Il y a un an, le bureau d’enquête du Journal de Montréal apprenait que la GRC enquêtait sur deux organismes de soutien à la communauté chinoise au Québec. Ceux-ci sont soupçonnés d’être en fait des « postes de police » pour le compte de la République populaire de Chine qui exécuteraient des opérations d’intimidation de ressortissants critiques du régime et de possibles tentatives d’ingérences dans la politique canadienne.
Eh bien voilà que le 20 février dernier, Alexandra Mendès, la députée de Brossard-Saint-Lambert – où se situe l’un de ces centres – a organisé un évènement partisan et y a invité le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie François-Philippe Champagne. Le hic, c’est que cette députée y avait aussi invité Xixi Li, la directrice du centre Sino-Québec de Brossard et du Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal, qui sont visés par ces enquêtes.
Non seulement ça, mais Alexandra Mendès a été très vocale dans son soutien à Xixi Li et ses organismes alors que l’enquête n’est pas encore terminée. Elle a parlé avec ironie d’une « soi-disant enquête » et critiqué sévèrement la GRC : « Il y a certains blâmes à mettre sur la GRC […] C’est sûr que [cette enquête] a fait énormément de tort à l’organisation. Est-ce que ça sert à quelque chose? Je ne crois pas ».
Cet évènement et les positions de Mendès ont poussé le ministre Champagne, via sa porte-parole, à désavouer la députée et réaffirmer sa confiance en la GRC : « On n’est pas d’accord avec ces propos. On respecte l’enquête de la GRC et on attend de savoir ce qui va en sortir ».
Outre les nombreux signalements que ces « centres de services » seraient en réalité des « postes de police » d’où opèreraient des agents du régime communiste – comme il s’en trouve partout en Occident – les semaines suivant ces révélations ont permis de dévoiler qu’ils recevaient des millions de dollars du gouvernement canadien, et que Xixi Li utilisait un groupe de travail sur l’application Wechat à des fins partisanes lors des élections provinciales de 2018 et de 2022.
Ce n’est aussi qu’une infime partie des nombreuses allégations d’ingérences chinoises dans la politique canadienne à la grandeur du Canada, qui font d’ailleurs l’objet d’une enquête publique en ce moment même. De nombreuses allégations selon lesquelles ces ingérences visaient principalement à faire réélire les libéraux de Justin Trudeau placent le gouvernement dans une position très délicate.
Malgré tout, Xixi Li, qui agit aussi à titre de conseillère municipale à Brossard, continue de plaider son innocence, et a même lancé des poursuites contre la GRC et la mairesse de Brossard, à hauteur de 4,9 M$ et 68 000$ respectivement.
Pour une majorité écrasante d’analystes, le soutien d’Alexandra Mendès à ces organisations chinoises sous enquête et à leur directrice constituerait un bris très grave de la séparation des pouvoirs. En effet, en démocratie, les politiciens qui appartiennent au pouvoir législatif ne devraient jamais s’ingérer dans les activités du pouvoir judiciaire. C’est quelque chose qui va au-delà d’un simple devoir de réserve, en ce sens qu’il est impératif que les enquêteurs et le système de justice ne soient pas sujets à des pressions politiques.
On soupçonne que Mendès agirait de la sorte par électoralisme pour plaire à la communauté chinoise de sa circonscription, et que ça pose des enjeux éthiques assez important pour justifier sa démission.