens français avec leurs racines allait se produire avec la révolution tranquille et le rejet total de l’Église. En devenant québécois, les processions religieuses se sont taries et on a développé des manières profanes de célébrer… Très profanes. Et en devenant fête nationale, la justification pour ces célébrations festives s’est trouvée renforcée.
Et c’était bien beau pour un temps, mais en 2025, ces célébrations un peu formelles et répétitives semblent vides de sens. Le Fleurdelisé n’a pas rempli les promesses émancipatrices qu’on voyait en lui dans les suites de la révolution tranquille, et le rejet complet de l’héritage catholique semble s’être accompagné d’un oubli collectif total.
Enfin, la raison pourquoi je vous mentionnais l’héraldique, c’est que nous tirons évidemment le fleurdelisé de l’héraldique monarchique française. Et en voyant les blasons familiaux des familles de Nouvelle France dans mes recherches, je ne peux m’empêcher de penser que nous passons à côté d’une richesse symbolique et culturelle incroyable qu’il serait probablement judicieux de raviver.

S’il y a bien une fête appropriée pour brandir un drapeau, c’est la Saint-Jean-Baptiste, et évidemment, en tant que fête nationale, le fleurdelisé officiel est de mise. Mais je pense que le temps est peut-être revenu de ramener les autres héraldiques de cette fête des Canadiens-Français. Qu’on ressorte le Carillon Sacré-Cœur, qu’on ressorte fièrement les autres drapeaux de notre histoire ; ceux des familles, ceux de l’Église, ceux des municipalités, ceux des organisations… Qu’on libère l’imagerie québécoise contenue dans l’étatisme un peu trop étroit de son imagerie officielle.
Redonnons à cette fête son caractère Canadien-Français.