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Quand le féminisme ne priorise plus les femmes

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Le 25 novembre marque la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. À cette occasion, les associations féministes organisent de grandes manifestations dans de nombreux pays. Au Québec, ça correspond au début de la campagne des 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes, qui se termine le 6 décembre.

Cette année, en France, le collectif #NousToutes annonçait sur son site web des manifs féministes, afroféministes, transféministes et handiféministes contre les violences faites aux femmes et minorités de genre. Sans grande surprise, on note ici le caractère intersectionnel [lire: woke] du vocabulaire utilisé. Il ne suffit plus de défendre les femmes, il faut aussi endosser la lutte raciale, le combat des LGBTQ+ et la cause des personnes handicapées.

À la marche de Paris, des militants apparentés à La France Insoumise [LFI] et au Nouveau Parti Anticapitaliste [NPA] ont empêché un groupe de femmes dont les pancartes rappelaient les viols commis par le Hamas le 7 octobre de prendre part au cortège. Pour participer, elles ont dû abandonner leurs pancartes. Des raisons de sécurité ont été évoquées pour justifier l’opposition à ce que leurs enseignes s’insèrent dans la marche, mais les manifestantes ont rapporté de l’agressivité venant des militants LFI et NPA en question.

L’affaire a fait beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux et a été amplement rapportée en France. L’organisation féministe Du Pain et des Roses [composante interne du groupe trotskyste Révolution Permanente, jadis affilié au NPA] n’a pas tardé de commenter, parlant d’un cortège « pro-Israël » venu scander des slogans tels que « Hamas terroriste, féministes complices » ou encore « LGBTQ, avec le Hamas vous seriez pendus ». Selon Du Pain et des Roses, il s’agit d’une instrumentalisation des violences sexuelles pour contrer toute convergence entre mouvement féministe et mouvement de solidarité avec la Palestine. À noter que le groupe désigné comme pro Israélien n’arborait pas de drapeaux d’Israël. Leurs pancartes ne faisaient que dénoncer le silence de certains groupes féministes sur la violence sexuelle du Hamas.

Comme quoi, le conflit israélo-palestinien divise et empoisonne tout, y compris la cause féministe. Du Pain et des Roses n’est pas la seule organisation féministe à prendre parti. Similairement à beaucoup d’autres organismes militants campés à gauche, nombre d’autres associations féministes ont affirmé leur appui pour la cause palestinienne.

Une question se pose: pourquoi faire converger des luttes si ça crée une division nuisible à la cause première, soit la violence à l’égard des femmes?

Sur la page Facebook de la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes [CQMMF], on salue les mobilisations du 25 novembre à travers le monde en partageant des photos sur lesquelles on voit davantage de drapeaux palestiniens que de symboles féministes, accompagnées de la mention « pour l’élimination de la violence faites aux femmes en mettant l’accent sur les attaques à Gaza! Solidarité! ». Sauf que les femmes qui subissent la riposte de l’armée israélienne dans la bande de Gaza ne la subissent pas parce qu’elles sont des femmes, mais plutôt parce qu’elles résident à Gaza. Les femmes violées par les attaquants du Hamas l’ont été en raison de leur sexe. Que dire d’un féminisme qui se solidarise avec les unes sans même mentionner les autres?

Ceci dit, tout le monde ne s’entend pas sur les actes perpétrés par le Hamas lors des attaques du 7 octobre. Ne dit-on pas que la vérité est la première victime de la guerre? Ainsi, malgré l’évidence recueillie par la police israélienne, certains croient que les viols sont une invention du camp pro-israélien pour diaboliser le Hamas.

Ce qui nous amène au Canada, car c’est un avis partagé par Samantha Pearson, la directrice du centre d’aide aux victimes d’agressions sexuelles de l’Université de l’Alberta. Elle a signé une lettre ouverte intitulée « Stand with Palestine: Appel aux dirigeants politiques pour qu’ils mettent fin à leur complicité dans le génocide », qui reproche au chef du NPD, Jagmeet Singh, d’avoir validé « l’accusation non vérifiée » de ces violences sexuelles. 

L’Université de l’Alberta n’a pas tardé à limoger Samantha Pearson, un renvoi qui a reçu l’appui de la première ministre Danielle Smith.

La remise en question de ces allégations de violence sexuelle devient plutôt problématique quand elle provient de la responsable d’un centre d’aide aux victimes d’agressions sexuelles. Le mouvement #MeToo prend appui sur la prémisse « on vous croit ». Ici, ça ressemble davantage à: « on vous croit pour autant que vos allégations n’entrent pas en conflit avec la défense des autres causes qui nous sont chères ».  

Dans le rejet de ces allégations de viol, beaucoup perçoivent un antisémitisme dirigé sur les femmes juives et plus précisément israéliennes. Sauf qu’il s’agit probablement davantage d’un réflexe islamophile qui étouffe l’affaire par crainte de stigmatiser les hommes musulmans dans leur ensemble. L’intersectionnalité fonctionne à double sens. C’est-à-dire que les agresseurs blancs et occidentaux se feront davantage dénoncer que les agresseurs issus d’une immigration extra-européenne – comme ce fut le cas pour les viols de Cologne du nouvel an 2016. Le résultat d’un féminisme aveuglé parce que devenu « anti raciste ».

Il ne faut pas y voir un refus féministe d’appuyer les femmes juives. Si l’une d’elle portait une accusation contre un assaillant occidental, elle serait crue et son cas pris au sérieux. Évidemment, toute femme affichant un fort penchant pro-Israël, ou toute autre posture conservatrice de droite, risque d’être perçue négativement par un féminisme campé à gauche, mais il est difficile de croire qu’une femme appuyant le Parti Démocrate américain ou la gauche israélienne anti-Netanyahu puisse être rejetée par la mouvance féministe parce qu’elle est juive.

Le néo-progressisme [wokisme] sabote tout sur son passage. Redéfinissant les priorités, le barème de l’intersectionnalité sera parvenu à détourner le féminisme de ses principales intéressées [du moins, d’une partie d’entre elles]. Comment arguer que la défense des femmes demeure la priorité si elle est assujettie au soutien à d’autres « bonnes causes », telles que la défense de l’identité de genre ou la lutte palestinienne. La bannière portée par les féministes Du Pain et des Roses l’exprime clairement: « Féministes et Queers anti-impérialistes pour une Palestine Libre ». Le féminisme de ces militants ne s’auto-suffit plus, il se définit essentiellement en fonction des autres combats auxquels ils adhèrent. Être une femme ne suffit plus pour être défendue.

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