Alors que la gauche peine à se réinventer, engluée dans des contradictions idéologiques, elle multiplie les actions radicales sans ligne directrice claire. Les attaques contre Tesla en sont l’illustration parfaite : des militants écologistes s’en prennent paradoxalement au plus grand constructeur de voitures électriques, révélant une dérive où l’ennemi devient plus symbolique que logique. Cette confusion croissante culmine avec le départ de figures comme Gabriel Nadeau-Dubois, signe d’une gauche à bout de souffle, incapable de retrouver un cap dans un paysage politique en pleine mutation.
Le flirt terroriste de Last Generation
Ces dernières semaines, une série d’actes de vandalisme a ciblé les véhicules Tesla aux États-Unis, culminant avec des attaques à la bombe incendiaire contre des concessionnaires. Au Canada, le groupe Last Generation Canada a suivi cette tendance en aspergeant de peinture rose un concessionnaire Tesla à Montréal, puis l’ambassade des États-Unis à Ottawa.
En effet, dans une vidéo diffusée lors de leur action contre Tesla, les militants ont accusé les milliardaires d’être responsables de la crise climatique. Cette position a été réitérée lors de leur passage à QUB radio, où ils ont dénoncé l’influence des grandes fortunes sur les politiques environnementales.
Notons que ce même groupe s’était illustré par le blocage du pont Jacques Cartier le 7 octobre 2022, perturbant la circulation pendant plusieurs heures. Ils avaient également bloqué une section de l’aéroport Montréal-Trudeau à l’été 2024, et certains membres du groupe sont les mêmes qui avaient bloqué le terminal gazier dans le port de Montréal en 2022.
Je soulignais déjà l’an dernier que ces actions coordonnées, visant des infrastructures stratégiques, flirtent dangereusement avec le terrorisme. Il n’est donc pas surprenant de retrouver ce groupe à l’origine de cette nouvelle importation de militantisme borderline terroriste des États-Unis. Ils n’ont pas osé le cocktail molotov, mais on sait bien quel genre de vidéo devaient les avoir inspirés.
La gauche en crise : combats d’arrière-garde
Or, ces actions militantes décousues révèlent une crise identitaire profonde au sein de la gauche. Pourquoi des militants écologistes cibleraient un concessionnaire d’autos électriques?
D’abord, selon le sociologue Michel Maffesoli, « les combats d’arrière-garde sont les plus sanglants », suggérant que les mouvements en perte de vitesse adoptent des tactiques de plus en plus radicales pour maintenir leur influence. Ce pourrait être ici le cas : confrontée à ses propres incohérences, la gauche multiplie les actions paradoxales, ciblant des symboles qui étaient autrefois alignés avec ses valeurs.
Un exemple frappant est l’accusation portée contre Elon Musk et Mark Zuckerberg de promouvoir le fascisme pour leur opposition à la censure, alors que la liberté d’expression était historiquement une valeur défendue par la gauche. De plus, Musk est désormais accusé de contribuer à la crise climatique, malgré son rôle majeur dans la promotion des véhicules électriques avec Tesla.
Parallèlement, la droite populiste s’est approprié des enjeux traditionnellement de gauche, notamment en répondant aux préoccupations ouvrières à l’ère de la réindustrialisation occidentale. En se concentrant sur la protection des emplois locaux et en prônant le protectionnisme économique, la droite a su capter l’attention des classes populaires, tandis que la gauche s’est éloignée de ces préoccupations dans une vision plus sans-frontiériste.
Par ailleurs, une certaine mouvance hippie anti-système s’est sentie ostracisée pendant la pandémie. Se sentant mieux représentée par la droite populiste, perçue comme la véritable contre-culture en 2025. Cette mouvance a contribué à redéfinir les lignes idéologiques traditionnelles.
Ces tendances ont même poussé Trump à envisager la nomination de Robert F. Kennedy Jr. au poste de secrétaire à la Santé, afin de lutter contre les abus de l’industrie agroalimentaire, un enjeu cher à la gauche des décennies passées. Cette décision illustre le brouillage des frontières idéologiques et la récupération par la droite de thématiques traditionnellement portées par la gauche.
L’altermondialisme, fer de lance de la gauche des années 2000, est désormais porté par la droite populiste. Les manifestations contre les sommets du G7 ou du G20, autrefois dominées par la gauche, sont devenues paradoxales, la droite s’appropriant désormais ces espaces de contestation avec davantage de succès tandis que la gauche défend corps et âme les structures mondialistes en place.
Face à ces bouleversements, la gauche cherche désespérément un nouvel enjeu fédérateur qui la distinguerait de ce qu’elle perçoit comme le mal incarné. C’est ainsi qu’elle s’est perdue dans les luttes intersectionnelles à partir des années 2010, fragmentant son discours et diluant son message auprès des classes populaires.
En ce début d’année 2025, alors que la vague woke semble se dissiper et que les grandes entreprises abandonnent leurs programmes d’équité, de diversité et d’inclusion, la gauche est en panique. Elle sent bien que le wokisme ne prend plus et qu’elle doit se réinventer.
GND « usé »
La démission de Gabriel Nadeau-Dubois en tant que porte-parole de Québec solidaire aujourd’hui en est une illustration. Usé par les crises successives au sein de son parti, il a déclaré : « Je suis usé et je ne peux plus continuer dans ces circonstances-là, maintenant que je suis père de deux enfants. » Cette démission marque la fin d’une époque et souligne la nécessité pour la gauche de repenser sa stratégie.
S’il aspire à survivre, Québec solidaire, comme d’autres partis de gauche en Occident, devra réévaluer sa stratégie et réaliser que le centre, qu’il avait réussi à tirer très loin à gauche, a rebasculé définitivement à droite, et que la fenêtre d’Overton se referme rapidement sur ses éléments radicaux. Cette prise de conscience est essentielle pour que la gauche retrouve une pertinence politique et sociale dans le contexte actuel.
La gauche est à la croisée des chemins. Pour retrouver sa pertinence, elle doit se reconnecter aux préoccupations des classes populaires, repenser ses alliances et redéfinir ses priorités. Sans une introspection profonde et une adaptation aux réalités contemporaines, elle risque de s’enfoncer davantage dans l’irrelevance politique.