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Le jeu équilibriste de Jagmeet Singh

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Tout dans la conjoncture politique à Ottawa sent les élections d’ici à cet automne. Le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau, on le sait, se maintient au pouvoir grâce à une alliance avec le NPD de Jagmeet Singh. C’est donc ce dernier qui détient la balance du pouvoir à Ottawa. S’il en venait à désavouer le gouvernement libéral, il le paralyserait probablement au point de le forcer à déclencher des élections. Or Jagmeet Singh s’y refuse toujours, malgré un inconfort de plus en plus évident face au scandale des ingérences chinoises.

Le NPD marche sur des œufs

En effet, dans les derniers jours, la remise du rapport du « rapporteur spécial » David Johnston, nommé par Trudeau en mars, et qui ne recommande pas la mise en place d’une commission d’enquête publique et indépendante, n’a pas convaincu les partis d’oppositions. De manière unanime, ils demandent désormais la démission de David Johnston, qu’ils jugent trop proche de Justin Trudeau et possiblement en conflit d’intérêt.

Il avait été révélé lors de sa nomination par Trudeau qu’ils partageaient une amitié solide depuis de nombreuses années. De plus, il était carrément membre de la Fondation Trudeau, visée par des allégations dans ce dossier. Quoique respecté par tous les partis et par la société canadienne, les partis d’oppositions considèrent qu’il ne fait pas de sens de nommer Johnston à ce poste délicat. Pour émettre des recommandations neutres et indépendantes, il aurait fallu nommer quelqu’un qui n’est pas lié à Trudeau ou à la Fondation Trudeau.

La réclamation d’une enquête publique et indépendante, pour sa part, tient toujours dans les partis d’oppositions.

Or dans tout cela, le NPD, qui a le pouvoir de briser ce gouvernement et qui a globalement été en accord avec les partis d’opposition sur la question, est demeuré très prudent. Tout en maintenant son alliance avec le gouvernement libéral, il ne se gêne pas pour autant quand vient le temps de le critiquer. Le NPD joue à l’équilibriste et tente de concilier le pouvoir que lui offre son alliance avec le gouvernement et la nature tout à fait légitime et raisonnable des critiques de l’opposition.

Mais surtout, il sait que ces enjeux seront incontournables dans la prochaine campagne électorale et qu’ultimement, il devra se retrouver du bon côté de l’histoire.

Un momentum conservateur?

Pourquoi donc Jagmeet Singh s’obstine à maintenir son alliance de plus en plus gênante avec Justin Trudeau? L’élection est de toute façon imminente. Alliance ou pas, et il devra bien s’y résoudre dans les semaines ou les mois à venir. Cette obstination ne révèlerait-elle pas les rapports de force actuels à Ottawa, qui sont tout aussi dérangeants pour le NPD que son alliance avec un parti empreint de scandale? Jagmeet Singh s’inquiète-t-il qu’une élection précipitée se ferait à l’avantage des conservateurs, des adversaires idéologiques plus sérieux que ne le sont pour eux les libéraux?

On sent en effet un momentum conservateur en ce moment. Depuis des mois, Pierre Poilievre tire à boulet rouge sur le gouvernement libéral et la chose semble payer. Les sondages sont de plus en plus favorables aux conservateurs et les scandales ne cessent de s’accumuler pour les libéraux.

On peut donc s’imaginer que Jagmeet Singh se croise les doigts en espérant un essoufflement conservateur pendant l’été, qui le mettrait en meilleure position pour se démarquer dans une élection à l’automne. Le gros défi des néo-démocrates sera de tenter de récupérer l’électorat de gauche déçu par les libéraux ; ils se retrouvent donc dans une situation périlleuse où ils doivent espérer la chute de leur allié, mais l’amortir pour qu’elle ne bénéficie pas à leur adversaire principal à droite.

Ainsi, c’est un véritable exercice d’équilibrisme politique auquel s’adonne en ce moment Jagmeet Singh.

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