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Le Comité permanent des affaires étrangères refoule un professeur invité pour une allocution qui s’était déplacé depuis le Kazakhstan

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S’étant déplacé du Kazakhstan pour faire une allocution au Comité permanent des affaires étrangères du Canada, le professeur Jean-François Caron (PHD), qui enseigne à l’université Nazarbayev, a vu sa participation aux travaux être annulée à la dernière minute. Une « cancellation » se couplant à l’injure vu le déplacement significatif qu’a dû faire le professeur avant d’être refoulé sans explication hier.

M. Caron s’était déplacé à Ottawa pour livrer ses réflexions quant à la politique étrangère du Canada depuis quelques années. Enseignant, comme il le souligne, « au cœur de l’Eurasie », il bénéficie d’une perspective particulièrement pertinente sur la perception du Canada à l’étranger, notamment dans des pays qui partagent l’espace géopolitique de grandes puissances concurrentes telles que la Russie et la Chine.

Libre Média a partagé une traduction de l’allocution qu’il était censé faire devant le comité, et qui apparaît tout à fait pertinente pour aider le Canada à redresser son image en des temps de déclin d’influence sur la scène mondiale.

L’argument principal du professeur est que le Canada a perdu de l’influence sur la scène internationale dans les dernières décennies en raison d’une politique étrangère trop idéaliste et moralisatrice en un temps où, au contraire, le monde retourne à des relations étatiques plus pragmatiques et multipolaires.

Selon lui, le Canada disposait de beaucoup d’influence pendant la Guerre Froide puisqu’il posait comme un médiateur reconnu pour ses missions de paix, un « gendarme honnête » entre les États-Unis et l’URSS. Or, suite à une « ouverture du monde » qui a abouti sur une reprise de la compétition inter-étatique – contrairement à la thèse de la « fin de l’histoire » et du triomphe du libéralisme de Fukuyama -, le Canada a de plus en plus tenté de poser comme un modèle de moralité obsédé par la diffusion agressive de son progressisme, parfois même au point de devenir irritant pour beaucoup de peuples dans le monde :

« […] Le Canada s’est fait le champion des valeurs fondamentales centrales de ce qu’on appelle habituellement le paradigme de convergence libérale post-1991.

Cette posture a conduit le Canada à défendre des valeurs de sécurité humaine, de droits de l’homme, de promotion de la démocratie et de respect des minorités de toutes sortes. Cette stratégie aurait peut-être fonctionné si le monde avait effectivement convergé au cours des 30 dernières années autour de ces idéaux libéraux. Mais ce n’est pas le cas. […]

Par exemple, si la promotion des droits des membres de la communauté LGBT est incontestée au Canada, ce n’est pas le cas partout dans le monde où (pour le meilleur ou pour le pire) les valeurs traditionnelles sont encore prédominantes. 

Par expérience, je peux dire que le hissage du drapeau arc-en-ciel devant les ambassades occidentales dans la partie du monde où je vis depuis presque 10 ans maintenant n’est pas accueilli positivement. Au contraire, cela est plutôt perçu comme une forme de colonialisme civilisationnel non désirée et comme une tentative de la part du monde occidental de présenter les cultures traditionnelles comme arriérées. 

Que vous soyez d’accord ou non, c’est la perception des gens dans la région où je vis. À cet égard, le Canada s’est donné au cours des 20 dernières années ou plus le rôle d’être le pays leader derrière cette approche civilisationnelle. Si je dois paraphraser l’expression célèbre de John Winthrop, le Canada se voit maintenant à travers sa politique étrangère comme «la ville sur une colline»: une forme presque messianique d’une société progressiste et post-nationale que de nombreux Canadiens voient comme l’avenir de l’humanité. […] 

En conséquence, nous sommes devenus hostiles au sud global, à des parties du Moyen-Orient et de l’Asie (ce sont de nombreux pays quand on y pense). 

Nous ne devrions donc pas être surpris lorsque nos tentatives pour obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU échouent. Les gens n’aiment pas se faire donner la leçon par des moralistes importuns. 

Le Canada a été l’architecte de sa propre infortune. Dans la période émergente de ce qui semble être le monde de demain, cette approche est – je le répète – contre-productive et elle entrave notre capacité à être un acteur central ainsi que notre capacité à favoriser la sécurité mondiale.« 

L’allocution de M. Caron a-t-elle été annulée puisqu’elle remettait sérieusement en question les dogmes les plus défendus du présent gouvernement canadien? Il ne fait pas de doute qu’il y a une tendance croissante dans la société canadienne à censurer tout discours qui serait un peu critique du progressisme excentrique promu par le gouvernement Trudeau, voire des tentatives de les criminaliser.

Ainsi, la critique de la promotion décomplexée du mouvement LGBTQ par le Canada en des pays demeurés très traditionalistes, bien qu’elle ne constitue pas une position contre le mouvement en soi, mais simplement une critique de son usage en politique étrangère, pourrait potentiellement expliquer ce refus du Comité d’entendre le professeur. Mais aucune explication n’a encore été donnée pour l’annulation de l’allocution.

C’est d’autant plus révoltant que cette analyse est tout à fait raisonnable et partagée par un bon nombre d’analystes en politique internationale. L’avènement d’un monde multipolaire, où des pays aux sociétés demeurées très traditionnelles possèdent un immense pouvoir, rend définitivement caduques des politiques idéalistes fondées seulement sur la coopération internationale et la moralisation du tiers-monde.

J’écrivais d’ailleurs sur le sujet dès la première année du gouvernement Trudeau, en 2016, pour l’avertir que sa démarche idéaliste pourrait rapidement se heurter à la dure réalité, et qu’une approche axée sur le réalisme politique serait préférable en notre époque :

« Ce qu’on nous propose ici, c’est de recentrer les actions du Canada à l’international dans une perspective idéaliste plutôt que réaliste. […] Ainsi, les partisans de la realpolitik, issue du réalisme, vous répondront que les idéaux pacifiques de Trudeau sont bien beaux, mais qu’ils resteront pour une bonne part des vœux pieux. […] le monde et sa géopolitique ont énormément changé depuis le début des années 2000. Si elle était autrefois prolifique, la politique étrangère que préconise Trudeau est-elle encore applicable aujourd’hui? […] Nous voilà aujourd’hui dans un monde instable, radicalisé et multipolaire. À moins d’être un génie politique, il semble assez improbable d’imaginer que Trudeau pourrait arriver à désamorcer par la douceur le contexte sulfureux dans lequel nous sommes plongés. Pis encore, un pacifisme béat dans une situation aussi dramatique serait imprudent et manquerait de sérieux. N’en déplaise à certains, dans le monde violent d’aujourd’hui, il faudra être fort pour se tenir debout. Il nous faudra un petit peu de realpolitik… »

Une analyse dont la pertinence n’a fait que se confirmer au fil des années, au point où je réitérais essentiellement les mêmes points en septembre dernier pour souligner à quel point cette vision de la politique étrangère par Justin Trudeau était anachronique :

« Lorsque Trudeau a été élu en 2015, le monde entier était emporté par la vague d’attentats de l’État Islamique. […] En réaction, le monde occidental vivait de grands changements politiques et renouait avec une certaine sensibilité nationale, voire une nouvelle forme de populisme, qui remettait en question la gestion multilatérale du monde. […] C’est dans ce contexte que Trudeau fut élu, et pourtant, il prit un chemin complètement opposé à cette nouvelle réalité, s’attachant obstinément aux repères traditionnels de l’ordre mondial incarné dans les institutions internationales. […] Dans tout cela, la vision politique des relations internationales de Trudeau devenait complètement caduque. Le premier ministre canadien avait espéré évoluer au travers d’institutions internationales qu’il connaissait bien et le rendaient confortable, il avait espéré pouvoir fédérer les nations ensemble dans une coopération pacifique et tempérée où le Canada disposait d’une grande crédibilité de médiateur, or la nouvelle réalité faisait en sorte que ces institutions étaient de plus en plus ignorées et laissées de côté. »

« De toute évidence, les dirigeants mondiaux ne sont plus dupes. Ils voient bien que le Canada de Trudeau a peu à offrir, et que Trudeau lui-même n’est pas un personnage sérieux. Il déclame de belles phrases pour les caméras, mais n’offre aucune garantie ou plan crédible sur quelconque enjeu. Il est plus intéressé par son agenda woke rose bonbon pour le Canada et une vague vision naïve de paix dans le monde que par le fait d’agir comme un véritable partenaire avec ses homologues. »

Bref, non seulement l’annulation de cette allocution pose des problèmes au niveau de la liberté d’expression et de la possibilité pour les citoyens de faire entendre leur voix dans les institutions démocratiques, mais elle pose aussi un problème quant à l’apparente obstination du gouvernement dans la poursuite d’une politique étrangère profondément problématique qui accentue rapidement le déclin du Canada sur la scène mondiale.

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