Le Canada se trouve aujourd’hui dans une situation critique sur le plan énergétique, et ce, en grande partie à cause de ses propres décisions politiques. Pendant que les États-Unis renforcent leur position en tant que superpuissance énergétique, Ottawa persiste dans des politiques qui freinent le développement de notre secteur des hydrocarbures, découragent les investissements et nous rendent vulnérables à des changements de cap à Washington. C’est du moins l’avis de l’Institut Fraser, qui pense que si nous ne rectifions pas le tir rapidement, nous risquons de voir notre économie dépendre de plus en plus des choix politiques et commerciaux américains.
Une dépendance énergétique suicidaire
Le Canada envoie 97 % de ses exportations de pétrole brut et 100 % de ses exportations de gaz naturel aux États-Unis. En effet, comme l’expliquent Elmira Aliakbari et Jason Clemens, « en 2023, le Canada a exporté environ 84 milliards de mètres cubes de gaz naturel – tous vers les États-Unis – par le biais de 39 gazoducs, ce qui rend les producteurs canadiens vulnérables aux changements de politique des États-Unis. » Cette dépendance à sens unique nous exposerais donc à des politiques protectionnistes comme celles que Donald Trump menace de mettre en place, notamment des tarifs sur le pétrole et le gaz canadiens. Une seule décision à Washington pourrait bouleverser l’ensemble de notre secteur énergétique.
Pourtant, nous avons eu plusieurs occasions de diversifier nos marchés, mais elles ont été sabotées par des réglementations excessives et des annulations de projets stratégiques. L’abandon du pipeline Énergie Est en 2017, sous la pression d’une évaluation environnementale injustement alourdie, a privé l’Est canadien d’un accès à notre propre pétrole, obligeant la région à importer du pétrole d’Arabie saoudite et du Venezuela. Pire encore, la décision de Justin Trudeau en 2016 d’annuler le pipeline Northern Gateway a éliminé une occasion en or d’exporter notre pétrole vers l’Asie, un marché en pleine expansion où la demande en énergie fossile continue de croître.
L’incapacité à exploiter notre potentiel en gaz naturel liquéfié (GNL)
Le marché mondial du GNL est en pleine explosion, avec une demande accrue en Europe et en Asie, notamment après la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine. Pourtant, le Canada n’a aucun terminal d’exportation de GNL en activité, alors que les États-Unis en ont déjà huit en fonctionnement et vingt autres approuvés :
« Le contraste avec les États-Unis est saisissant. Depuis 2011, 18 installations d’exportation de GNL ont été proposées au Canada, mais une seule – la phase 1 de GNL Canada – est en voie d’achèvement, plus de 12 ans après son annonce. En janvier 2025, les États-Unis ont construit huit terminaux d’exportation de GNL et en ont approuvé 20 autres, consolidant ainsi leur position de leader mondial dans le domaine du GNL. »
En 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz a sollicité des exportations canadiennes de GNL pour remplacer le gaz russe, mais le gouvernement Trudeau a rejeté la demande en affirmant que ces projets n’étaient pas viables économiquement. Pendant ce temps, les États-Unis ont rapidement augmenté leur production et leurs exportations, s’imposant comme le premier fournisseur de GNL en Europe.
Nos entreprises ont tenté de saisir l’opportunité, mais les lourdeurs bureaucratiques et l’incertitude réglementaire ont systématiquement freiné les projets. Par exemple, le projet de terminal GNL Saguenay a été rejeté en 2021 après cinq ans d’évaluations, malgré des engagements environnementaux et économiques importants.
Des politiques climatiques qui affaiblissent notre industrie
Le gouvernement canadien n’a cessé d’accroître l’incertitude pour les investisseurs du secteur énergétique. La Loi C-69 de 2019 a ajouté des critères d’approbation flous et politisés, comme l’impact de genre des projets énergétiques, entraînant des délais prolongés et des coûts supplémentaires. La Loi C-48 interdit quant à elle le transport de pétrole sur la côte nord de la Colombie-Britannique, empêchant ainsi tout espoir d’exportation vers l’Asie, alors que les États-Unis continuent d’exporter du pétrole brut depuis leurs propres ports sur la côte ouest.
En 2023, Ottawa a annoncé un plafonnement des émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier à 35 % sous le niveau de 2019 d’ici 2030. Cette mesure forcera les producteurs à réduire leur production, fragilisant encore plus notre économie et laissant le champ libre aux producteurs américains, qui ne sont soumis à aucune contrainte équivalente:
« Pour respecter ce plafond, les entreprises canadiennes devront réduire considérablement leur production de pétrole et de gaz. Comme on peut s’y attendre, ces politiques ont un coût. Au cours de la dernière décennie, les investissements dans le secteur pétrolier et gazier canadien ont chuté de 56 %, passant de 84 milliards de dollars en 2014 à 37,2 milliards de dollars en 2023 (en tenant compte de l’inflation). Moins d’investissements signifie moins de financement pour les nouveaux projets énergétiques, les technologies et les infrastructures, et moins de possibilités d’emploi et d’opportunités économiques pour les Canadiens dans l’ensemble du pays. » – Julio Mejía et Elmira Aliakbari
À titre de comparaison, la production pétrolière des États-Unis a atteint un record de 13,3 millions de barils par jour en 2023, tandis que celle du Canada peine à croître en raison des restrictions gouvernementales.
L’Institut Fraser rappelle d’ailleurs qu’il s’agit d’une tendance qui précède la présidence américaine : « Selon une enquête réalisée en 2023, , 68 % des investisseurs dans le secteur du pétrole et du gaz ont déclaré que l’incertitude concernant les réglementations environnementales dissuadait les investissements dans ce secteur au Canada, contre 41 % aux États-Unis. De même, 54 % ont déclaré que le dédoublement et les incohérences réglementaires au Canada dissuadaient les investissements, contre seulement 34 % aux États-Unis. Et 55 % des répondants ont déclaré que l’incertitude concernant l’application des réglementations existantes au Canada dissuadait les investissements, contre seulement 37 % des répondants pour les États-Unis. »
Une approche rationnelle pour l’avenir
Si le Canada veut garder le rythme avec les États-Unis et assurer sa prospérité économique, il doit changer de cap immédiatement. Il est urgent de :
- Réduire les obstacles réglementaires et simplifier l’approbation des projets énergétiques, en supprimant les critères subjectifs qui dissuadent les investisseurs.
- Relancer les projets de pipelines pour diversifier nos marchés d’exportation et réduire notre dépendance aux États-Unis.
- Accélérer le développement des infrastructures de GNL pour répondre à la demande mondiale et tirer profit de nos vastes réserves de gaz naturel.
- Réévaluer les politiques environnementales qui nuisent à notre compétitivité sans résultat tangible pour le climat, en s’inspirant d’autres pays qui équilibrent croissance économique et transition énergétique.
Les États-Unis ne nous attendront pas. Ils ont compris qu’une économie énergétique forte est un atout stratégique. Pendant que Washington simplifie et stimule son secteur, Ottawa l’entrave. Si nous persistons dans cette voie, nous perdrons non seulement des milliards en investissements, mais aussi notre capacité à influer sur notre propre avenir économique. Il est temps que le Canada adopte une politique énergétique à la hauteur de ses ressources et de son potentiel.