Nous avons vu cette semaine l’une des meilleures représentations des paradoxes que peut occasionner la radicalité du mouvement écologiste. En effet, face à la construction d’une usine de batterie qui a pour but de contribuer aux objectifs de transition énergétique, des militants sont allés saboter les travaux préliminaires et ont intenté une injonction pour contester la destruction de l’écosystème du site.
Autrement dit, on pousse toujours plus pour des politiques radicales qui mettent de l’avant les voitures électriques, mais on refuse d’assumer les conséquences de ces mêmes politiques. C’est simple, on veut le beurre et l’argent du beurre.
C’est d’autant plus curieux que ces activistes deviennent en quelque sorte des alliés objectifs des opposants à la transition énergétique qui martèlent depuis des mois les problèmes d’un empressement imprudent et dispendieux dans le développement de la filière des batteries.
Sabotage
Ainsi, pour bloquer l’avancement des travaux de l’usine Northvolt en Montérégie et forcer les autorités à les écouter, des militants sont allés planter des barres de fer dans les arbres qui devaient être abattus, empêchant les travailleurs d’utiliser leurs scies à chaine. Un acte de sabotage qui a été vivement dénoncé par de multiples acteurs de la société civile, y compris des organismes environnementaux.
D’abord, ce genre d’action peut porter atteinte à la sécurité des travailleurs ; la présence d’objets métalliques dans le bois pouvant briser les scies à chaîne d’une telle sorte que des projectiles peuvent partir dans tous les sens.
Mais aussi, Maxime Bourdeau, directeur général du Centre de valorisation du bois urbain, expliquait au Journal de Montréal que ces actions empêchaient le recyclage et la réutilisation du bois, ce qui s’avère complètement opposé aux logiques du développement durable : « C’est des arbres qui avaient un super beau potentiel de sciage, mais maintenant on va être chanceux si on peut simplement les broyer pour les transformer en biomasse ».
Injonction
En parallèle, le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et la Première Nation mohawk de Kahnawake avaient contesté ces travaux en justice pour demander au gouvernement de réévaluer le projet. On l’accusait de manquer de transparence et d’avoir donné son accord au géant suédois de manière expéditive, sans s’assurer adéquatement des compensations offertes pour la destruction d’un milieu humide présent sur le terrain.
Entre autres choses, on faisait valoir que le lieu serait potentiellement un espace de nidification pour le petit blongios, une espèce d’oiseau classée comme vulnérable, et on demandait plus de temps pour faire le point sur la situation.
Or les objectifs gouvernementaux en ce qui a trait à la filière des batteries sont assez clairs et discutés depuis de nombreux mois, et ces blocages et retards posent le risque de décourager les investisseurs futurs et, par la bande, tout le plan québécois de transition énergétique.
Ces actions en justices ont finalement été déboutées en cour ce vendredi, permettant à Northvolt de poursuivre ses travaux.
Décroissance vs développement durable?
On ne peut s’empêcher de voir dans cette opposition fanatique au développement la fameuse opposition entre les partisans de la décroissance et ceux du développement durable. Alors que les gouvernements cèdent de plus en plus aux pressions environnementalistes et trouvent des alternatives vertes aux technologies polluantes, de nombreux écologistes radicalisent leurs discours et, tout en continuant de demander plus d’action gouvernementale, bloquent systématiquement les projets proposés. On se retrouve dans une impasse.
C’est que pour certains environnementalistes, le problème n’est pas tant la voiture à essence que la voiture en tant que telle. En témoigne d’ailleurs les nombreuses politiques municipales, qu’on peut qualifier de « guerre à la voiture », où on poursuit un objectif à peine caché de collectivisation des transports.
Notons d’ailleurs que Fitzgibbon lui-même parlait de la « nécessité » de réduire le parc automobile de moitié il y a quelques mois, ce qui s’avère encore une fois paradoxal, vu les efforts qu’il met dans l’implantation de la filière des batteries.
Aussi, cette attitude des activistes dénote un rejet complet de tout développement industriel, peu importe s’il contribue à des transports verts. Il y a cette impression dans ces milieux militants que le développement n’est plus possible, que l’humanité est allée trop loin et qu’elle doit au contraire décroître. Une vision tout à fait apocalyptique et déraisonnable.
Pelleter chez le voisin
Dans tout ça, il faut relever à quel point ces blocages peuvent s’avérer contre-productifs. Bien souvent, ils n’ont pour effet que de faire fuir les investisseurs et délocaliser la production dans des régions du monde qui se foutent éperdument des normes environnementales.
En l’occurrence, en ce qui a trait aux voitures électriques, il est à noter la forte concurrence de l’industrie chinoise, qui menace de vaincre l’industrie automobile occidentale. Ce n’est pas seulement un enjeu économique, c’est aussi un enjeu environnemental, considérant le peu d’égard que le pays totalitaire a pour les écosystèmes de par le monde. D’autant plus que son industrie dépend fortement d’une alimentation électrique au charbon.
Et il y a quelque chose de fascinant de voir à quel point le Québec, qui est l’un des territoires les plus inhabités – et par extension développés – au monde se bat bec et ongle pour chaque mètre carré comme si la terre entière en dépendait. Sur les 1,7 millions de km² dont plus de 80% est inoccupé, on essaie de nous faire croire qu’un projet de 1,7 km² constituerait une catastrophe écologique irréparable?
Pendant ce temps, l’Europe, l’Asie, les États-Unis et tant d’autres régions continuent de se développer à vitesse grand V, et ce malgré des territoires développables de plus en plus exigus. En refusant de développer le Québec, on contribue beaucoup plus à la destruction dramatique des écosystèmes ailleurs dans le monde qu’en faisant quelques concessions ici. Car c’est bien rare que les écologistes emploient autant d’énergie à s’informer sur les lieux de production des produits étrangers qu’ils consomment au jour le jour qu’ils ne le font pour s’opposer à la coupe de quelques centaines d’arbres à côté de chez eux.