Je l’avoue, je suis un collectionneur. Un accumulateur. J’ai chez moi des centaines de livres, mais aussi des magazines, des brochures, des films en DVD et en VHS. Plusieurs personnes me disent que je peux désormais accéder à tout ça en ligne. Oui, mais non. Avec des militants woke qui ont pris le contrôle des institutions culturelles telles que l’ONF, les maisons d’édition, mais aussi les diffuseurs de films en ligne comme Netflix et Disney, je préfère si possible garder des copies physiques des œuvres qui je sais sont en sursis. Explications.
Les scandales autour de destructions d’œuvres sont désormais légion : on détruit en Ontario des exemplaires de Tintin, Astérix et Lucky Luke au nom de la « réconciliation » avec les Premières Nations. Vous vous souvenez de cette histoire de nos classiques d’enfance qui furent brûlés et dont les cendres ont servi un rite néo-païen à la sauce woke avec un arbre planté pour l’occasion? Moi je n’ai pas oublié bien que le scandale soit derrière nous. Je sais que désormais, ces bandes dessinées sont en sursis. Comme Tintin au Congo qui est régulièrement décrié depuis des décennies.
Une des raisons pourquoi j’achète ces bandes dessinées tendancieuses lorsque je tombe dessus, c’est justement pour permettre une seconde vie qui ne sera pas écourtée par un éditeur zélé qui décidera d’annuler les réimpressions, des militants woke qui agissent sous couvert d’être bibliothécaires ou encore des libraires qui ne les mettront pas disponibles à la vente, comme cela est arrivé chez des libraires indépendants avec les essais de Mathieu Bock-Côté.
Bien sûr, dans ce cas, nous parlons de destruction physique pure et simple. Il y a environ une décennie, l’Office national du film du Canada a fait à notre peuple un cadeau d’une valeur inestimable : la mise en ligne, libre et gratuite de milliers de nos grands films produits par l’équipe française de l’ONF. Les films de Gilles Groulx, Arthur Lamothe, Pierre Perrault, Michel Brault et tant d’autres. Notre histoire, nos aspirations, nos succès, nos échecs comme peuple mis sur pellicule pour la postérité. Ces films étaient jadis difficiles à trouver : il fallait les acheter individuellement en DVD ou en cassette, les regarder à la télévision, par morceaux sur YouTube ou bien les emprunter à la bibliothèque municipale.
J’estimais jusqu’à récemment que je n’avais rien à craindre pour ces films. Sauf que. Quand l’ONF a nommé une militante enragée à un poste de commissaire politique, Sophie Durocher a eu raison de soulever des questions sur la pérennité de nos œuvres légendaires en sachant que Mme Decoste se réjouissait sur Twitter de la destruction des bandes dessinées mentionnées plus haut. Depuis, rien n’indique une destruction d’œuvres ou de retrait du site web, mais c’est toujours trop tard que nous apprendrons la nouvelle. Le mal sera déjà fait. Raison supplémentaire d’acheter ces films lorsqu’ils sont dans une brocante ou une friperie. C’est bon pour l’environnement de donner une seconde vie à un objet physique, et ça pourra toujours être utile en cas de censure future.
La façon de regarder des films a beaucoup changé depuis l’arrivée du streaming, de la vidéo à la demande. Les Québécois sont en moyenne abonnés à plusieurs services différents. Ça explique la désaffection des gens pour le câble, mais aussi les salles de cinéma. Les clubs vidéo ont depuis disparu, quelques irréductibles survivent avec une échéance plus ou moins brève. Mais le fait de s’en remettre aux géants du divertissement américains n’est pas une bonne idée.
Oui, vous aurez toujours le choix parmi des centaines de films. Mais plusieurs œuvres classiques ont déjà été gommées des scènes dites « problématiques ». Des avertissements sont diffusés avant le film. Qu’il s’agit de représentations datées. Et c’est pour les œuvres disponibles ça. Plusieurs films ne seront plus jamais disponibles pour des raisons en « phobe ».
Si l’affaire des Dix petits nègres d’Agatha Christie a fait beaucoup jaser, il ne s’agissait que d’un seul mot dans le titre et des statuettes de « nègres » qui font partie de l’intrigue. Les éditeurs, Anglo-saxons en particulier, ont décidé de réécrire des œuvres populaires selon les normes des militants woke d’aujourd’hui. Par exemple, les romans de Ian Fleming, créateur du personnage de James Bond, vont être purgés des références de l’époque coloniale. Vous trouvez ça ridicule? Moi aussi.
Mais ça ne dépasse pas le niveau d’absurdité de la réécriture par Puffin, éditeur en anglais des livres pour enfants de Roald Dahl. Vous connaissez sûrement Charlie et la chocolaterie, mais aussi James et la pêche géante. C’est ainsi que des mots comme gros ont été effacés, et qu’une caissière dans un supermarché est devenue une scientifique de haut niveau. Et qu’a été mise en exergue une explication comme quoi un homme pouvait porter une robe et que c’était très bien comme ça.
Je ne sais pas pour vous, mais je n’apprécie pas le fait qu’on me dise ce que j’ai le droit de lire ou non. Même en étant un homme blanc hétéro cisgenre, j’ai parfaitement le droit d’apprécier la culture des autres peuples comme de la mienne. C’est pour ces raisons que je pense que conserver en format physique des œuvres qui sont à risque d’être annulées n’importe quand, quand elles ne le sont pas déjà, est en soi un acte de résistance.
Je remercie les libraires de seconde main du Québec, les brocantes, les friperies, les passionnés de films sur internet qui vendent et échangent leurs copies, les marchés aux puces, vous et moi quand nous faisons des ventes de garage, sur Kijiji, Marketplace, de faire vivre des formats physiques menacés par la postmodernité qui condamne autrement ces œuvres aux centres d’enfouissement. Pendant que des militants radicalisés sont désormais aux commandes de la vente, de la distribution qu’ils peuvent censurer ou carrément détruire.