Ce soir, à minuit et une, devrait commencer une grève du réseau ferroviaire canadien de proportions qui s’annoncent déjà d’ampleur inédite. Ce sont 9 300 employés combinés du Canadian National et de Canadian Pacific Kansas City qui cesseront leurs activités, menaçant toute la chaîne d’approvisionnement de paralysie pour au moins 10 jours. Dans les conditions économiques actuelles, qui sont déjà difficiles, et alors que le secteur agricole est en pleine récolte, un nouveau bris de la chaîne d’approvisionnement pourrait s’avérer catastrophique.
En fait, la chaîne d’approvisionnement est déjà affectée depuis quelques jours. Depuis vendredi, les chemins de fers canadiens n’acceptent plus les wagons frigorifiés, ce qui a des répercussions sur les livraisons de marchandises ainsi que sur nos exportations sur tout le continent. Mais dès cette nuit, ce sera l’ensemble des marchandises qui seront abandonnées dans leur wagon, dans des stations de triage désertées.
Il faut penser ici à toutes les marchandises agricoles qui risquent de pourrir dans les hangars, toutes les ressources énergétiques qui ne pourront être acheminées et paralyseront encore davantage l’économie – et potentiellement des pannes pour particuliers comme industriels. De toute façon, les matières premières pour alimenter les usines ne seront pas acheminées non plus, ce qui se répercutera dans des entreprises partout sur le territoire.
Et tout ça va créer des pénuries et faire augmenter les prix encore davantage, alors que l’inflation était déjà une préoccupation majeure.
En somme, cette grève a les capacités de sérieusement paralyser l’ensemble de l’économie canadienne et ralentir encore davantage la reprise famélique qu’on avait depuis les années covid. Qu’importe notre opinion sur le droit des travailleurs de revendiquer de meilleures conditions, il faut reconnaître que le pouvoir combiné des syndicats du Canadien National et du Canadien Pacifique est manifestement trop puissant, et qu’il en résulte une prise en otage complète de la population canadienne.
Tout comme on ne permet pas aux travailleurs essentiels de réellement quitter leurs postes lors de grèves, ce qui les contraint à se limiter à quelques pantalons farfelus, il semble curieux qu’on puisse permettre à un secteur économique aussi vital et déterminant en termes de sécurité économique de faire exactement cela. C’est d’ailleurs l’avis de Sylvain Charlebois, directeur scientifique du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire à l’Université Dalhousie, qui était récemment en entrevue au micro de Patrick Lagacé.
Du côté politique, beaucoup de commentateurs déplorent une absence de réaction de la part du gouvernement, qui s’est limité à refuser d’arbitrer une négociation entre les parties. On presse le ministre du Travail Steven Mackinnon et Justin Trudeau de faire les choix qui s’imposent. François Legault l’a d’ailleurs exprimé clairement hier : « Je souhaite que les parties s’entendent d’ici demain, mais s’il n’y a pas d’entente d’ici demain, je demande à Justin Trudeau d’avoir le courage de prendre action. C’est trop important pour l’économie du Québec
C’est que d’une part, forcer un retour au travail pourrait être perçu comme un acte anti-syndicaliste par Trudeau, qui cherche à préserver son électorat de gauche et son alliance avec le NPD, mais s’il ne le fait pas, ce sera de toute évidence une négligence partisane dévastatrice et facilement condamnable par les conservateurs. Dans tous les cas, le gouvernement sera forcé d’agir, le Canada a carrément été construit autour d’un chemin de fer, 94% du grain qu’on produit passe par les chemins de fers. Ne serait-ce qu’en termes de sécurité alimentaire, ou d’une manière générale, afin d’éviter un choc sur les prix, il est impératif que le gouvernement mette un terme à cette grève.