À partir de cet automne, le cours Culture et Citoyenneté Québécoise est enseigné aux niveaux primaire et secondaire dans tous les établissements scolaires de la province. Il remplace le cours Éthique et Culture Religieuse [ECR], qui était enseigné depuis 2008, et qui avait pris la place du cours de morale ou de religion [les parents avaient le choix entre l’un ou l’autre]. Le cours ECR, mis en place sous la gouverne du Parti libéral de Jean Charest, avait été décrié comme un outil de propagande du multiculturalisme. La sociologue Joëlle Quérin avait mené la charge avec une étude intitulée: Le cours Éthique et culture religieuse: transmission des connaissances ou endoctrinement? Selon elle, « il s’agissait d’apprendre aux enfants comment se comporter en présence de la diversité »; le cours aurait pu s’appeler « Accommodement 101: un endoctrinement multiculturaliste qui s’échelonne du début du primaire jusqu’à la fin du secondaire ».
Se distinguant du PLQ en se drapant de nationalisme, la CAQ de François Legault s’était engagée à supprimer le cours et à le substituer par autre chose. C’est désormais chose faite, mais l’arrivée du nouveau cours dans les salles de classe a aussitôt fait réagir le Parti Québécois.
Le député Pascal Bérubé dit : «Qu’est-ce qui indique que c’est un cours québécois? À peu près rien. On passe à côté de l’essentiel. Ça s’appelle citoyenneté et culture québécoise. Or, on ne voit à peu près rien sur la citoyenneté québécoise et rien sur la culture québécoise».
Pascal Bérubé n’a pas tort, le cours se base sur le concept de citoyenneté civique, qui met l’accent sur les droits et les devoirs des citoyens dans le cadre d’un État de droit, et qu’on associe aux modèles de démocratie libérale pluraliste. Il n’est pas question de citoyenneté identitaire définie par les caractéristiques culturelles, ethniques ou historiques partagées par un groupe. Comment favoriser l’intégration des nouveaux arrivants si on ne leur présente pas la culture d’accueil de manière à la valoriser. À lire le programme, on se demande quelle place le professeur accordera à la promotion du patrimoine culturel québécois – pour autant que celui-ci soit même présenté.
Dans le contenu enseigné au secondaire 4, il est question de « discrimination systémique », une notion qui avait pourtant été rejetée par la CAQ. Au secondaire 5, il y a un volet « racisme et colonialisme » dans lequel on aborde l’ethnocentrisme, la xénophobie, le profilage racial, l’appropriation culturelle et le génocide. Il n’y a évidemment aucun mal à aborder des questions telles que la xénophobie. Ce qui inquiète, c’est l’angle sous lequel ces sujets seront abordés alors que la description du cours est construite de termes issus du lexique woke, tels qu’appropriation culturelle, racisme systémique et décolonisation.
La nation canadienne française n’est pas évoquée une seule fois dans le programme du cours. Lorsqu’il est question de la nation québécoise [une seule fois dans les 66 pages du programme pour le primaire et 3 fois dans les 85 pages du cours secondaire], on nous parle des groupes qui la composent et de sa diversité.
Les Premiers Peuples apparaissent 21 fois dans le programme du cours secondaire, et le mot autochtone 79 fois. Il va de soi que les cultures amérindiennes soient présentées, mais si on les célèbre sans faire de même pour la culture canadienne française du Québec, ça fait craindre le mépris de soi et l’auto-flagellation occidentale.
Autre indice d’un wokisme omniprésent: il y est davantage question de la notion d’identité de genre que de l’identité nationale – et ce, dès le primaire. La portion du cours qui porte sur l’éducation sexuelle commence dès la 1ère année, où les enfants ont en moyenne 6 ans. Dans le volet « Besoins individuels », il est question de « Globalité de la sexualité, besoins du corps et prévention des agressions sexuelles. » Aucun mal à mettre les petits en garde contre les agressions sexuelles, mais pour le reste, l’éducation sexuelle ne peut-elle pas attendre au secondaire?
Le cours accorde beaucoup de place, et de légitimité, à la notion d’identité de genre – un concept idéologique qui n’est pas soutenu par l’observation empirique. Le mot « genre » revient 53 fois dans le programme du primaire, alors que le mot sexe y apparaît 24 fois. En 3ème année primaire, on aborde les « stéréotypes sexuels et de genre »; en 5ème année, « l’identité de sexe et de genre »; en 6ème année, la discrimination liée au sexe et au genre.
En secondaire 5, on parle de « sexe assigné à la naissance ». Lors de cette dernière année, le cours aborde aussi le mouvement LGBTQ+. Compte tenu du lexique employé dans le plan du cours, il est difficile de penser qu’une analyse critique y sera faite. À noter que dès la première année du cours secondaire, on présente le concept d’intersectionnalité, une notion issue du département des sciences sociales selon laquelle les oppressions s’ajoutent les unes aux autres, pour créer de nouvelles dynamiques de discrimination.
Tous ces concepts idéologiques peuvent mériter d’être enseignés dans le cycle d’études secondaire, pour autant qu’on présente également les contre-discours correspondants – sans quoi, on reste au niveau de la propagande et de l’endoctrinement. Et c’est pour cela que le cours inquiète: son programme s’annonce idéologiquement orienté. Ça ressemble au cours de Culture et Citoyenneté Québécoise qu’un gouvernement dirigé par Québec Solidaire aurait élaboré.
Certains excuseront la CAQ en avançant que le cours est avant tout le produit du Ministère de l’Éducation et de ses fonctionnaires, un appareil qui demeure en place alors que les administrations se succèdent. Soit, mais à titre de ministre de l’éducation, Bernard Drainville est quand même dans l’obligation de s’intéresser à l’élaboration d’un projet scolaire d’aussi grande envergure. Le nationalisme de la CAQ ressemble à une mince couche de vernis qui s’effrite…
En adoptant ce cours de Culture et Citoyenneté Québécoise, avons-nous remplacé la promotion du modèle multiculturaliste du précédent cours ECR par la validation de l’idéologie woke? Si tel est le cas, on aura échangé 4 trente sous pour une piastre. Pour terminer sur une note positive, le cours se donne aussi pour mandat d’amener les élèves à repérer les sophismes et les biais sociocognitifs. À espérer que les étudiants seront en mesure de déceler les erreurs de raisonnement du wokisme à même le cours qui leur est servi.