L’arrivée de Micheal Sabia à la tête d’Hydro-Québec plus tôt cette année a le bénéfice de clarifier beaucoup de choses en ce qui a trait aux visées de la société d’État et du gouvernement. Déjà, l’ancien PDG de la Caisse de Dépôt a déposé un plan d’action ambitieux jusqu’en 2035 pour, dit-on, pallier les pénuries d’électricité qu’on craint de voir apparaître dès 2027. Mais est-ce vraiment le cas?
On peut saluer ce dynamisme et cette proactivité pour la société d’État qui a fortement besoin d’une mise à niveau, notamment au niveau de la distribution, mais tout l’enjeu de la production commence à ressembler au dilemme de « l’oeuf ou la poule » ; il est facile de perdre le fil quant à la cause initiale de ces pénuries annoncées.
Il faut se rappeler que la fin des surplus pour 2027 n’est pas exactement le résultat d’une hausse naturelle de la demande par la population ou le secteur industriel, mais le résultat de législations vertes dans le cadre de la transition énergétique qui visent à tout convertir à l’électrique, des voitures au chauffage résidentiel. Autrement dit, on a créé une hausse radicale de la demande projetée pour les prochaines années de manière tout à fait artificielle.
S’il ne fallait pas, du jour au lendemain, convertir l’ensemble du parc automobile et du chauffage résidentiel à l’électrique, si nous n’étions pas en croisade constante pour bannir tous types d’hydrocarbures – et même les moins polluants tels que le gaz naturel – nous aurions amplement les moyens énergétiques pour supporter notre croissance.
M. Sabia est pourtant tout à fait transparent : il affirme ouvertement que 75% des investissements de ce plan d’action vise à « décarboner le Québec », et seulement 25% vise à répondre au développement et à la demande industrielle. C’est donc dire que si on atteint le maximum de 185 milliards annoncés, on aura payé 139 milliards pour décarboner de Québec.
Notons d’ailleurs que ce montant astronomique s’ajoute à de nombreux milliards qui commencent à s’empiler dans la grande croisade verte. On se rappelle qu’en raison du Inflation Reduction Act de Joe Biden, aux États-Unis, nos gouvernements doivent compétitionner à coup de milliards en subventions gouvernementales pour attirer la filière des batteries. On estimait le mois passé qu’à terme, le fédéral et le provincial auront investi 28 milliards de dollars pour l’implantation des usines de batteries Northvolt et Volkswagen au Québec et en Ontario, un montant qui pourrait n’être rentabilisé que dans 20 ans.
Et si on veut encore étirer cette logique, on peut aussi ajouter à cela que la majorité des investissements faramineux pour les projets de transport en commun sont justifiés par la transition et le soi-disant « besoin » pour les gens d’abandonner leur voiture. On a un bon exemple de cette valse des milliards avec le projet de tramway, à Québec, dont les coûts initiaux de 4 milliards ont explosés autour de 10 à 13 milliards, avec un « plan B » à 8,4 milliards…
Bref, il n’y a apparemment rien de trop beau pour la transition verte, et les milliards semblent pleuvoir à gauche à droite, malgré l’apport tout à fait marginal du Québec aux émissions de GES dans le monde. On a voté des lois arbitraires pour bannir des secteurs énergétiques entiers – dont certains auraient pu contribuer à aider l’Europe et l’Asie à se départir du charbon tout en nous faisant gagner des milliards plutôt qu’en perdre – et forcer les gens à se départir de leurs voitures à essence et leurs systèmes de chauffage en un contexte économique déjà difficile…
Disons que le citron commence à être pressé et nos gouvernements devraient « donner un break » aux contribuables.
Et malgré tout, il y en a qui ne sont jamais satisfaits! On n’en ferait jamais assez pour l’environnement, même lorsque la situation économique catastrophique qu’on alimente indirectement fait exploser les recours aux banques alimentaires dans la population.
Selon Jean-Pierre Finet, du Regroupement des organismes environnementaux en énergie, le plan de M. Sabia « ne fait pas la job du tout! ». En effet, alors qu’il était interrogé par TVA Nouvelles, M. Finet s’est lancé dans une longue tirade pour expliquer que pour se plier à la baisse de 80% des émissions de GES recommandée par l’Agence Internationale de l’Énergie, nous aurions besoin du double des 60 térawatts/heures prévus dans le plan et nous ne devrions pas allouer 25% de la nouvelle énergie créée au secteur industriel. Il enchaîne ensuite en disant qu’on ne sait pas comment la chose sera financée en raison du plafonnement des tarifs d’Hydro-Québec par le gouvernement, affirmant que la fixation des prix devrait être faite par la Régie de l’Énergie de manière indépendante et, du même souffle, se plaint de la possible ouverture du marché au privé qui menacerait le fleuron québécois qu’est Hydro-Québec.
Un vrai cas de vouloir le beurre et l’argent du beurre.
Le nombre de paradoxes dans cette courte entrevue est à peine croyable. M. Finet nous affirme que le projet est irréaliste parce qu’on ne sera pas capable de le financer, mais nous dit qu’on aurait besoin du double de l’énergie annoncée. Il critique l’attribution de 25% de l’énergie créée au secteur industriel en parlant d’un « bar ouvert » inacceptable, en se passant bien de rappeler que plus tôt cette année, Pierre Fitzgibbon annonçait qu’il ne pourrait même pas accepter la moitié des projets de développement industriels. Il est en défaveur du plafonnement des tarifs, mais s’inquiète de la perte du monopole par Hydro-Québec « qu’on a bâti il y a 60 ans », et qui visait justement à rendre l’électricité abordable aux citoyens. Il craint un « far west énergétique » et du « nucléaire à gauche à droite » comme si c’était une mauvaise chose tout en admettant que ça diminuerait la pression sur les tarifs.
On voit très bien dans les propos de M. Finet que la seule chose qui importe, pour ces gens, c’est la transition énergétique. Qu’elle soit irréaliste ou pas. Et on voit bien que le vrai « bar ouvert » actuellement au Québec, ce n’est pas le développement économique, c’est le portefeuille des citoyens.