Pris dans l’observation navale et vivant sous le bouclier protecteur des États-Unis, le Canada a laissé sa présence militaire dans le monde s’étioler au cours de la dernière décennie, a suggéré vendredi le nouvel ambassadeur de France à Ottawa.
Dans des commentaires directs qui, selon lui, reflétaient ses propres opinions personnelles, Michel Miraillet a soutenu que le Canada devait renforcer ses capacités de défense alors que les menaces augmentaient de la part de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord.
Le problème, en partie, est que le Canada est devenu trop dépendant des États-Unis et de son énorme machine de défense, la plus coûteuse au monde, a-t-il déclaré.
« C’est toujours difficile pour un pays qui par nature est très protégé, avec un gros bonhomme en dessous qui fait très mal au cou mais au bout du compte, bon, ça marche », a déclaré Miraillet. « Tu es très français, tu montes dans une voiture de première classe avec un billet de troisième classe…. Si vous voulez rester en première classe, vous devez vous entraîner, vous développer et aller quelque part.
« Ce pays, à certains égards, est peut-être trop confortable, trop confortable. »
Les remarques de l’ambassadeur n’étaient en aucun cas la première fois qu’une personne de l’extérieur du pays critiquait le récent bilan des dépenses de défense d’Ottawa. Les présidents américains exhortent depuis longtemps le Canada et les autres membres à la traîne de l’OTAN à atteindre l’objectif recommandé par l’alliance d’allouer 2 % du PIB à l’armée.
Mais il est inhabituel d’entendre une plainte similaire de la part d’un autre allié du Canada, même si l’industrie de l’armement pourrait profiter de l’augmentation des achats d’équipement à Ottawa.
Selon les chiffres de l’OTAN, la France est 11e parmi les 29 pays du groupe, dépensant juste en dessous de l’objectif de 2 %, soit 1,90 % du PIB. Le Canada est 24e, budgétisant seulement 1,27 % de son produit intérieur brut pour la défense.
Miraillet, un ancien directeur général des affaires mondiales, a reconnu les récentes contributions du Canada à la défense internationale, notamment son implication en Afghanistan, l’envoi de soldats dans les pays baltes et la formation de troupes ukrainiennes.
Il a également dit que ce pays a une réputation « fantastique » en France en tant que nation sympathique avec des valeurs similaires.
Mais l’ambassadeur a déclaré qu’il se souvenait d’un jour où, par exemple, le Canada était un contributeur majeur au maintien de la paix des Nations Unies, contrairement à la situation actuelle.
Après avoir atteint un point culminant en 1993, lorsque plus de 3 300 Canadiens ont été déployés dans des missions de maintien de la paix, le nombre a chuté à seulement 54 cette année, selon les chiffres compilés par le professeur Walter Dorn du Collège militaire royal.
« En fin de compte, j’ai le sentiment que sur le plan militaire, ce pays est moins présent qu’il y a 10 ou 15 ans », a déclaré Miraillet. « Le Canada était beaucoup plus présent dans le passé en Afrique qu’il ne l’est maintenant…. Il faut qu’il y ait plus de Canada sur le terrain, non seulement en Afrique mais aussi en Asie.
Il a également suggéré que les menaces dans l’arrière-cour de ce pays se multiplient, la Chine envoyant des brise-glaces dans l’Arctique, annonçant peut-être l’arrivée de sous-marins de l’Armée populaire de libération. Pendant ce temps, la Russie a déployé plus de sous-marins d’attaque que jamais, a déclaré l’ambassadeur.
Mais il a dit que le Canada avait un « énorme problème » avec sa propre flotte de sous-marins, les qualifiant de « très vieux » navires. En fait, les navires d’occasion achetés au Royaume-Uni ont été en proie à des problèmes mécaniques, entraînant des réparations coûteuses. Miraillet a également remis en cause le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), le programme conjoint de défense continentale américano-canadien.
« Vous êtes maintenant confronté à une situation où le NORAD ressemble à une vieille Volvo 240. Je veux dire qu’il est solide, mais vous devez le renforcer. »
Au lieu de regarder au-delà de ses frontières les menaces à la sécurité et les besoins humanitaires dans le monde, le Canada semble absorbé par les discussions politiques internes, en particulier sur les questions de « genre », a déclaré Miraillet.
« Maintenant, j’ai ce sentiment – c’est très personnel – mais le pays est vraiment axé sur le nombril, plus que jamais. »
Ses remarques – prononcées avec un humour d’autodérision – n’étaient peut-être pas complètement altruistes. La France possède une importante industrie de l’armement et a récemment été piquée par la décision de l’Australie d’annuler un accord pour acheter 12 sous-marins diesel-électriques de fabrication française. Ils doivent être remplacés par huit sous-marins nucléaires qu’il achètera aux États-Unis à la place. La Marine royale canadienne a dit qu’elle envisageait d’acheter une nouvelle flotte de sous-marins.
L’ambassadeur a cité un incident survenu au début des années 90 lorsque la marine canadienne a approché la France pour lui acheter des sous-marins d’attaque, seulement pour que les États-Unis fassent échouer les discussions. Mais il a laissé entendre que le Canada a besoin d’une armée plus importante pour répondre aux risques de sécurité internationale, peu importe où il achète son équipement.
« Je ne vous dis pas que vous devez acheter des frégates françaises, même si ce serait un signe de bon goût », a-t-il déclaré avec un sourire. « Mais d’un autre côté, ce que je veux voir, c’est juste avoir suffisamment de capacités pour être prêt … juste pour la dissuasion. »
