Abigaïl Bimman et Luca Caruso-Moro rapportent pour CTV News que le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree, a présenté un ambitieux projet de loi visant à transformer la manière dont le Canada protège ses frontières et lutte contre le crime organisé, le trafic de drogues, et le blanchiment d’argent.
Intitulé projet de loi C-2, ou Loi sur des frontières fortes (Strong Borders Act), le texte propose une série de réformes qui s’étendent sur plusieurs ministères, notamment la Sécurité publique, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et même la Garde côtière. Selon les documents d’information fournis de manière officieuse par les fonctionnaires fédéraux, trois axes principaux structurent la loi : la lutte contre le crime organisé et le fentanyl, la sécurisation des frontières, et le renforcement des outils contre la criminalité financière.
Perquisitions et pouvoirs sans mandat
L’un des aspects les plus sensibles du projet touche aux pouvoirs policiers en matière de perquisition sans mandat, dans des circonstances qualifiées « d’urgentes et critiques dans le temps ». Abigaïl Bimman et Luca Caruso-Moro indiquent qu’un exemple cité dans les documents officiels serait celui d’un cas d’abus d’enfant en direct, où une intervention immédiate pourrait être nécessaire sans attendre l’autorisation judiciaire.
Le texte modifierait également la Loi sur la Société canadienne des postes, afin de permettre aux autorités d’ouvrir et de fouiller du courrier dans le cadre d’une enquête criminelle autorisée. Il élargit aussi les pouvoirs d’inspection des agents de Postes Canada eux-mêmes.
Argent liquide et transferts suspects
Le projet C-2 s’attaque également au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme en restreignant certains usages de l’argent comptant. Il deviendrait interdit d’effectuer des transactions en espèces de plus de 10 000 $ ou des dépôts en argent liquide dans le compte bancaire d’un tiers. Les fonctionnaires précisent toutefois que ces restrictions ne s’appliqueraient pas aux banques ou plateformes électroniques. Ainsi, un acheteur d’une motocyclette de 11 000 $ en argent comptant devra d’abord déposer l’argent dans son propre compte avant de payer le vendeur.
Nouvelles prérogatives aux frontières
La réforme prévoit également d’importants changements en matière de surveillance et d’inspection frontalière. Les agents de l’ASFC pourraient dorénavant accéder et fouiller des entrepôts ou installations sous le contrôle de transporteurs, alors que la Garde côtière canadienne se verrait confier un rôle accru en matière de patrouilles de sécurité et de collecte de renseignements.
Immigration : annulation de documents et suspension de dossiers
Sur le plan migratoire, le projet de loi donnerait au gouvernement le pouvoir de suspendre, modifier ou annuler des documents d’immigration, voire de stopper la réception de nouvelles demandes. Ces mesures viennent s’ajouter aux investissements précédents de 1,3 milliard $ pour moderniser la surveillance frontalière, incluant des drones, des hélicoptères et des postes d’observation 24h/24.
Pressions américaines et accusations de laxisme
Le contexte politique ne peut être ignoré. Comme le rapportent Abigaïl Bimman et Luca Caruso-Moro, ces réformes interviennent alors que le président américain Donald Trump accuse le Canada de laxisme en matière de lutte contre le trafic de drogues et la criminalité transfrontalière.
Trump a utilisé cet argument pour imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les marchandises canadiennes, ainsi qu’une taxe de 10 % sur le potasse et les produits énergétiques, en ciblant spécifiquement ceux qui ne sont pas couverts par l’accord de libre-échange.
Un tribunal fédéral américain a brièvement invalidé ces mesures, jugeant qu’elles n’étaient pas fondées sur une menace crédible, mais la Maison-Blanche a fait appel, et les droits de douane ont été rétablis. Trump a promis de porter la bataille jusqu’à la Cour suprême des États-Unis si nécessaire.
Dialogue en cours
Dans ce contexte tendu, Anandasangaree a affirmé en conférence de presse que « les Canadiens et les Américains ont un intérêt commun pour ce qui est de la sécurité frontalière ». Il a d’ailleurs annoncé qu’il partagera les détails du projet de loi avec Tom Homan, le responsable américain de la frontière désigné par Trump, lors d’une réunion prévue le jour même.