Traduit de l’anglais. Article de Tristin Hopper publié le 6 mai 2025 sur le site du National Post.
Au moment précis où le Canada accordait la victoire électorale à l’un des plus fervents promoteurs mondiaux de l’énergie verte, 60 millions d’Européens étaient plongés dans une panne catastrophique causée en partie par cette même technologie verte.
Et en Alberta, du moins, la panne survenue la semaine dernière en Espagne et au Portugal est considérée comme un avant-goût de ce qui attend le pays si la vision verte du premier ministre Mark Carney se concrétise. « Les Albertains se retrouveraient à geler dans le noir », a déclaré la première ministre Danielle Smith.
Le 28 avril, les réseaux électriques interconnectés de l’Espagne et du Portugal se sont complètement effondrés, privant les deux pays d’électricité pendant 10 heures. Les opérateurs du réseau ont dû redémarrer le système à partir de zéro — un « scénario cauchemardesque » selon une analyse de l’University College Dublin.
Bien que des pannes de cette ampleur soient déjà survenues, il n’est pas anodin que la catastrophe ait touché une région de l’Europe connue pour son adoption enthousiaste des énergies renouvelables. Au moment de la panne, 78 % de l’électricité de la péninsule ibérique provenait des énergies vertes, surtout du solaire.
Lorsqu’un incident encore non identifié a perturbé le système, ces sources renouvelables se sont révélées incapables de résister à la pression et se sont arrêtées en cascade.
Une analyse de l’Université de Salamanque a noté que lorsqu’un réseau électrique repose sur des sources de base stables comme les barrages hydroélectriques ou les centrales nucléaires, celles-ci permettent de « maintenir la fréquence stable face aux changements soudains de production ou de demande ».
« Cependant, les sources renouvelables variables, comme le solaire photovoltaïque, n’en sont pas capables », indiquait le rapport.
Pour les décideurs européens, cette panne montre que la décarbonation peut entraîner d’énormes conséquences imprévues. À tout le moins, elle a révélé la vulnérabilité d’un pays qui rattache tous ses besoins énergétiques à un seul réseau électrique. Plus de la moitié du réseau ferroviaire espagnol étant électrifié, la panne du 28 avril a instantanément immobilisé les trains de passagers dans tout le pays.
Des manchettes de l’Inde au Royaume-Uni ont qualifié la panne de « signal d’alarme ». Le terme a aussi été repris par Eurelectric, une association représentant le secteur électrique européen. « La panne d’hier est un signal d’alarme », a écrit le groupe.
Même l’Institut environnemental de Stockholm, pourtant favorable à la décarbonation, a admis que la panne ibérique mettait en lumière les dangers de surcharger des systèmes vieillissants avec des technologies vertes.
« La question n’est pas de savoir si la transition énergétique doit continuer, mais si nous investissons assez vite pour maintenir la stabilité du système en cours d’évolution », lit-on dans un rapport stratégique.
Le réseau énergétique canadien est un peu différent de celui de l’Ibérie, car plus de 60 % de l’électricité provient de barrages hydroélectriques, qui ne souffrent pas de la même fragilité que l’éolien ou le solaire.
[…] Le Canada suit néanmoins une voie semblable, en poussant l’économie vers une électrification accrue, sans adapter en parallèle sa capacité de production. Un rapport de 2023 du Forum des politiques publiques notait que pour atteindre ses objectifs de carboneutralité, le Canada devrait doubler sa capacité de production électrique en seulement 25 ans — tout en éliminant une grande part de l’énergie issue du gaz naturel.
Bien que Carney ait rarement abordé les enjeux écologiques durant la 45e campagne électorale, il y a quelques mois à peine, il figurait parmi les principaux défenseurs mondiaux de la « carboneutralité ».
Carney a été envoyé spécial de l’ONU pour l’action climatique et la finance, et cofondateur de l’Alliance bancaire pour la carboneutralité, un regroupement d’institutions financières s’engageant à délaisser les combustibles fossiles. L’alliance a toutefois perdu un grand nombre de membres au cours des derniers mois.
Les projets d’énergie renouvelable ibériques figurent parmi les nombreux actifs verts détenus par l’ancienne entreprise de Carney, Brookfield Asset Management. L’an dernier, alors que Carney en était encore PDG, Brookfield a acquis l’entreprise espagnole Saeta Yield SA, spécialisée dans le renouvelable.
[…] Dans son livre Values publié en 2021, Carney insiste sur la nécessité de purifier le réseau énergétique canadien des combustibles fossiles et de rendre l’économie davantage dépendante de l’électricité.
« L’essentiel sera d’électrifier tous les secteurs et de développer simultanément l’électricité verte », écrit-il. Pour le Canada, il affirme que l’avenir devra « électrifier complètement le transport terrestre et une grande part du chauffage des bâtiments » — et éliminer toute source d’énergie sauf celles « propres et sans émissions » dès 2030.