« Elon Musk insulte encore Justin Trudeau », annoncent TVA Nouvelles et le Journal de Montréal, traduisant les propos par: « épais insupportable ». Dans le journal La Presse, on a choisi « insupportable abruti ».
Elon Musk a effectivement répondu « insufferable tool » à l’extrait vidéo d’un discours de Trudeau partagé par Gad Saad. Ça se traduit mieux par « pantin insupportable ». « Marionnette » aurait également bien convenu. Les adjectifs épais et abruti sont plus injurieux, mais évacuent la notion de porte-voix, ou d’exécutant au service d’un agenda, qui était sous-entendue. Justin n’aurait pas été désigné chef de parti s’il ne portait pas le nom de famille Trudeau.
Un bref commentaire de 12 mots. Musk n’a pas accordé davantage d’importance au Premier Ministre du Canada.
Voici les propos tenus par Justin Trudeau lors du gala de l’organisation À Voix Égales (Equal Voice) pour la Journée internationale des droits de l’homme: « Nous étions censés être sur une marche régulière, même si parfois difficile, vers le progrès. Et pourtant, il y a quelques semaines à peine, les États-Unis ont voté pour la deuxième fois pour ne pas élire leur première femme présidente. Partout, les droits des femmes et les progrès des femmes sont attaqués ». Une lecture du résultat qui a fait rouler les yeux d’Elon Musk.
Il n’y a qu’au travers du prisme du wokisme qu’on peut attribuer la défaite de Kamala Harris au fait qu’elle soit une femme. Comme s’il n’y avait pas d’enjeux plus complexes que l’élection de la première femme. Kamala Harris était objectivement une piètre candidate qui servait des formules vides de sens au lieu de répondre aux questions qui lui étaient adressées. Outre, elle a fait des politiques identitaires sa marque de commerce en dépit du ras-le-bol populaire envers celles-ci. La Démocrate a perdu (en partie) parce qu’elle souscrivait à la même grille d’analyse intersectionnelle woke que Trudeau. Et il subira le même sort.
Comme on l’a noté en 2017 et en 2022, ceux qui avaient décrié le sexisme systémique suite à la défaite d’Hillary Clinton n’ont pas tenu le même discours quand Emmanuel Macron l’a remporté contre Marine Le Pen.
Quand Trudeau a vaincu les candidates du Parti Vert [Elizabeth May, puis Annamie Paul], avions-nous là aussi bifurqué de « la marche régulière, (…) parfois difficile, vers le progrès »? Parce que le Canada attend toujours l’élection d’une première PM [Kim Campbell a succédé à Brian Mulroney quand il a décidé de ne pas briguer un 3ème mandat – elle n’a pas remporté d’élection générale].
Les médias qui rapportent l’affaire présentent À Voix Égales comme « une organisation dédiée à l’amélioration de la représentation des sexes dans la politique canadienne » ou encore « une fondation féministe qui lutte pour une plus grande représentation des femmes en politique ». C’est amusant, parce que dans le premier paragraphe de la page d’accueil de leur site web, il y a 3 mentions « des femmes et personnes de genre non conforme ». L’organisme est dédié à « l’augmentation de la représentation des femmes et personnes de genre non conforme » en politique. On apprend aussi qu’À Voix Égales reconnaît que ses bureaux sont situés sur le territoire non cédé et non soumis de la Nation Algonquine Anishinaabe. Il est clair que Trudeau était pleinement dans son élément idéologique à ce gala.
Que signifie: « des femmes et personnes de genre non conforme »? Si ça n’inclut pas des personnes de sexe masculin qui s’auto-identifient comme femme ou non binaire, pourquoi ne pas s’en tenir strictement au mot femme? Quand un groupe de défense des droits des femmes accorde autant de légitimité et d’importance aux notions d’identité de genre et de non-conformité de genre, on comprend qu’il n’est pas administré par des féministes critiques du genre (que l’on appelle péjorativement TERF). On est clairement en territoire intersectionnel woke. Ce groupe veut voir plus de femmes impliquées en politique, mais il veut aussi plus de néo-progressistes: les individus qui s’identifient comme non binaires sont exclusivement des gauchistes wokes. C’est sans étonnement qu’on retrouve des publications en appui à la mouvance 2SLGBTQI+ sur leur fil Twitter.
À noter que le département du gouvernement Femmes et Égalité des genres Canada contribue au financement d’À Voix Égales depuis 2016. Près de 5,2 millions de dollars ont été alloués à plusieurs de ses initiatives, dont le projet « Daughters of the vote », un sommet sur le leadership politique tenu à même le Parlement, auquel participent 338 jeunes femmes âgées de 18 à 23 ans (chacune représentant l’une des circonscriptions).
Rapport à la mission spécifiquement féministe de l’organisme, qu’en est-il de la sous représentation des femmes en politique au Canada? Sur 338 députés élus en 2021, il y avait 126 femmes – ce qui représente plus du tiers des sièges. Ce n’est pas la moitié, mais ce n’est pas une proportion négligeable pour une société que certains décrient comme un patriarcat empreint de sexisme systémique.
Fait amusant: c’est au Parti libéral du Canada qu’on retrouve la moindre proportion de femmes parmi les députés avec 32.9%. Au Parti conservateur, les femmes comptent pour 39.3% des députés, comparativement à 40% au NPD et 50% au Bloc Québécois et au Parti Vert.
Retour sur Elon Musk. On déplore que le propriétaire d’un média social aussi influent se permette de telles déclarations. Ses sorties lui méritent des accusations d’ingérence politique. Comme si la quasi-totalité de l’appareil médiatique n’était pas activement au service des candidats de l’establishment…