Hier, j’ai donné mon appréciation de la course au leadership au PCQ. Je souhaite qu’Éric Duhaime soit le prochain chef.
Un des défis de la direction du PCQ, quelle qu’elle soit, sera de concilier avec d’autres sensibilités les tendances plus libertariennes portées par certains militants du Parti populaire du Canada; ceux-ci forment une partie active de la base du Parti conservateur du Québec.
Il y a aussi au PCQ des conservateurs plus centristes qui votent PCC au fédéral. Une partie minoritaire des membres du PCQ reprennent quant à eux l’agenda des conservateurs sociaux.
Il est également possible que plusieurs partisans déçus de la CAQ passent au Parti conservateur du Québec. C’est déjà commencé. Si des députés de la CAQ migraient vers le PCQ, la pression serait forte pour prioriser certains éléments du programme et en mettre d’autres au congélateur à l’approche des échéances électorales.
Est-ce que le pouding prendra entre tous ces ingrédients? Cela relèvera beaucoup du talent du cuisinier en chef.
Le PCQ doit retrouver un équilibre entre des lignes qui se manifestent légitimement en son sein et mettre à jour son programme et son image.
Il ne faudrait pas sous-estimer l’ampleur de la tâche. Si le PCQ a fait moins de 1,5 % du vote aux dernières élections, ce n’est pas seulement parce qu’Éric Duhaime n’était pas aux commandes, évidemment. Ni parce qu’Adrien Pouliot dirigeait le Parti. Au-delà de la question du chef, il y a le positionnement du parti et la façon dont ce positionnement est communiqué.
Éric Duhaime s’est engagé à distinguer entre ce qui est souhaitable, réalisable et vendable. C’est un vrai politicien, dans le bon sens du terme.
La conjoncture pourrait être favorable au PCQ. Il faudra que le prochain chef fasse preuve d’agilité et d’ouverture pour capter des occasions sans faire de compromis sur l’essentiel.
Saisir le « timing »
Essayons d’abord de voir si un vent favorable se présente pour le PCQ.
L’analyse d’Éric Duhaime est que la popularité de la CAQ pourrait retomber vu que le bilan du gouvernement Legault pour la gestion de la pandémie est désastreux. Pendant ce temps, des sondages réalisés dans 4 comtés de Québec et de Beauce montrent que le PCQ fait environ 15 %, ce qui est une grosse avancée.
Toujours selon cette analyse, les quatre partis représentés à l’Assemblée nationale se déplacent à gauche et n’ont pas vraiment remis en question les mesures dirigistes de la CAQ sur les plans sanitaires et économiques.
Cela dégagerait un boulevard pour le PCQ qui représenterait la seule alternative à droite.
Il y aurait donc lieu d’être optimiste.
Comparons cet espoir légitime avec la perspective très prudente que partageait Éric Duhaime il y a quatre ans :
« Après avoir milité en politique active pendant plus de deux décennies, j’en suis arrivé à la conclusion que ceux et celles qui veulent le changement doivent prendre le bâton du pèlerin et convaincre leurs concitoyens de la nécessité de tourner le dos à l’État-providence. Le militantisme partisan ne me semble pas le plus approprié, à l’heure actuelle, pour faire progresser nos idées. (…) Il faut s’armer de patience. Lorsque je travaillais aux côtés de Mario Dumont, je réalisais que même si on gagnait – et c’était une vraie possibilité – on ne pourrait jamais effectuer nos réformes sans un appui populaire beaucoup plus important. » [1]« Il n’y a pas de masse critique au Québec pour qu’on ait des changements. Les forces du statu quo et de l’immobilisme sont beaucoup trop fortes » (…) « Ce n’est pas en faisant de la politique que je peux faire avancer mes idées. Je pense que j’ai beaucoup plus d’impact où je suis présentement (animateur radio – NDLR) que si j’étais “backbencher” à l’Assemblée nationale. »
OK, quatre ans, c’est long en politique. Mais qu’est-ce qui a pu se passer pour que cette perspective prudente d’Éric Duhaime sur le plan politique en 2017 débouche en 2020 sur un engagement partisan actif?
Éric Duhaime a d’abord misé ces dernières années sur un travail de brassage des idées dans le champ médiatique et en comptant, entre autres, sur le travail d’analyse des politiques publiques de l’Institut économique de Montréal et du Réseau Liberté-Québec. Il fallait d’abord préparer le terrain avec une clarification idéologique dans l’espace public.
De nombreux think tanks actifs pendant une vingtaine d’années n’avaient-ils pas rallié beaucoup d’influenceurs et permis à Margaret Thatcher de réussir de véritables réformes dans les années 80?
Éric Duhaime ferait le pari que le libéralisme a marqué des points au Québec et que l’exercice du pouvoir par la CAQ a brûlé ses chances à droite.
Revenons à la conjoncture. Toujours selon Éric Duhaime, trois thèmes porteurs de l’élection provinciale de 2022 pourraient être :
- Sortir de l’ordre sanitaire par une modification de la Loi sur la santé publique pour accentuer le contrôle de l’Assemblée nationale afin d’empêcher des confinements autoritaires. Si le PCQ jouait un rôle dans l’adoption d’une telle proposition, il se démarquerait.
- Mettre le secteur public de la santé en concurrence avec le secteur privé pour répondre plus efficacement aux demandes de service des citoyens. Sur cet important sujet, le PCQ se distingue des quatre autres partis.
- Reprendre le contrôle des finances publiques dans une perspective de souveraineté économique, pour un retour rapide à l’équilibre budgétaire et refuser une spirale d’endettement pour le Québec. Le PCQ pourrait ici élargir ses bases libertarienne et autonomiste.
- Mettre le secteur public de la santé en concurrence avec le secteur privé pour répondre plus efficacement aux demandes de service des citoyens. Sur cet important sujet, le PCQ se distingue des quatre autres partis.
Il est parfaitement possible que cette approche touche une partie de l’électorat. Mais pour cela, il va falloir que l’offre politique à droite soit plus claire.
Clarifier le positionnement
Un obstacle attend le PCQ au détour de la prochaine campagne électorale : la CAQ est perçue dans l’opinion publique comme étant au centre droit. Ce n’est pas embellir la CAQ que de constater cela. Éric Duhaime a lui-même voté CAQ aux 3 dernières élections. Un directeur des communications du Réseau Liberté-Québec travaille pour François Legault. La CAQ n’est pas un parti de gauche, mais un parti qui a courtisé la droite et est dirigé par un centriste et un étatiste qui fait de la realpolitik.
Alors, pourquoi les conservateurs centristes voteraient pour le PCQ s’il se définit dans ce même segment de centre droit qu’occupe la CAQ? Comment se distinguer?
Par contre, si le PCQ se positionne carrément à droite, il s’éloigne du centre et donc d’une partie de l’électorat qui pourrait être intéressé à ses propositions.
Il faut réaliser que beaucoup de gens que nous pourrions toucher ne cherchent pas nécessairement ce qui est le plus à droite possible, mais ce qui semble être des solutions de gros bon sens, qui tiennent compte, au niveau des valeurs, de l’héritage que nous avons reçu des générations précédentes et de la civilisation occidentale. Il faut donc faire attention, en voulant clarifier notre positionnement, de nous peinturer dans le fond du coin droit et de perdre une partie de ces conservateurs.
La bonne approche est de faire connaître et valider nos orientations, dossier par dossier, par des tierces parties qui ont une expertise professionnelle ou publique et qui accepteraient de nous donner conseils ou appuis. Ainsi, les réformes classées à droite perdront leur apparence radicale, car on sera en mesure de préciser les étapes de leur réalisation et les effets bénéfiques pressentis.
La droite doit viser à occuper le terrain symbolique du centre, en gardant l’essentiel de ses propositions. La droite devient le gros bon sens. En Occident, c’est l’approche qui fonctionne généralement le mieux.
Richelieu disait que la politique, c’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. Alors, il s’agit d’être assez patients pour convaincre nos citoyens de ce qui est nécessaire.
La tentation est parfois de vouloir aller trop vite, comme le PPC de Maxime Bernier qui comptait sur un discrédit du centrisme du Parti conservateur du Canada. Cette stratégie ne s’est pas avérée payante.
Mais alors que le PPC se heurtait à un parti traditionnellement bien établi à droite, ce n’est pas vraiment le cas pour le PCQ avec la CAQ, qui est un parti qui n’a pas de tradition et qui est celui d’un seul homme.
Les Québécois se croient souvent à gauche, mais sont plus à droite qu’ils ne le pensent, sur chaque dossier particulier. Nous avons donc avantage à éclaircir les enjeux, dossier par dossier. Nous commencerons à le faire dans les prochains mois.
Cerner les réformes prioritaires, construire les réseaux qui formeront l’ossature de notre mouvement, créer de nouvelles plateformes de diffusion, repérer les leaders qui pourront porter un nouvel espoir, cela prendra un certain temps.
Il faut donc être réaliste, tout en s’inspirant du fait que le PCQ profite d’un regain d’énergie stimulé en bonne partie par la candidature d’Éric Duhaime.
Montrons-nous à la hauteur de ce moment dans l’histoire du Québec en faisant nos devoirs pour aller avec confiance à la rencontre de nos concitoyens.
N. B. Mes commentaires n’engagent que moi et ne reflètent pas nécessairement les positions des autres membres du Bureau exécutif national du Parti conservateur du Québec.
[1] La fin de l’homosexualité et le dernier gay, 2017, dernière page.