Le Hamas s’est imposé comme fer de lance de la lutte palestinienne, mais il n’est pas le seul représentant de la cause. Il y a aussi le Fatah, plus modéré, fondé par Yasser Arafat, qui a longtemps été la principale faction au sein de l’Organisation de libération de la Palestine. Mahmoud Abbas en est l’actuel président. Il existe également plusieurs autres groupes plus petits. Le Hamas n’est pas synonyme « des Palestiniens ».
Le Hamas a remporté les élections législatives palestiniennes de 2006, obtenant 42.9% du vote contre 39.8% pour le Fatah. Le Hamas et le Fatah se sont ensuite affrontés dans une série de combats [qui ont fait environ 250 morts et au moins le double de blessés], dont la bataille de Gaza au cours de laquelle le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza. Le Fatah est resté en charge de la Cisjordanie. Il n’y a pas eu d’autres élections depuis.
Le mouvement Hamas a vu le jour en 1987, peu après le déclenchement de la première Intifada contre Israël. Il est issu des Frères Musulmans et s’inscrit dans la mouvance islamiste. Dans sa charte originale, l’organisation appelait au Jihad contre les Juifs et à la création « d’un État islamique » sur le territoire d’Israël. Une version amendée en 2017 cherche à présenter un assouplissement de son orientation, mais continue à désigner la Palestine historique comme une terre islamique. Israël y demeure une entité « illégale » et le sionisme un « ennemi de la nation arabe et islamique ».
Selon l’expert en terrorisme islamiste américain Matthew Levitt, le Hamas s’est livré à un effort de propagande visant à faire la promotion du Jihad mais également du martyr auprès des Palestiniens, y compris des enfants. Le Hamas a revendiqué une série d’attentats suicide durant les années 1990 et 2000.
Ce n’est donc pas pour rien que le Hamas est considéré « terroriste » par Israël, le Canada, les États-Unis, l’Union Européenne, le Japon, le Paraguay et le Venezuela. Il est également banni dans deux pays arabes: la Jordanie et l’Égypte, qui a désigné la branche militaire du Hamas comme organisation terroriste, l’accusant de soutenir une insurrection jihadiste dans le Sinaï en 2014 lors de laquelle 30 soldats égyptiens ont été tués.
Massacre et prises d’otages, dont de jeunes adultes qui festoyaient dans un rave en plein air dans le désert du Neguev, le mode opératoire des actes perpétrés en Israël le 7 octobre évoquent les façons de faire de l’État Islamique. Quand on parade des victimes à l’arrière d’un pick-up comme des trophées, il s’agit non seulement de terrorisme, mais carrément de barbarie. Même dans une guerre conventionnelle, il y a des choses qui ne se font pas. On peut s’inquiéter du sort qui sera réservé à la centaine d’otages, parmi lesquels se retrouvent des ressortissants occidentaux.
La riposte d’Israël promet d’être un véritable massacre. Ainsi, en commettant cette série d’attentats, que le gouvernement d’Israël équivaut à son propre « 11 septembre », le Hamas met la population de Gaza en otage et s’en sert comme bouclier humain. La bande de Gaza a une superficie de 365 km2 (par comparaison, l’île de Montréal fait 483 km2). S’y entassent plus de 2 millions de Gazaouis.
On peut désapprouver du gouvernement israélien et du traitement réservé aux Palestiniens dans les territoires occupés sans pour autant appuyer le Hamas. On ne devrait pas passer par quatre chemins pour condamner catégoriquement les actes terroristes du 7 octobre. Pourtant, on constate que certaines voix, notamment à gauche ou parmi les musulmans, ne les condamnent qu’à moitié, ou encore qu’elles tentent de les justifier. Cette violence serait le seul moyen pour les Palestiniens de se faire entendre, dit-on. Comme si elle pouvait possiblement entraîner la moindre répercussion favorable dans la vie quotidienne des Palestiniens.
Suite aux attentats, des manifestations en appui au Hamas, parfois festives, sont survenues un peu partout en Occident, y compris en France, au Royaume-Uni, au Canada et aux États-Unis. Elles ont essentiellement rassemblé des Musulmans fondamentalistes et quelques militants d’extrême gauche. Ces rassemblements démontrent qu’à force d’accueillir une immigration massive, les pays occidentaux ont importé les conflits du monde entier sur leurs territoires. Ils indiquent aussi que l’aboutissement du sentiment anticolonialiste d’une gauche néo-progressiste peut aller jusqu’à cautionner le Jihad.
Black Lives Matters Chicago a publié une image en soutien aux Palestiniens [« I stand with Palestine »] qui évoque un terroriste du Hamas descendant sur le terrain de la rave party en parachute. Dans l’annonce pour la « Journée de résistance: manifestation pour la Palestine » organisée par l’association étudiante La Fuerza de l’Université d’État de Californie, on retrouve aussi une représentation de ce parachute devenu symbole de l’attaque meurtrière surprise. Du côté français, le Parti des Indigènes a partagé sur Twitter un dessin montrant un militant Hamas armé en parachute. Avec cette représentation, on ne revendique pas uniquement une Palestine libre, on cautionne précisément l’opération barbare du Hamas.
Sur Twitter, un groupe affilié aux Antifas, le John Brown Gun Club, explique que les attentats perpétrés par le Hamas constituent de la « décolonisation en temps réel » et que ceux qui ne le perçoivent pas ainsi sont probablement des racistes. Bien que tout appui au terrorisme islamiste en Occident soit inquiétant, on peut arguer que ces groupes sont marginaux – et fort heureusement.
Toutefois, le cautionnement du Hamas n’est pas limité à une frange de militants marginaux. Un groupe de 31 organisations de la prestigieuse Université Harvard, y compris sa branche d’Amnesty International, impute l’entière responsabilité de l’attaque brutale du Hamas à Israël. À ce sujet, il m’est impossible de ne pas soulever un paradoxe: sur le « mur de l’apartheid », une fresque érigée sur le campus par le Harvard Palestine Solidarity Committee à l’occasion du Israeli Apartheid Week de 2022, figure le drapeau trans.
Le combat du Hamas est indissociable de l’islamisme et du Jihad. Dans une vidéo publiée sur YouTube le mardi 10 octobre, l’ancien dirigeant du Hamas, Khaled Mechaal [qui mène actuellement ses activités militantes depuis le Qatar] a lancé un appel à la guerre sainte. La vidéo n’est désormais plus accessible sur le site, mais l’auteur Brother Rachid, un ex-musulman converti au christianisme, a reposté sur X [Twitter] le message en arabe avec sous-titres anglais. Propageant une rumeur selon laquelle la destruction de la mosquée Al-Aqsa [la plus grande de Jérusalem] serait imminente, Khaled Mechaal implore les musulmans du monde entier d’être porteurs du Jihad ce vendredi 13 octobre, en combattant et en devenant des martyrs dans ce qu’il nomme « the Friday of Al-Aqsa flood » [le vendredi du déluge al-Aqsa]. Il appelle aussi les musulmans vivant dans les pays entourant Israël à se rendre aux frontières et à tenter d’y entrer.
Le conflit israélo-palestinien a toujours attisé les passions dans le monde occidental, et son plus récent chapitre est loin de faire exception. L’épisode de violence actuel est susceptible de perdurer, voire de s’envenimer et de se propager au-delà des frontières d’Israël. Suite à chacun des attentats islamistes survenus lors des années 2010, la gauche bien-pensante nous a demandé de ne pas faire d’amalgames, en nous expliquant que tous les musulmans n’appuyaient pas le Jihad et le terrorisme islamiste international. Soit – sauf que le Hamas, lui, cautionne les deux. Tout soutien à ce groupe constitue sans équivoque une position extrémiste. Les groupes d’extrême gauche qui refusent de s’en dissocier franchissent un nouveau seuil dans l’affirmation de leur radicalisation. Reste à voir comment ils parviendront à concilier leur militance LGBTQ+ avec l’appui à l’islamisme.