D’après un article de Helen Whittle publié sur DW News le 21 juin 2025
Guben, ville méconnue située à la frontière germano-polonaise, tente une expérience simple mais audacieuse : offrir un logement gratuit pendant quatre semaines à quiconque veut tester la vie là-bas. L’objectif est clair : convaincre de nouveaux arrivants de s’y installer durablement pour freiner le déclin démographique. La ville a perdu près de la moitié de sa population depuis 1995, et le vieillissement est tel que l’âge médian y atteint 58 ans.
Ce projet, baptisé Probewohnen, pourrait bien inspirer le Québec, notamment ses régions dévitalisées comme la Haute-Côte-Nord, la Gaspésie, l’Abitibi ou certaines parties du Bas-Saint-Laurent. Là-bas aussi, des villages se vident, les jeunes partent, les commerces ferment, et les écoles survivent d’année en année, souvent à un élève près. Pendant ce temps, à Montréal, la crise du logement fait rage, les loyers explosent, et l’étalement urbain mange les terres agricoles.
Anika Franze, une Berlinoise de 38 ans, a découvert Guben grâce à ce programme. Fatiguée du bruit, du stress, de la précarité urbaine et du logement hors de prix, elle a tenté l’expérience. Huit mois plus tard, elle y vit toujours, dans un appartement de 100 mètres carrés, et coordonne elle-même le projet. Elle résume son choix : pas de bouchons, pas de pollution sonore, pas de chasse à la place de stationnement, et surtout, un sentiment de communauté retrouvé.
En Allemagne, la dévitalisation des anciennes zones industrielles de l’Est est une réalité brutale. Mais elle est aussi l’occasion de réinventer l’attractivité régionale à partir de la simplicité : un logement abordable, un cadre de vie sain, une possibilité de contribution sociale et culturelle. À Guben, on invite même les participants à s’impliquer dans des projets artistiques, des stages, ou des rencontres hebdomadaires avec les résidents.
Pourquoi le Québec n’a-t-il pas encore tenté l’équivalent? Il existe ici aussi des logements vacants, des maisons abandonnées, des villages presque figés dans le temps. Ce ne sont pas les espaces qui manquent, mais la volonté de créer un véritable appel d’air pour ceux qui cherchent un mode de vie plus humain. Le Probewohnen pourrait devenir, dans un contexte québécois, une formule d’incubation régionale : un mois d’essai, un logement subventionné, une immersion culturelle, un accompagnement professionnel.
Bien sûr, cela suppose de rompre avec une certaine frilosité institutionnelle. Trop souvent, au Québec, les politiques régionales restent défensives : on tente de ralentir le déclin, sans jamais inverser la tendance. Or, l’exemple de Guben montre que l’audace paie.
Plutôt que d’entasser toujours plus de monde dans les quartiers surpeuplés du Grand Montréal, ne pourrait-on pas proposer des séjours exploratoires à Matane, Amos ou Baie-Comeau? Plutôt que de subir la désertification scolaire en région, pourquoi ne pas offrir un logement et un contrat à ceux qui rêvent d’élever leurs enfants loin des tours à condos?
Le Québec n’a pas besoin de réinventer la roue. Il a juste besoin d’observer ce qui se fait ailleurs, et d’oser adapter avec intelligence. Après tout, si Guben peut renaître en accueillant des Berlinois lassés du chaos urbain, pourquoi nos villages ne pourraient-ils pas faire de même avec des Montréalais épuisés, des jeunes familles à la recherche d’espace, ou même des jeunes qui veulent, simplement, respirer?