Traduit de l’anglais. Article de Carson Jerema publié le 15 septembre 2023 sur le site du National Post.
Le Premier ministre Justin Trudeau se préoccupe tellement de l’impact du coût des denrées alimentaires sur les Canadiens qu’il menace de mettre en place des politiques qui auront pour effet d’augmenter encore plus les factures d’épicerie ou d’entraîner des pénuries – ou les deux. Vous souvenez-vous du printemps 2020, des rayons vides et des files d’attente pour entrer dans les supermarchés ? Apparemment, M. Trudeau s’en souvient, et avec tendresse.
Chaque fois que les libéraux sont interrogés sur l’inflation et sur leur volonté de freiner les habitudes de consommation qui contribuent à la hausse des prix, un point qui est incontesté par pratiquement toutes les personnes crédibles, leur réponse consiste à détourner le regard. La réponse habituelle consiste à évoquer l’inflation « mondiale », les problèmes de la chaîne d’approvisionnement internationale et la guerre en Ukraine. Cette réponse est sans doute vraie, mais elle n’exonère pas les libéraux de leurs propres politiques inflationnistes, ni la Banque du Canada, d’ailleurs, d’avoir mis beaucoup trop de temps à relever ses taux d’intérêt.
Cet appel à la complexité de l’inflation s’évapore toutefois lorsque cela arrange le premier ministre, comme ce fut le cas jeudi. Soudain, les problèmes complexes auxquels est confrontée l’économie mondiale ne sont pas du tout responsables de la hausse des prix. Selon M. Trudeau, les vrais coupables sont les magasins d’alimentation, qui utilisent en quelque sorte l’inflation pour masquer leur avidité gratuite – une avidité qui, mystérieusement, ne s’est manifestée qu’en 2020, lorsque les prix ont commencé à grimper en flèche.
M. Trudeau a déclaré lors d’un événement à London, en Ontario, que « les grandes chaînes d’alimentation réalisent des bénéfices records », ce qui est peut-être vrai si l’on ne considère que la valeur absolue en dollars des bénéfices, ou si l’on ne prend en compte que les aspects non alimentaires de l’activité, mais qui, autrement, est à peu près du charabia. Par exemple, selon son dernier rapport trimestriel, les marges bénéficiaires de Loblaw sur les ventes de produits alimentaires sont en baisse, comme elles l’étaient l’année dernière.
Le premier ministre a ajouté que « ces profits ne devraient pas être réalisés sur le dos des personnes qui luttent pour nourrir leur famille », une déclaration qui n’a de sens que si l’objectif est d’éliminer complètement les profits, ce qui semble de plus en plus être le plan.
Si les cinq plus grandes chaînes de supermarchés – Loblaw, Metro, Empire, Walmart et Costco – ne proposent pas de plan pour contrôler les prix d’ici Thanksgiving, le gouvernement « prendra d’autres mesures », a menacé M. Trudeau. « Nous n’excluons rien, y compris des mesures fiscales ».
Il est remarquable que ces menaces ne visent pas les entreprises situées en aval de la chaîne d’approvisionnement, telles que les camionneurs, les entreprises de transformation alimentaire et les agriculteurs, qui subissent tous des coûts d’exploitation plus élevés et répercutent ces coûts en aval. Les épiceries sont évidemment les plus visibles. Les désigner comme la cause de l’inflation est une performance typique des libéraux.
Quant au raisonnement qui sous-tend la menace spécifique de « mesures fiscales », peut-être le premier ministre est-il simplement fatigué de diriger un gouvernement qui vacille au bord de l’implosion, au point de vouloir commencer à dire aux entreprises privées ce qu’elles doivent faire. Ou peut-être est-il tellement habitué à utiliser les leviers de l’État, où la recherche du profit est inexistante, qu’il ne peut imaginer qu’une entreprise privée fonctionne différemment.
Plus vraisemblablement, M. Trudeau cède enfin à la pression du chef du NPD, Jagmeet Singh, dont l’accès aux montres Rolex ne semble pas être affecté par l’inflation, pour s’attaquer aux chaînes de supermarchés.
M. Trudeau n’a pas précisé quelles « nouvelles » taxes il envisageait, mais M. Singh a réclamé une « taxe sur les bénéfices exceptionnels », qui imposerait un taux plus élevé sur les bénéfices supplémentaires. Ce qui est considéré comme une « aubaine » est inévitablement arbitraire, mais l’augmentation de l’impôt sur les sociétés finit généralement par être un moyen indirect d’augmenter les impôts de tous, puisque les coûts supplémentaires sont répercutés sur les consommateurs.
En revanche, si une entreprise ne peut pas augmenter ses prix parce que l’impôt sur les bénéfices exceptionnels est suffisamment sensible pour récupérer tous les bénéfices supplémentaires, il est plus probable qu’elle réduise ses investissements. C’est exactement ce qui s’est produit à la suite de l’impôt sur les bénéfices exceptionnels que le Royaume-Uni a adopté pour faire face à la hausse des prix du pétrole et du gaz. Les entreprises du secteur de l’énergie ont depuis réduit leur production et licencié des travailleurs.
Une taxe sur les bénéfices des épiciers est la politique idéale si l’objectif est de provoquer des pénuries alimentaires, ou du moins des pénuries de certains aliments ou de certaines marques. En fonction de la manière dont la taxe est conçue, le résultat pourrait être à la fois une diminution du choix dans les épiceries et une augmentation des prix. C’est également une bonne politique pour mettre les employés de l’épicerie au chômage.
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