Une journée dans l’actualité au Québec ne serait pas complète sans un article sur la situation des sans-abri dans nos villes. Il faut dire que depuis la pandémie, beaucoup de choses ont empiré. Et c’est probablement ce qui frappe le plus ceux qui vivent en ville : la quantité de gens drogués, désorganisés, que l’on voit désormais dans les parcs ou aux feux de circulation. Quoi faire? Peut-on tout tolérer au nom de la « mixité sociale » ?
Promenez-vous dans les rues du centre-ville de Sherbrooke. Je connais très bien le secteur. J’y vis. Tous les jours, de nombreux individus aux prises avec d’importants problèmes de consommation se rassemblent au parc du Petit Canada, sur la rue Alexandre. Ils sont parfois jusqu’à une trentaine à jouer à des jeux, ou tout simplement à boire. Cela importune les commerçants du secteur.
La rue Alexandre a plusieurs commerces indépendants qui essaient de s’en sortir. Mais c’est un secteur que les non-résidents souhaitent éviter le plus possible. Plusieurs commerçants à qui j’ai parlé rapportent des incivilités, du vandalisme. Tous ont été témoins de violence. S’ils n’en ont pas été victimes eux-mêmes. On peut plaindre la situation des toxicomanes, mais doit-on tout tolérer, car nos élus nous parlent de « vivre ensemble »? Ou bien du très barbare terme de « mixité sociale »?
Les commerçants, qu’ils travaillent dans l’alimentation, la culture, les soins personnels, ne sont pas des travailleurs sociaux formés pour répondre constamment à des gens en crise. Ils ne sont pas outillés, et n’en ont peut-être pas envie (et c’est correct ainsi) pour faire face à cette crise sociale sans précédent. Mais qu’est-ce qui contribue à cette crise?
Déjà, il faut dire que la crise du logement a jeté à la rue des gens déjà précaires. Un chèque d’aide sociale il y a dix ans pouvait payer un studio, mais de plus en plus, les maisons de chambres sont converties en condos. De plus, ne l’oublions pas, la pandémie a provoqué l’arrivée massive sur le marché de drogues de synthèse pas chères, mais fabriquées dans des conditions atroces.
Les frontières étant fermées, les trafiquants ont décidé de produire rapidement des drogues dans des baignoires sales avec des produits chimiques dangereux. Si dangereux que lorsque les laboratoires sont démantelés, cela nécessite des techniciens en décontamination équipés de masques à gaz, de systèmes filtrants et de combinaisons. Cela vous donne l’idée de la cochonnerie qui est consommée dans la rue. Et de ses effets potentiels sur le cerveau des principaux intéressés.
Mais pour en revenir à la crise sociale, il faudrait peut-être donner une pause à la société en réouvrant des hôpitaux psychiatriques. Durant les années 90, on a fermé de nombreuses institutions qui prenaient en charge des cas lourds de maladie mentale. On a affirmé qu’en « désinstitutionnalisant » les soins, les patients seraient autonomes pour prendre leur traitement chez eux. Malheureusement, ce ne fut pas le cas de tout le monde.
De même, il faut plus que de simples HLM en gyproc pour prendre en charge des individus aux prises avec de graves problèmes de consommation. Des ressources alternatives, avec des travailleurs sociaux sur place, pourraient faire une différence. Mais dans le meilleur des cas, les gens qui obtiennent par miracle un appartement ne sont pas plus supervisés que ça. Cela crée des immeubles d’habitation insalubres, dangereux.
La Tribune rapporte régulièrement qu’un immeuble de l’Office municipal d’habitation de Sherbrooke situé en plein centre-ville, sur la rue Bowen, est devenu un lieu particulièrement problématique. Des habitants qui n’ont rien à voir avec la consommation ont peur de sortir de chez eux. Cela ne peut pas continuer. C’est bien beau la « mixité sociale », mais à quel prix? Bien sûr, ceux qui nous parlent de ça sont des élus qui vivent dans des banlieues confortables, loin d’individus intoxiqués menaçants.