Dans une décision de 4 contre 3, la Cour suprême du Colorado a statué que Donald Trump était inéligible pour accéder à nouveau au poste de Président en vertu de l’article 3 du 14e amendement de la constitution. Les sept juges de la Cour suprême du Colorado ont tous été nommés par des gouverneurs Démocrates. L’équipe légale de Trump va évidemment appeler de ce jugement, et c’est la Cour suprême des États-Unis qui va devoir trancher.
Le 14e amendement avait été ratifié dans le contexte de la Reconstruction après la guerre civile. Son article 3 visait spécifiquement à empêcher les dirigeants politiques et militaires qui étaient engagés dans une insurrection de briguer de futures fonctions politiques. Pour que le jugement tienne, il va falloir établir que le discours de Donald Trump et son rôle le 6 janvier équivalent à un acte de sédition, à une rébellion contre les États-Unis. Tout ça, alors que la divulgation des bandes de surveillance vidéo du Capitole démontrent que le caractère « insurrectionnel » du 6 janvier a été surfait par le camp Démocrate et les médias mainstream.
Reste un autre problème juridique plus technique: le vocabulaire employé dans l’article 3 désigne des « officiers des États-Unis », mais pas le Président lui-même.
Si ce jugement n’est pas renversé, le nom de Donald Trump n’apparaîtra pas sur les bulletins de vote lors de l’élection primaire républicaine du Colorado, qui se tiendra le 5 mars 2024 – lors du Super Tuesday, en même temps que celles de 14 autres États. Comme la méthode du « gagnant remporte tout » est utilisée dans cet état, le candidat obtenant une pluralité de voix dans ce scrutin se verra attribuer la totalité des 37 délégués que le Colorado doit envoyer à la Convention nationale républicaine en juillet 2024. Pour remporter l’investiture républicaine, un candidat présidentiel devra recevoir le soutien d’une majorité des quelques 2,469 délégués.
Trump jouit d’une telle avance dans cette course qu’il peut se passer de l’appui d’une trentaine de délégués. Sauf que même s’il remporte l’investiture, son nom n’apparaîtra pas sur les bulletins pour l’élection présidentielle dans l’état du Colorado. Est-ce grave? En 2024, le Colorado va compter pour 10 des 538 votes du collège électoral. C’est un état considéré acquis au camp Démocrate. En 2020, Joe Biden avait reçu 55.4% du vote contre 41.9% pour Trump. Hillary Clinton avait également remporté le Colorado en 2016. Idem pour Barack Obama en 2008 et 2012. Toutefois, un état peut toujours basculer. Si Trump ne figure pas sur les bulletins de vote au Colorado, il part avec un désavantage de 10 points par rapport à son concurrent.
Cette décision de la Cour suprême du Colorado pourrait encourager d’autres états contrôlés par les Démocrates à tenter la même manoeuvre. Toutefois, l’échéancier se resserre. Le tribunal a suspendu l’entrée en vigueur de sa décision jusqu’au 4 janvier afin de permettre un appel. Comme la cause est portée devant la Cour suprême des États-Unis, cette suspension va rester en vigueur jusqu’à ce que l’affaire soit résolue. On peut même se demander si la résolution de l’affaire surviendra à l’intérieur des délais électoraux. Qui plus est, la décision de la Cour Suprême des États-Unis sera probablement favorable à Trump.
Reste que le jugement peut avoir un effet dommageable pour les Républicains s’il attise les dissensions au sein du parti. L’establishment et les RINOs [Republicains de Nom Seulement] hostiles à Trump vont en profiter pour promouvoir ses principaux adversaires à l’interne, Ron DeSantis et Nikki Haley.
Le candidat à l’investiture Républicaine Vivek Ramaswamy n’a pas tardé à réagir, au moyen d’une déclaration stipulant qu’il se retirera des primaires du Colorado à moins que Trump ne figure sur le bulletin de vote. Il met les autres candidats Républicains au défi de lui emboîter le pas.
Ron DeSantis n’a jusqu’à présent pas répondu à l’appel, mais il a relayé le message du sénateur de l’Utah Mike Lee, qui accuse une « voyoucratie déguisée en jurisprudence » et parle d’un signal d’alarme à ne pas ignorer. DeSantis écrit que la Cour suprême devrait renverser le jugement.
Aucune réaction de la part de Nikki Haley au moment d’écrire ces lignes.
Quant à Chris Christie, le candidat à l’investiture Républicaine le plus hostile à l’endroit de Donald Trump, auquel les sondages accordent 3% des appuis, a dit que ce n’était pas aux tribunaux d’empêcher Donald Trump d’être président, mais aux électeurs.
Le Président du Parti Républicain du Colorado, Dave Williams, s’est montré le plus défiant, affirmant que le parti de l’État passera à un système de caucus si Trump est empêché de participer au scrutin. Parce qu’aux États-Unis, les primaires peuvent se dérouler sous deux formes principales: les élections primaires, mais aussi les caucus, des réunions locales où les électeurs se rassemblent pour discuter, débattre et exprimer leur préférence pour l’un des candidats. On y vote à main levée. Si le Parti Républicain du Colorado opte pour la tenue de caucus, il n’y a pas besoin d’imprimer des bulletins de vote. La plupart des états privilégient les élections primaires, mais certains tiennent des caucus, comme l’Iowa, où s’ouvre le bal de la course à l’investiture.
Robert F. Kennedy Jr., qui a largué le Parti Démocrate pour se présenter comme candidat indépendant à écrit que « lorsqu’un tribunal d’un autre pays disqualifie un candidat de l’opposition, nous disons que « ce n’est pas une vraie démocratie« . Maintenant, ça se passe ici. »
L’acharnement juridique contre Trump peut générer l’effet inverse que celui escompté par l’establishment Démocrate. On peut observer dans la culture américaine une certaine appréciation pour les histoires d’underdogs ou d’outsiders, qui parviennent à réussir ou à surmonter des défis. On note une admiration pour la persévérance, la résilience et la capacité à surmonter les obstacles. Peu importe ce que l’on pense de Donald Trump, on voit le cas d’un outsider que l’establishment veut à tout prix écarter de la vie politique. La persécution vindicative qu’il subit peut lui valoir un élan de sympathie, même dans des classes insoupçonnées. Des électeurs qui n’apprécient pas Trump en viennent à réaliser que l’autoritarisme [dont on l’accuse] provient plutôt de ceux qui le pointent du doigt. Il apparaît comme un moindre mal face à un régime « diversitaire » corrompu.
Donald Trump a été mis en accusation, mais n’a encore été reconnu coupable de rien – et pas d’avoir orchestré une insurrection. Contrairement à ce que répètent les médias de masse, il ne constitue pas une menace pour la démocratie, mais il en représente clairement une pour l’establishment – ce qui explique cette persécution venant d’une classe politique visiblement en panique. Il ne s’agit pas ici d’une initiative qui vise à battre Donald Trump aux urnes, mais à instrumentaliser l’appareil judiciaire pour retirer les droits d’électeurs américains qu’on empêche de voter pour le candidat de leur choix. Une chose devient certaine: Donald Trump n’est pas de l’opposition contrôlée. Si c’était le cas, on ne déploierait pas tant d’efforts pour lui barrer la route.