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L’immense vacuité des campements pro-palestiniens

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On réalise assez vite à l’âge adulte que les manifestations étudiantes sont un peu comme le jour de la marmotte : les causes changent, mais les actions des étudiants sont du pareil au même. C’est un peu ce qui me vient en tête lorsque je vois la prolifération des campements pro-palestiniens sur le campus universitaires. Elles ne l’admettront pas, mais les associations étudiantes devaient être particulièrement excitées par cette nouvelle guerre et l’outrage mondial qui a suivi ; il faut bien former une nouvelle génération au militantisme!

À l’école des activistes

On remarque bien souvent à quel point le phénomène des manifestations, plus souvent qu’autrement, est un phénomène foncièrement étudiant. Il y a certes de nombreux autre cas où, par exemple, des syndicats ou des organismes en tout genre organisent des manifestations, mais en termes de volume, rien ne bat les associations étudiantes des universités.

On pourrait même aller jusqu’à dire que ces manifs sont des sortes de rites de passage pour de nombreux étudiants de gauche, une sorte « d’école de l’activisme », où ils sentent pour la première fois qu’ils peuvent se faire entendre et avoir une réelle influence sur la société.

De la sorte, les associations étudiantes et de nombreux étudiants eux-mêmes semblent constamment en recherche de la prochaine cause qui pourrait justifier une sortie dans la rue ou une occupation quelconque. On a eu les mouvements « Occupy » des Indignés entre 2011 et 2012, qui consistaient en des occupations similaires à ce qu’on observe aujourd’hui dans les campements pro-palestiniens, mais qui critiquaient alors les inégalités économiques et la main mise de Wall Street sur le monde. On a eu les mouvements pour la gratuité scolaire en 2012 qui ont donné lieu à une explosion de manifestations qu’on a nommé le « printemps érable ». En 2015, les associations étudiantes ont tenté une reprise du phénomène sans grand succès. Par la suite, on a eu des années de relative accalmie, parfois brisée par des contestations de la loi sur la laïcité ou des manifs « anti-racistes », mais rien de très grande ampleur.

La nouvelle guerre entre Israël et la Palestine, par son caractère viral, semble cette fois-ci occasionner une mobilisation assez massive pour redémarrer un nouveau cycle de manifs et d’occupation. De la sorte, cette nouvelle génération d’étudiants, comme toutes celles qui l’a précédé, a trouvé sa cause pour pouvoir jouer au révolutionnaire. Et comme toutes les fois, ils répètent exactement les mêmes tactiques militantes.

C’est ainsi un peu comme une école du militantisme ; la cause importe beaucoup moins qu’on le pense. Si ce n’était pas la Palestine, ce serait simplement autre chose. La crise climatique, le racisme, les inégalités ; peu importe, en autant qu’on forme une nouvelle cuvée de protestataires et qu’on se donne le sentiment que la gauche « se lève » contre le grand capital, les puissants, etc. La cause n’est qu’un prétexte.

Mais attention, ça ne veut pas dire qu’on ne la prend pas au sérieux! En fait, la dynamique militante fait justement en sorte qu’on défend la cause dans une discipline quasi-religieuse. Dans les manifestations et les campements, on récite les grandes lignes du combat comme des psaumes, des textes sacrés. Un travail actif d’alignement idéologique est fait. Et lors des actions militantes, la répétition ad nauseam de slogans pendant parfois plusieurs heures prend rapidement l’apparence d’un auto-conditionnement, d’une sorte de lavage de cerveau volontaire.

Toute la cohésion interne du mouvement de protestation repose sur ces mécaniques de standardisation des discours. C’est pour cette raison qu’on entend toujours les mêmes slogans et que lorsque interrogés, la majorité des manifestants sortent les mêmes lignes prémâchées. Alors qu’ils posent comme des indomptables, ils sont plus disciplinés que des politiciens tenus à une ligne de parti.

Je le sais ; j’étais particulièrement présent dans les manifestations de nuit en 2012, avant de réaliser dans les années suivantes l’imposture énorme qu’est la gauche en notre époque…

Étirer l’élastique de la liberté d’expression

La liberté de réunion découlant principalement de la liberté d’expression dans un cadre collectif, les militants de gauche ont pour habitude de confondre allègrement les deux et d’élever toutes leurs manifestations à un statut de légitimité indiscutable. Mais s’il est vrai que la liberté de manifester est un droit essentiel, bien souvent, les activistes dépassent les bornes et instrumentalisent ce droit de manière abusive.

On pense évidemment ici aux nombreux débordements de violence et de vandalisme dans les manifs, qui est une occurrence assez courante. Or, le droit de manifester est explicitement conditionnel au fait que la manifestation demeure pacifique et sans armes. De la sorte, lorsque les militants exagèrent de la sorte, ils ne peuvent plus continuer à invoquer leur droit de manifester et prétendre qu’on s’attaque à leur liberté d’expression. Et ce, peu importe la gravité de la cause qu’ils défendent.

Ensuite, on observe une autre instrumentalisation malhonnête de ce concept autour des divers types « d’occupations » auxquelles s’adonnent les militants. Car ces derniers continuent de les considérer comme des « manifestations », et donc, d’invoquer leur droit à la liberté d’expression et de réunion. Or une occupation n’est pas simplement une manifestation, mais la prise de possession d’un lieu et la volonté de le tenir pour un temps indéterminé, souvent aux dépens de ses usagers habituels. L’occupation est donc une forme de manifestation incluant un aspect de conquête « territoriale », voire carrément de vol temporaire de propriété, ce qui n’est clairement pas de l’ordre de la liberté d’expression.

C’est d’ailleurs ce qu’on voit ces derniers temps sur les campus universitaires ; les militants pro-palestiniens s’inventent un droit de s’approprier illégalement un terrain en utilisant des justifications qui s’appliquent en fait aux manifestations. On étire encore un peu l’élastique. Et il faudra reconnaître que la société est, d’une manière générale, extrêmement tolérante de ce genre de détournement du droit de réunion.

Et enfin, dans certains cas, les activistes deviennent tellement obnubilés par leur cause qu’ils en viennent à tomber carrément dans l’intimidation et le harcèlement. En se cachant encore derrière le concept de « manifestation », ils vont parfois jusqu’à envahir la sphère privée des gens auxquels ils s’opposent. On en a eu un exemple cette fin de semaine, avec une manifestation pro-palestinienne visant la maison d’un administrateur de Mcgill, mais de nombreux autres exemples sont survenus au cours des années, notamment lorsque les militants contre la hausse des frais de scolarité en 2012 s’étaient réunis devant ce qu’ils pensaient être la maison de Richard Martineau (et s’étaient trompés…).

Bref, le concept de « manifestation » a définitivement le dos large à gauche, et on l’utilise pour tenter de justifier tout un tas d’actions hautement condamnables et très clairement illégales. Dit simplement, les manifestations de gauche sont l’incarnation même du concept de « la fin justifie les moyens » et les militants se foutent éperduement des questions de légalité. Mais la société, dans sa tolérance un peu naïve, laisse plus souvent qu’autrement ces derniers étirer l’élastique à leur guise.

Liberté d’expression à géométrie variable

Alors que les manifestants invoquent constamment leur droit suprême à la liberté d’expression et de réunion pour justifier leurs manifs et occupations, ils passent aussi beaucoup de temps à contrôler le message des participants et tenter de faire taire les potentiels contradicteurs qui passeraient par là. Dans une sorte de logique de « ligne de parti », ils font tout en leur pouvoir pour avoir un monopole sur le message envoyé.

De la sorte, on s’attaque souvent de manière extrêmement hostile aux contre-manifestants ou aux gens qui se présentent pour débattre. De toute évidence, leur conception de la liberté d’expression est à géométrie variable, et ils conçoivent que le fait de manifester ou d’occuper un espace leur donne le droit de refuser cette liberté aux autres. Une pensée unique troublante anime la majorité de ces manifs.

La chose va encore plus loin dans l’hostilité extrêmement sélective que les manifestants expriment contre certains médias. D’une manière assez paradoxale, ils manifestent pour « s’exprimer », mais refusent de parler à certains médias sous prétexte qu’interagir avec eux irait contre leurs principes. Autrement dit, on ne reconnaît tout simplement pas la liberté d’expression des médias qui seraient alignés avec le camp opposé.

Nous en avons d’ailleurs de très bons exemples avec les multiples prise de bec entre les campeurs pro-palestiniens de McGill et de l’UQAM et les journalistes de Rebel News, qui subissent régulièrement des tentatives d’intimidation, voire même des tentatives de saboter leur matériel. Il n’y a rien de plus ironique qu’un manifestant prétendant être un grand défendeur de la liberté d’expression qui s’attaque à des journalistes, dont le métier est probablement la meilleure représentation de cette liberté.

Il est assez évident qu’on invoque cette liberté de manière hypocrite comme un outil militant plutôt que comme une réelle question de principe.

Vacuité complète

Bref, lorsqu’on analyse réellement les dynamiques militantes à l’oeuvre sur les campus, on remarque rapidement une immense vacuité intellectuelle. Ces manifestations et ces campements prennent rapidement les apparences de simple camp de jour militants pour des jeunes en quête de sensations fortes, où à la limite, en quête du sentiment d’être important. Les associations et mouvements politiques de gauche instrumentalisent ces enjeux pour continuellement former de nouvelles générations au militantisme. Et on voit rapidement surgir de multiples paradoxes dans leurs interprétations hypocrites du droit de manifester, dans leur auto-enrégimentation toute sauf libertaire et dans leur application discrétionnaire de la liberté d’expression. Non seulement ces manifs et ces campements donnent une mauvaise image à la cause, mais en plus, leur but principal, au-delà de la cause, est la radicalisation de la jeunesse.

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