Depuis des mois, les projections de vote soviétiques de la CAQ laissent entrevoir un Québec complètement soumis à la volonté d’un seul parti. Certains sondages projettent que celui-ci pourrait remporter 100 sièges à l’Assemblée Nationale[1] ; une majorité écrasante, étouffante…
Une impression de convergence des sphères politiques québécoises en un grand monopole caquiste se fait sentir. C’est donc sans surprise que la Coalition Avenir Québec est devenue attractive pour un vaste éventail de candidatures provenant de toutes les familles politiques. Après tout, elle est le seul véhicule crédible du carriérisme politique en 2022.
C’est évidemment les candidatures de Caroline Saint-Hilaire, ex-mairesse de Longueuil et ex-députée du Bloc Québécois ainsi que celle de Bernard Drainville, ex-ministre péquiste, qui font le plus couler d’encre depuis quelques jours.
On s’interroge en effet à savoir si, avec ces candidatures, le nationalisme autonomiste initialement prôné par la CAQ n’est pas en train de tomber dans une posture plus franchement antagoniste avec le Canada. On accuse même la CAQ de relancer le clivage entre les souverainistes et les fédéralistes.
Cela dit, la CAQ poursuit simplement cette posture mitoyenne qu’elle avait choisi à sa fondation ; offrir de la fierté nationale aux Québécois sans pour autant parler d’indépendance, parler d’économie mais viser un Québec vert, etc. En somme, tenter de plaire à tous en se plaçant à l’extrême-centre de l’échiquier politique québécois et entretenir le flou sur la question nationale.
Et la chose a payé, il faut bien le reconnaître, sauf qu’elle contient son lot de problèmes pour le peuple québécois.
D’abord, en devenant un parti fourre-tout, la CAQ risque surtout de dissoudre les débats de société dans une modération exagérée. On risque de donner au Québec une ambiance d’unanimisme encore pire que celui qui prévalait déjà. Au pays de « pas de chicane dans ma cabane », dans cette gérontocratie frileuse qu’est le Québec, qui osera contester ces tendances monopolistiques?
Nos institutions et notre vie politique seront inévitablement teintées de ce paternalisme inattaquable, et tout le monde devra faire des courbettes à notre nouveau Duplessis pour en obtenir des faveurs.
La CAQ deviendra donc essentiellement un parti de pouvoir. Un parti du « damage control », sans réelle vision, qui tire les ficelles identitaires dès qu’il est critiqué dans un autre domaine.
Il faut aussi comprendre que rentrer autant de députés à l’Assemblée-Nationale sans réelle opposition multipliera ces cas de « plantes vertes » évoqués par Claire Samson plus tôt cette semaine. En effet, la grande majorité de ces députés ne seront pas réellement utiles au travail gouvernemental et ne seront qu’un vote de plus en chambre, là où un député de l’opposition aurait eu à travailler pour offrir un certain challenge à ses opposants.
Au fond, cette ambiance politique correspond bien au Québec : une société peu intéressée à débattre, qui aime qu’on décide à sa place et sans grands remous. Une société du suivisme aveugle.
Il semble évident que le véritable clivage politique se concentre aujourd’hui autour de la gestion de la pandémie et la reprise économique – les enjeux liés au nationalisme faisant à peu près consensus au Québec, contrairement à ce qu’on croit – mais on tente désespérément de détourner l’attention de ces sujets et de ramener les vieilles rengaines qui n’ont jamais menées nulle part.
Il sera intéressant de voir comment ces débats seront abordés lors de la campagne de cet automne… Ou s’ils seront carrément balayés sous le tapis par les médias complaisants pour assurer la réélection d’un parti de la pensée unique.
[1] https://qc125.com/