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Pourquoi une sortie prématurée des énergies fossiles constitue un risque à la sécurité nationale

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N’en déplaise aux activistes qui accusent constamment les gouvernements de ne pas en faire assez, les objectifs de transition énergétique pour réduire nos gaz à effet de serre en 2023 sont extrêmement ambitieux. Tellement ambitieux, en fait, qu’on peut se poser la question si leur poursuite ne se fait pas aux dépens de la sécurité énergétique. Ce qu’on nous présente comme une « transition » prend plutôt les traits d’une révolution ; on souhaite quitter définitivement les énergies fossiles dans les prochaines années, avec un bannissement complet des voitures à essence d’ici 2035. Tout cela est bien beau, mais au-delà de la consommation individuelle d’énergie, on a tendance à oublier que les capacités énergétiques d’un État déterminent en grande partie ses capacités de développement, son influence et sa projection de pouvoir. Ainsi, les déstabilisations énergétiques liées à la transition posent le risque de déstabiliser nos États en un moment de tensions grandissantes à l’international.

Indépendance énergétique et projection de pouvoir

Tout d’abord, il faut comprendre que l’énergie n’est pas simplement une question de chauffage résidentiel ou de trajets en voiture pour aller au travail. Une bonne partie du pouvoir d’un État est déterminé par ses capacités énergétiques. Il faut beaucoup d’énergie pour soutenir un secteur industriel et commercial prolifique qui, en conséquence, donne des emplois et une bonne qualité de vie aux citoyens. À partir du moment où cette énergie est importée, l’économie du pays devient dépendante de l’extérieur, et donc dans une situation potentiellement précaire.

C’est aussi vrai d’un point de vue militaire : disposer d’une énorme armée ne sert à rien si elle se retrouve dépendante de sources extérieures d’énergie. Un État fournisseur peut simplement mettre un terme à l’approvisionnement pour affaiblir l’État importateur. C’est pour cette raison que la géopolitique de l’énergie est aussi importante.

De nombreux exemples historiques nous le prouvent. Par exemple, pendant la Deuxième Guerre Mondiale, l’un des plus gros problèmes de l’Allemagne est son manque de carburant sur son territoire. En effet, il ne sert à rien de disposer des meilleurs chars d’assaut s’ils n’ont même pas de carburant pour fonctionner… De la sorte, les Allemands développeront des carburants synthétiques, mais ça demeurera insuffisant et leur situation désespérée les feront se lancer dans une course vers Stalingrad et les champs pétrolifères d’Asie-Centrale, avec le résultat que nous connaissons aujourd’hui.

Or, si l’on peut se réjouir que l’Allemagne nazie n’ait pas disposé de l’énergie nécessaire à ses ambitions, c’est une autre histoire lorsque nous sommes ceux qui sont en déficit ou en situation de dépendance.

Cette dynamique a été révélée de manière éloquente lors du choc pétrolier de 1973. Les États-Unis avaient atteint leur pic de production de pétrole en 1971, les rendant plus dépendants des pays exportateurs de pétrole réunis sous L’OPEP. De la sorte, lorsque les États arabes se lancent dans la Guerre du Yom Quippour contre Israël et que l’OPEP décide d’imposer un embargo aux soutiens de l’État hébreu, le prix du pétrole quadruple, passant de 2,59$ le baril à 11,65$, causant une récession. Les effets de cette hausse drastique du prix de l’énergie se feront sentir jusqu’en 1978. En 1979, la révolution islamique en Iran cause un nouveau choc pétrolier encore plus sévère qui plongera l’occident dans sa pire récession depuis la deuxième guerre mondiale.

Les X le savent, les années 80 seront particulièrement difficiles, marquées par la récession et le chômage. Eh bien, une bonne part de ces troubles ont pour origine les déstabilisations du secteur énergétique.

Les années 90 et 2000 verront le retour d’une croissance fulgurante grâce à l’ouverture du monde, le développement d’internet et une situation d’unipolarité où les États-Unis deviennent gendarmes du monde, mais avec la remontée d’États concurrents comme la Chine et la Russie ainsi que les pays du BRICS d’une manière plus générale, les Américains se lancent dans la reconquête de leur indépendance énergétique à partir des années 2010. Rapidement, et largement grâce à la révolution des gaz de schistes, les États-Unis décuplent leur production. Ils redeviennent exportateurs nets sous Trump, qui en fait un point d’honneur et qui lui permet de représenter des États-Unis beaucoup plus solides sur la scène mondiale.

Cette indépendance énergétique américaine, cependant, est loin d’être partagée par les autres pays occidentaux. Plus près de nous dans le temps, pensons simplement au chantage énergétique de la Russie dans le cadre de sa guerre en Ukraine. L’Europe, et particulièrement l’Europe de l’Est, est demeurée extrêmement dépendante du réseau gazier de l’ex Union-Soviétique, opéré par Gazprom, au point où ses sanctions et menaces ont facilement une réponse dans la rupture des approvisionnements par la Russie. Résultat : une crise énergétique en Europe, un secteur métallurgique aux arrêts et des dirigeants comme Macron qui demandent à leur citoyen de se serrer la ceinture.

L’Europe n’est pas sur le point de sombrer, mais disons qu’elle a un impact beaucoup plus limité quand vient le temps de montrer les crocs à l’ours Russe. Ainsi va la géopolitique : sans indépendance énergétique, un pays subit les évènements plutôt que de les contrôler.

Et notons ici qu’en réponse, l’Europe y a vu une opportunité pour développer davantage ses énergies vertes, ce qui est très bien, mais aussi plutôt logique dans sa situation. Quoiqu’elle fasse, la rupture des approvisionnements en gaz russe crée un vide énergétique qu’elle est obligée de combler. Elle n’a pas le choix. La situation est extrêmement différente au Québec et au Canada, où on tente de créer ce vide de manière artificielle, par des lois qui relèvent plus du signalement de vertu que d’une véritable lutte contre les changements climatiques.

Le nouvel Eldorado

Maintenant que l’on comprend l’importance de la géopolitique de l’énergie, on peut comprendre en quoi les plans de transition, qui visent à complètement révolutionner le secteur énergétique, seront déterminants pour notre sécurité et nos capacités de développement. Une seule négligence à cet égard pourrait nous valoir des décennies d’instabilité, de récession ou de perte d’influence sur la scène mondiale.

D’abord, ces politiques de transition ne suivent pas un développement organique du marché ; elles sont entièrement stimulées par le haut, par des ententes internationales et des politiques gouvernementales. Certes, les voitures électriques ont connu un certain développement dans les dernières années, mais ce développement a largement été stimulé de manière artificielle par des incitatifs gouvernementaux.

Et pis encore, la volonté de bannir les énergies fossiles et les voitures à essence de manière unilatérale et celle d’absolument tout électrifier du jour au lendemain crée un énorme vide à remplir. Tout un secteur industriel doit désormais être construit, pratiquement de A à Z. Des mines à ciel-ouvert jusqu’aux barrages en passant par les bornes de recharge, les batteries et les technologies automobiles, on met désormais l’avenir de la civilisation occidentale entre les mains de quelques investisseurs qui se frottent les mains.

Et non seulement ça, mais avec les ententes internationales et la coordination du Forum économique mondial, tous les pays se lancent dans la course en même temps! Ce sont donc les investisseurs qui ont le gros bout de bâton et peuvent magasiner à leur guise les pays où implanter leurs usines en fonction des subventions offertes ; s’ensuit une surenchère pratiquement incontrôlable de subventions gouvernementales.

Le Canada l’apprend à ses dépens, depuis quelque temps, car il doit compétitionner à coups de milliards contre le Inflation Reduction Act américain, qui offre des subventions gouvernementales gargantuesques aux projets de développement verts aux États-Unis. Le Canada doit constamment promettre plus que ce que promettent les Américains pour tirer son épingle du jeu.

Par exemple, le gouvernement canadien a dû promettre jusqu’à 13 milliards de dollars en subventions pour Volkswagen afin qu’il construise son usine de batteries en Ontario, ce qui équivaut à 4,3 millions de dollars par emplois créés…

On comprend cependant le dilemme : dans ce contexte dans lequel on fait tabula rasa du secteur énergétique, on ne veut pas se retrouver complètement dépendant d’industries étrangères ; on veut développer ici les technologies qui, bientôt, seront les seules dont l’utilisation sera légale. Nous sommes donc forcés de participer à cette course au développement dont les prix explosent.

D’autant plus que le Canada possède tout de même de bonnes sources de lithium, nécessaire à la filière des batteries. Mais encore ici, le bât blesse, car à ce jour, le Canada est très loin de contrôler ce marché et demeure un importateur net. Une seule mine du Manitoba est en fonction et toutes les autres sont encore au stade de la prospection et du développement. Et cette seule mine, elle est une propriété de Sinomine Ressource Group Co., une entreprise chinoise…

Sous la filière des batteries, la dépendance à la Chine.

Dans ce contexte de course au développement et aux subventions qui prennent des traits de plus en plus spéculatifs, il y a un éléphant dans la pièce.

Cet éléphant, c’est la Chine qui, selon Radio-Canada, contrôle 90% des minéraux critiques nécessaires à la construction des batteries pour les voitures électriques. En outre, le géant asiatique est nettement en avance dans ce marché et capable d’offrir des voitures à des prix beaucoup plus abordables (environ 10 000 dollars américains).

C’est donc dire que non seulement l’occident se lance tête première dans une course au développement pour remplacer l’entièreté de ses infrastructures énergétiques existantes, mais il le fait en retard, face à la concurrence de son principal adversaire géopolitique.

Pour des années encore, les voitures électriques que nous construirons auront besoin de matériaux provenant de Chine, nous rendant davantage dépendant d’elle, à une époque où, au contraire, on devrait s’en méfier.

Nous sommes en train de faire un pacte avec le diable : pour tenter de sauver l’environnement, nous sacrifions notre indépendance énergétique et alimentons la puissance de la Chine qui se fout éperdument de l’environnement et contribue beaucoup plus fortement aux émanations de GES.

Nous l’avons vu pendant la pandémie, alors que la chaîne d’approvisionnement était déstabilisée : il y a eu une pénurie de puces électroniques, majoritairement faites en Chine, qui a par la suite créé une pénurie de produits électroniques en Occident. Une situation semblable, mais dans un contexte où tous nos transports et notre secteur de l’énergie dépend de matériaux chinois, serait dévastateur pour nos pays.

Si on veut d’une transition énergétique solide, il faut d’abord pouvoir s’assurer à 100% qu’on ne perdra pas en indépendance et qu’on ne se retrouvera pas comme de simples vassaux de puissances étrangères.

Entrave au développement de certaines technologies vertes

L’idée n’est donc pas d’abandonner tout nouveau développement énergétique et simplement se complaire avec notre modèle actuel, mais justement de stimuler le développement sans le restreindre à la vision étroite du tout-à-l’électrique. Une transition sécuritaire qui protégerait notre indépendance devrait miser sur la diversification énergétique, pas un monopole d’une seule forme d’énergie. Comme le dit l’expression : il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

Car une autre conséquence du bannissement unilatéral de l’entièreté du secteur pétrolier et gazier, c’est de stopper toute recherche et développement dans le secteur. Quoiqu’on en pense, il s’agit de milliards de dollars en recherche afin de rendre les énergies fossiles moins polluantes, voire même à zéro émission, et on est en train de tout sacrifier ça pour une technologie expérimentale qui présente, elle aussi, de graves conséquences environnementales, notamment au niveau de l’extraction des minéraux nécessaires aux batteries.

Ce sont les compagnies pétrolières et gazières qui mènent le développement des technologies de captage de carbone qui pourraient être déterminantes dans l’assainissement de l’atmosphère. Ce sont ces compagnies qui développent de nouveaux procédés moins polluants. Mais dans une sorte de posture antagoniste traditionnelle, les écolos refusent de voir les magnifiques développements des dernières années et croient avoir trouvé leur Graal dans les voitures électriques.

Contrairement à ce qu’ils pensent, les technologies de captage de carbone sont de plus en plus encourageantes, de nombreux projets d’exploitation d’hydrocarbure se font désormais de pair avec ces technologies et promettent le zéro émission tant demandé par les gouvernements. On trouve des manières de recycler le carbone en divers produits ou bien carrément de le remettre dans le sol.

En bref : la transition énergétique radicale qui nous est imposée bloque littéralement le développement d’alternatives vertes et les écolos ne sont devenus que des lobbyistes pour la filière des batteries, qui est majoritairement contrôlée par la Chine.

Aucune nuance n’est permise. Aucune remise en question. Tenter de trouver une solution mitoyenne est considéré comme une trahison climatique. Et nous passons à côté d’une panoplie d’alternatives vertes pour spéculer à coups de milliards sur une technologie expérimentale, sacrifiant au passage notre sécurité et notre indépendance.

Et s’il s’avérait, d’ici quelques années, que la vraie solution était plutôt l’hydrogène? Après avoir mis à sac notre secteur énergétique et dilapidé des milliards de dollars en subventions, il sera trop tard pour corriger le tir.

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