Bien que le terme soit controversé et que certains vont même jusqu’à nier son existence, le wokisme s’impose de plus en plus sur la société. Universités, médias, culture, politique ; il n’y a pas de domaine qui ne soit touché par cette injonction radicale à une inclusion et une diversité qui semblent trop souvent à sens unique. Cette pression engendre une politisation de tous les aspects de nos vies ; des domaines qui étaient autrefois tout à fait apolitiques sont désormais appelés à se positionner.
Le sport n’est pas épargné ; l’enjeu des trans dans les sports féminins fait jaser pour des raisons évidentes, mais il ne faudrait pas oublier aussi la tendance plus insidieuse du sport professionnel à forcer ses athlètes à se positionner sur la cause du jour. La LNH, notamment, fait de plus en plus de signalement de vertu, au point de commencer à énerver ses joueurs.
Wokisme corporatif
Le wokisme relevant d’un positionnement politique et idéologique sur la société, on n’est habituellement pas surpris de le retrouver au sein de certains partis politiques ou groupes de pression. Dans les médias et la culture en général, aussi, on s’y attend un peu, considérant que c’est là que se déroulent la majorité des débats. Or le sport ne nous apparaît habituellement pas comme un lieu propice au wokisme ou aux positionnements idéologiques.
Traditionnellement, le sport est associé à la trève, la mise de côté des différents politiques et sociaux au profit d’un « esprit sportif » qui transcende les divisions. C’est dans cet esprit qu’habituellement, deux pays en guerre pouvaient déposer les armes lors des Olympiques afin de faire affronter leurs athlètes par le sport plutôt que par la violence. C’était en tout cas l’idéal originel, avant que nos sociétés se mettent à tout politiser…
Depuis quelque temps, en réponse au wokisme présent dans notre politique et notre culture, les grandes entreprises ont commencé à se positionner et faire elle-aussi du signalement de vertu. On parle alors de « wokisme corporatif », qui se distingue nettement du wokisme plus militant auquel on est habitué.
Du jour au lendemain, des lieux tout à fait apolitique sont devenus aussi vertueux que des militants pour la justice sociale : multinationales, banques, société d’État, etc. Et avec les normes ESG, même le milieu des finances est rendu forcé de se soumettre à la Sainte Vertu sociale et environnementale!
Il ne faut donc pas se surprendre que les grandes associations sportives se soient engagées dans cette même voie et tâchent de plus en plus de paraître vertueuses – d’autant plus lorsqu’il y a prolifération de scandales dans les vestiaires, notamment chez Hockey Canada…
Le hockey : une mission sociale?
Depuis quelques années déjà, de plus en plus de match de la LNH commencent avec des présentations larmoyantes de la cause politico-sociale du jour. Chaque fois, on affirme avec gravité à quel point il est important pour les joueurs de hockey de se soucier de ces causes.
Il y a eu l’affaire des pensionnats, Black Lives Matter, maintenant la promotion des LGBTQ ; l’aspect théâtral du spectacle et l’immense focalisation populaire des matchs devient un énorme porte-voix. Or la chose se heurte à une réalité assez élémentaire ; ces causes du jour sont souvent plus controversées qu’elles n’y paraissent et peuvent rapidement créer des frustrations.
Black Lives Matter, par exemple, pourrait sembler consensuel : tout le monde devrait s’opposer au racisme. Or c’est dans la manière de s’y opposer qu’on devient en désaccord ; certains accusant BLM de n’être qu’une inversion du racisme contre les blancs.
Même le fait LGBTQ peut être plus controversé qu’on le pense selon la culture ou l’origine du joueur, la chose ayant créé de multiples controverses dans la FIFA, par exemple, où de nombreux joueurs africains ont refusé de porter des maillots présentant les couleurs de la fierté.
Si on comprend que le hockey doit être un exemple positif dans la société, c’est un pas de trop d’affirmer que pour remplir ce rôle, il doit nécessairement se positionner. Loin de devenir un exemple positif, cette injonction au positionnement participe plutôt d’une culture toxique qui « cancelle » ceux qui ne s’y soumettent pas et qui refusent la diversité d’opinions.
La majorité des gens pensent que le sport ne devrait pas être politique, et que les associations devraient limiter leurs actions philanthropiques à des soutiens à des organisations caritatives ou autres projets plus consensuels.
Les limites de « l’esprit d’équipe »
Cette politisation se heurte aussi à un problème, notamment pour les sports d’équipe : on nie complètement l’individualité des joueurs et leur demande de soutenir des opinions en blocs, comme une équipe.
On retrouve d’ailleurs ce genre de directives désagréables dans certains milieux de travail, lorsque la compagnie demande à ses employés une certaine attention vestimentaire à l’occasion d’une journée particulière (ex: s’habiller en rose pour le cancer du sein, porter une épinglette de la fierté pour le jour éponyme, etc.) Cela dit, dans ces cas particuliers, on parle de salariés anonymes d’une entreprise, pas de personnalités publiques dont l’opinion pourrait être d’intérêt public.
Dans ce cas ci, on leur refuse indirectement une opinion personnelle ; ils doivent suivre l’équipe et la ligue. C’est un déni complet de leur individualité en tant que joueur.
Le travail d’équipe des hockeyeurs se situe sur la glace; le reste du temps, en tant que personnalité publique, ils devraient avoir droit à leurs propres opinions. Il est très insidieux de la part de la LNH de leur imposer la promotion de certaines causes.
Les joueurs de hockey ne sont pas des activistes.
Depuis quelques mois, les « soirées de la fierté » organisées par les équipes de la LNH créent la controverse. Ivan Porovorov ayant refusé de porter un chandail aux couleurs de la Fierté, d’autres joueurs l’ont suivi, ce qui a créé un certain malaise. P.K. Subban s’est donc porté à leur défense hier, dans une entrevue avec Steve Keating de Reuters, affirmant qu’on n’avait pas besoin de porter « un chapeau, un T-shirt ou un maillot » pour soutenir la communauté LGBTQ.
Il est assez connu que les joueurs de hockey, disposant de larges moyens, sont particulièrement encouragés à se lançer dans des œuvres philanthropiques et à soutenir des initiatives sociales. Or, selon Subban, particulièrement actif dans ces domaines, « on ne peut pas pousser tout le monde à être activiste ».
Au bout du compte, un joueur de hockey est jugé pour ses performances sur la glace. S’il est socialement impliqué, évidemment que c’est un plus! Cela-dit, la chose ne devrait pas être forcée ; l’important, c’est le sport.
Rapportant les propos de Subban, DansLesCoulisses.com analyse de manière très lucide cette politisation de la LNH : « Est-ce que ces soirées sont vraiment utiles? Ou ne sont-elles qu’une forme de «corporate washing», c’est-à-dire une façon pour une corporation de participer à des mouvements sociaux dans le seul but de faire des gains dans son image auprès du public? »
Bref, à la place de sauter pieds joint dans cette nouvelle politisation woke, la LNH devrait prendre exemple des nombreux cas où de grandes entreprises ont appris à regrets l’expression « go woke, go broke » (devient woke et soit ruiné).