Traduit de l’anglais. Texte de Kenneth Green publié le 9 juin 2023 sur le site du National Post.
À moins que vous ne viviez dans une grotte, vous savez qu’il y a eu une explosion massive des feux de forêt au Canada qui envoie des nuages de fumée chez nos voisins américains. Il n’est pas surprenant qu’ils ne soient pas contents – le ciel orange rappelle un peu les films post-apocalyptiques hollywoodiens.
Chez nous, nos alarmistes climatiques opportunistes habituels, dont le Premier ministre Trudeau, le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault et l’irrépressible Elizabeth May, imputent les flammes au changement climatique (et non à leur leadership en matière de politique forestière canadienne). Et le seul remède est de mettre fin à l’utilisation des combustibles fossiles.
Mais il convient d’apporter quelques éléments factuels à cette hystérie. Tout d’abord, le climat se réchauffe effectivement. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies, la température moyenne de l’atmosphère augmente partout dans le monde et, selon une analyse, deux fois plus vite au Canada.
Mais ce récent réchauffement de l’atmosphère est-il à l’origine de l’augmentation des incendies de forêt dans le monde et au Canada en particulier ? Dans son dernier rapport omnibus sur le climat, le GIEC n’accorde qu’une « confiance moyenne » à l’idée que le changement climatique a effectivement provoqué une augmentation des incendies dans certaines régions du monde. Et ce, après avoir désespérément cherché à lier des événements réels à l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre depuis une quarantaine d’années. En outre, de nombreux rapports ont montré que si l’activité des incendies est en hausse dans certaines régions, il n’y a toujours pas d’augmentation globale des superficies brûlées au niveau mondial.
De nombreuses mesures judicieuses peuvent être prises pour atténuer les dangers des incendies de forêt (qui font en fait partie du cycle naturel de régénération des forêts) : gestion des combustibles, sensibilisation aux risques d’incendie de forêt, coupures de combustible et zones tampons, évaluation des risques d’incendie de forêt, brûlages dirigés et culturels, infrastructure de gestion adaptative des écosystèmes, résilience des réseaux, codes et normes de construction, aménagement du territoire, protection et restauration des écosystèmes.
Comme le résume la Royal Society, une académie scientifique indépendante du Royaume-Uni, dans un billet de blog de 2020 mettant à jour ses recherches de 2016 sur l’étendue des incendies de forêt dans le monde, « l’activité des incendies est en hausse dans certaines régions, mais si l’on considère la superficie totale brûlée au niveau du sol, nous ne constatons pas d’augmentation globale ». Le rapport de 2016 était plus explicite, constatant : « Au lieu de cela, la superficie globale brûlée semble avoir globalement diminué au cours des dernières décennies, et il y a de plus en plus de preuves qu’il y a moins de feu dans le paysage mondial aujourd’hui qu’il y a des siècles. » Si la Royal Society reconnaît que le changement climatique peut accroître les risques, elle observe également que de nombreuses autres activités humaines peuvent contribuer à l’augmentation ou à la diminution des incendies, et à l’augmentation ou à la diminution des surfaces brûlées.
Mais qu’en est-il du Canada en tant que tel ? Est-il évident que les problèmes d’incendie au Canada sont liés au climat ? À moins de croire que les corrélations inverses suggèrent une causalité, la réponse est non. C’est ce qui ressort d’une étude publiée en 2020 dans la revue Progress in Disaster Science, dans laquelle les auteurs Tymstra et al. font état d’une tendance à la baisse assez marquée du nombre d’incendies (annuels) au fil du temps et d’un bilan mitigé en ce qui concerne les superficies brûlées, même si les auteurs notent une augmentation apparente des superficies brûlées au cours des deux dernières décennies.
En fait, alors que les températures atmosphériques moyennes ont augmenté entre 1970 et 2017, le nombre d’incendies de forêt au Canada a fortement diminué et les superficies brûlées n’ont guère évolué.
L’étude de Tymstra révèle également que la politique de gestion des incendies de forêt au Canada n’est pas à la hauteur. « L’un des principaux obstacles au Canada (…) est le financement inadéquat pour soutenir la vision d’une approche innovante et intégrée de la gestion des incendies de forêt. Le financement des mesures d’atténuation a suivi les catastrophes liées aux incendies de forêt, mais pas au même niveau que les inondations et les tremblements de terre. Malgré l’augmentation du nombre de feux de forêt au Canada, le financement de la prévention, de l’atténuation et de la préparation n’a pas suivi le rythme de la nécessité croissante d’atténuer les impacts des feux de forêt et d’être mieux préparé lorsqu’ils surviennent ».
Plus précisément, Tymstra et al. constatent que le Canada n’a pas suffisamment financé la gestion proactive des incendies de forêt et qu’il n’est pas prêt à faire mieux à l’avenir. « Les agences de gestion des incendies de forêt au Canada sont à un point de basculement. Les coûts de présuppression (sic) et de suppression augmentent, mais pas les budgets des programmes ». Mais il est clair que l’absence de suppression des incendies est également un problème : « La suppression des incendies contribue au problème des incendies, mais paradoxalement, c’est l’utilisation des incendies qui contribuera à résoudre ce problème.
« La boîte à outils de la gestion des incendies de forêt doit inclure l’utilisation des feux de forêt pour gérer les incendies de forêt à l’échelle du paysage, car il n’est pas possible d’utiliser efficacement les brûlages dirigés et/ou les traitements de gestion des combustibles pour restaurer les écosystèmes étendus dépendants des incendies de forêt.
C’est une façon un peu académique de dire qu’il faut combattre le feu par le feu, mais l’argument est néanmoins valable.
La saison des incendies au Canada est un véritable enfer, c’est indéniable. Et elle produit des paysages infernaux à travers le Canada et l’Amérique du Nord. Cependant, il ne s’agit pas d’un appel à la poursuite de la même vieille « action climatique ». Il s’agit plutôt d’un appel à une gestion plus saine, en temps réel, du risque d’incendie dans les forêts canadiennes, une pratique à laquelle les gouvernements canadiens ont échoué pendant des décennies.
Il ne reste plus qu’à espérer que cette saison des incendies allumera un feu chez les décideurs politiques canadiens qui ne se soucient guère des incendies, et les incitera enfin à suivre la voie rationnelle – combattre le risque d’incendie par l’utilisation du feu, plutôt que d’invoquer les dieux du ciel climatique et d’appeler à des mesures d’apaisement qui n’auront aucune incidence sur le risque d’incendies de forêt au Canada.
Kenneth P. Green est chercheur principal à l’Institut Fraser.
Pour lire l’article dans sa version originale.