D’après un article de Howard Levitt et Jarret M. Janis publié dans The Toronto Star le 6 juin 2025
Dans un contexte mondial instable et en rapide mutation, de plus en plus de Canadiens se tournent vers leur identité nationale, privilégient les produits locaux, voyagent au pays et célèbrent les valeurs canadiennes. Pourtant, comme le soulignent Howard Levitt et Jarret M. Janis dans The Toronto Star, des millions de Canadiens continuent de travailler pour des entreprises étrangères, souvent américaines, asiatiques ou européennes. Cette réalité soulève de nombreuses questions juridiques, culturelles et personnelles.
Une relation interculturelle parfois déséquilibrée
Travailler pour une entreprise dont le siège social est situé à l’étranger peut ressembler à une relation interculturelle : riche en découvertes, mais aussi semée de malentendus, d’attentes floues et, parfois, de formes subtiles d’exploitation. Levitt et Janis notent que de nombreuses entreprises étrangères importent dans leurs succursales canadiennes des normes implicites liées à la hiérarchie, à la loyauté ou au rythme de travail, qui peuvent heurter les valeurs canadiennes.
Ainsi, certaines entreprises américaines favorisent l’affirmation de soi et la performance, mais n’offrent souvent qu’un engagement unilatéral : la loyauté est attendue, mais peu réciproque. Les sociétés japonaises ou coréennes valorisent quant à elles la hiérarchie et la loyauté à long terme, mais au détriment parfois de l’équilibre travail-vie personnelle et de l’expression des désaccords.
Personnalité et culture d’entreprise : un mariage parfois difficile
Howard Levitt et Jarret M. Janis insistent sur l’importance de la personnalité du travailleur. Une personne assertive et indépendante pourra s’épanouir dans une structure nord-américaine, tandis qu’un employé respectueux de la hiérarchie pourrait trouver sa place dans une entreprise asiatique, à condition d’accepter des conditions parfois rigides. À l’inverse, ceux qui valorisent le dialogue, l’égalité ou la protection juridique pourraient se sentir plus à l’aise au sein d’une entreprise canadienne ou européenne.
L’éducation reçue joue également un rôle : avoir été élevé dans une culture valorisant le devoir et la loyauté peut rendre les employés vulnérables à certaines dérives, alors qu’un bagage plus axé sur la défense des droits favorisera la résistance aux abus… mais au prix possible de conflits culturels.
Entre le droit et la culture : un écart à ne pas sous-estimer
Le Canada possède l’un des régimes les plus favorables au monde pour les employés : protection des droits de la personne, indemnités de départ généreuses et possibilité de recours en cas de congédiement abusif. Toutefois, lorsque le véritable pouvoir décisionnel réside à Houston, Séoul ou Pékin, la situation se complique.
Levitt et Janis évoquent plusieurs cas :
– Dans de nombreux États américains, les contrats dits « at-will » permettent de congédier un employé sans préavis ni indemnité. Bien que cette pratique ne soit pas légale au Canada, certains gestionnaires étrangers tentent de s’y référer.
– En Asie de l’Est, malgré des promesses d’emploi à vie, les structures hiérarchiques et la stigmatisation des recours légaux rendent les recours difficiles.
– En Chine, la priorité donnée à la stabilité sociale sur les droits individuels fait que les plaintes des employés restent souvent lettre morte.
Quand la culture dérape : cas concrets
L’article de The Toronto Star revient aussi sur des affaires récentes :
– China Southern Airlines (2023) a été sévèrement condamnée par un tribunal canadien pour sa tentative brutale de forcer la démission d’un employé.
– Tesla Canada (2023) a été forcée de revoir ses politiques après avoir pénalisé des employés ayant pris un congé maladie protégé.
– Samsung C&T a subi des conséquences juridiques après avoir pris des mesures de représailles contre des lanceurs d’alerte.
Les profils les plus à risque
Selon Levitt et Janis, certaines caractéristiques personnelles augmentent le risque d’être exploité :
– Une confiance excessive dans l’employeur peut entraîner un manque de documentation ou de consultation juridique.
– La peur du conflit mène au silence face aux pratiques douteuses.
– Une loyauté extrême peut faire de l’employé une proie facile.
En revanche, ceux qui documentent, posent des questions et consultent un avocat spécialisé dès le départ sont mieux armés pour faire face aux défis juridiques et culturels.