Pas besoin d’avoir suivi l’actualité pour voir la débandade que subit présentement le parti de gauche radicale. Québec solidaire a beau avoir été fondé il y a bientôt 20 ans, celui-ci fait du surplace. Les tuiles sont tombées en grande quantité ces derniers temps.
La dernière et non la moindre : Gabriel Nadeau-Dubois annonce qu’il quitte son poste de co-porte-parole et que, bien qu’il restera pour son mandat de député, il ne se représentera pas. QS, un parti en sursis ? Cela est fort possible, et voici pourquoi.
La douche froide dans Terrebonne, où la candidate solidaire Nadia Poirier a dû faire campagne dans l’indifférence quasi générale du caucus solidaire, montre une fois de plus les dissensions à l’interne dans cette coalition de gauche. Bien qu’il y ait 12 députés, seule Ruba Ghazal se sera présentée – et à une seule reprise – pour appuyer la candidate.
Ce fait parle de lui-même : bien que le parti prône une vision collectiviste, il demeure profondément individualiste, où le chacun pour soi l’emporte sur les idéaux. On l’a vu avec le traitement subi par Émilise Lessard-Therrien. La co-porte-parole, qui n’était plus députée à ce moment-là, claquera la porte du parti en dénonçant la mainmise de Gabriel Nadeau-Dubois et d’une petite clique.
Elle dénoncera notamment que le parti se concentre essentiellement sur Montréal et qu’il oublie les régions dans son discours. Il faut dire que madame Lessard-Therrien vient de l’Abitibi-Témiscamingue. Une région où avoir une voiture est essentiel pour travailler.
Là-bas, les enjeux de transport en commun touchent très peu les gens. C’est à peine si Rouyn-Noranda possède quelques lignes d’autobus. Donc, ce discours très centré autour des intérêts des habitants du Plateau Mont-Royal, très peu pour les habitants des régions. Et c’est bien là la faiblesse principale de QS.
Si un parti aspire à prendre le pouvoir, il doit convaincre la majorité francophone. Seuls la CAQ et le PQ sont présentement en mesure d’avoir un nombre de sièges suffisant pour obtenir une majorité. C’est un peu comme si la base militante de QS était incapable de se projeter comme un parti de gouvernement. D’où l’échec de Nadeau-Dubois.
Gabriel Nadeau-Dubois a beau avoir voulu déradicaliser son parti et en faire un parti de gouvernement, il s’est heurté à de nombreux obstacles. Notamment la rigidité organisationnelle du parti. QS est dirigé par une base militante parfois très radicale, qui refuse tout compromis. Rien qu’à voir les commentaires sur leur groupe Facebook, tenter de convaincre les régions, c’est se soumettre à des Québécois de souche xénophobes.
Avec une telle base, comment peut-on espérer faire des progrès en région ? C’est tout simplement impossible. Les enjeux de genre ou de race sont peu considérés par les régions, qui ont d’autres chats à fouetter que les identités individuelles. Mais l’essentiel n’est pas là. QS vit en ce moment une crise liée à la démographie.
Les jeunes sont moins nombreux que par le passé, et ceux-ci, lorsqu’ils s’intéressent à la politique, le font par intérêt socio-économique. La génération Z vit de façon plus précaire que les prédécesseurs milléniaux. C’est pour ça que le discours de toujours vouloir taxer plus, parler de genre, pendant qu’il y a une crise du coût de la vie, ça parle très peu à des jeunes qui se veulent plus pragmatiques.
Aussi, la jeunesse change. L’immigration est telle au Québec que QS a du mal à tirer son épingle du jeu. Les jeunes immigrants auront tendance à privilégier le Parti libéral, puisqu’il est affairiste, mais aussi en faveur du communautarisme. Les grands idéaux de justice sociale ? Très peu pour eux.
La base militante qui a fait de QS une machine électorale efficace est lentement en train de fondre. Les milléniaux, ceux ayant vécu le printemps 2012, font désormais face à des obligations familiales. Et ils en sont à un point de leur carrière où ils ont davantage de responsabilités. Quant aux baby-boomers, ceux ayant fondé le parti lors de la fusion entre Option citoyenne et l’Union des forces progressistes, ils sont lentement en train de passer le flambeau en raison de l’âge.
Tous ces éléments mis ensemble font que Québec solidaire aura du mal à survivre lors des prochaines élections. Si l’on a déjà donné le PQ pour mort, c’est qu’il n’avait tout de même pas de tels désavantages du point de vue générationnel et démographique. QS vit également une époque difficile pour la gauche, accusée à tort ou à raison d’appuyer le wokisme.
Une introspection sera nécessaire, et si Gabriel Nadeau-Dubois n’a pas réussi à imposer une vision pragmatique dans ce parti rebelle à l’Assemblée nationale, on voit mal comment les militants pourraient réformer une institution stagnante. Et ce, sans se déchirer sur la place publique. Encore une fois, un grand classique de la gauche radicale.