Vendredi 14 mars, Mark Carney devenait officiellement premier ministre. Bien qu’il n’ait pas été élu par la population, il semble déjà vouloir séduire une partie de l’électorat, notamment ceux qui sont tentés de voter conservateur. Certains signes le démontrent. Que faut-il en penser ?
Déjà, il a réduit le nombre de ministères. Le nombre est passé de 38 à 23. Doit-on y voir une volonté de réduire les dépenses ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais c’est un signal qu’il envoie à ceux qui sont préoccupés par les finances publiques. Le ministère des Langues officielles passe à la trappe, mission qui est reléguée à l’obscur nouveau ministère de la Culture et de l’Identité canadiennes.
Le ministère des Femmes, de l’Égalité des genres et de la Jeunesse disparaît également. Se peut-il que ce soit un signal envoyé contre les militants du genre ? C’est possible, car sur les réseaux sociaux, certains l’ont interprété comme tel.
De plus, Carney a officiellement abrogé l’impopulaire taxe carbone. C’est une initiative intelligente pour son premier jour de mandat. Cependant, il faudra voir s’il s’agit vraiment d’une distanciation avec l’ère Trudeau ou d’une simple tentative d’amadouer la population en lui faisant croire au changement.
Car il faut dire que le personnage est tout sauf une rupture avec Justin Trudeau. S’il ne porte pas les accoutrements folkloriques ridicules de Trudeau, Mark Carney est avant tout un citoyen du monde avant d’être enraciné au Canada. Comment peut-on avoir trois nationalités et devenir premier ministre d’un pays se sentant menacé par son puissant voisin ?
Quoi qu’il en soit, Pierre Poilievre a du mal à faire passer son message face aux menaces de Trump et à la fin du règne de Justin Trudeau. Il devra innover et proposer une rupture radicale avec les libéraux, pas seulement sur des mesures environnementales impopulaires, mais aussi sur l’immigration.
Désormais, une majorité de Canadiens sont favorables à une réduction des seuils d’immigration, en dessous même des taux actuellement proposés par les libéraux, qui tenteront d’en faire entrer également par la porte d’en arrière. Les taux sous Stephen Harper étaient plus raisonnables, même si la proposition la plus réaliste demeure celle d’un Maxime Bernier.
Poilievre doit devenir ce nationaliste canadian qui est également prêt à faire des concessions au Québec. Carney ne propose ni l’un ni l’autre. Le Canada ? Très peu pour lui. Ce n’est pas suffisant de mettre des unifoliés partout, il faut également retourner aux racines du pays et de son succès, c’est-à-dire les deux peuples fondateurs.
Et bien sûr, il ne faut pas oublier l’Alberta. Une victoire surprise de Mark Carney à d’éventuelles élections risquerait de créer un choc en Alberta. Province éloignée du centre, avec son régionalisme, l’Alberta aspire à obtenir les mêmes pouvoirs et institutions que le Québec s’est dotés. Une victoire de Mark Carney pourrait pousser les volontés annexionnistes ou indépendantistes dans cette province de l’Ouest.
Quoi qu’il en soit, il faudra bien un jour retrouver un semblant de normalité. Mark Carney, avec le fait qu’il ne soit pas élu par la population, peut-il incarner un retour à la normalité pour les Canadiens ? Nous sommes en droit d’en douter. Mais d’ici là, il faudra surveiller ses actions, celles de ses anciens et nouveaux ministres, et voir s’il n’y a pas anguille sous roche.