La futurologie est hasardeuse. Prédire comment sera le futur est quelque chose de difficile. Mais en étudiant les tendances, il est quand même possible de se faire une certaine idée de ce « monde qui pourrait être ». Si Québec Solidaire a célébré cette année ses 18 ans, on se demande de plus en plus nombreux où ils trouveront la force pour passer le cap de la vingtaine. Est-ce que Québec Solidaire serait déjà un parti ayant dépassé son espérance de vie? Analyse en quelques points de l’enfant terrible de l’Assemblée nationale du Québec.
Le départ d’Émilise Lessard-Therrien est la goutte de trop dans un vase qui déborde depuis longtemps. Sur Québec Nouvelles, on a beaucoup parlé de l’avenir incertain pour le parti de gauche. 2022 fut une année à oublier pour le parti, qui stagnera dans le nombre de députés. S’ajoute aussi le départ de Catherine Dorion et son livre à charge qui fissureront un parti souvent trop fier et arrogant.
Finalement, c’est en la personne d’Émilise Lessard-Therrien que le parti frappera son Waterloo. Cette ex-députée, femme de région, qui aime la chasse et les gros véhicules, est à l’opposé de l’image que l’on se fait des militants qsistes. C’est ce Québec rural qui voudrait retrouver un peu en dignité après avoir été abandonné pendant trop longtemps par les décideurs centrés sur le « développement » de la région de Montréal.
Un pays sans ses régions n’est rien. Sans agriculture, sans ressources naturelles, les grandes villes sont bien plus dépendantes des régions que l’inverse. Il y a donc dans ce parti un clivage prévisible entre les régions et la ville. Ou devrait-on dire, les quartiers « gentrifiés ». Depuis toujours, il existe au Québec une tradition de « gauche » régionale. On peut penser aux luttes syndicales au Saguenay, à Sept-Îles, aux mineurs de l’Abitibi, aux agriculteurs du Témiscamingue.
Ce « Québec qui se lève tôt » est boudé par l’establishment du parti qui se situe sur le Plateau Mont-Royal. Cependant, c’est connu de l’équipe de Gabriel Nadeau-Dubois qu’il faut « professionnaliser » le parti et sortir du militantisme de rue. Cela ne fait pas que des heureux. Les militants les plus radicaux du parti, souvent issus d’écoles marxistes-léninistes, pensent que le parti « s’embourgeoise » et que les élections sont un « piège à cons ».
Alors, comment concilier les intérêts divergents comme les régions et les quartiers gentrifiés, les professions libérales et le secteur communautaire, des indépendantistes et des fédéralistes? Ou bien ceux qui hésitent entre être le parti des « urnes » ou de la « rue »? Bien sûr, c’est intenable. Et personne ne voudrait avoir à gérer les militants radicaux de Québec Solidaire, pas même la haute direction.
En 18 ans, le parti a fait du chemin pour finir dans un cul-de-sac. L’argument de dire « c’est un jeune parti » ne tient pas. Notre système électoral n’est pas parfait, mais habituellement, au bout de deux mandats, un nouveau parti émergent arrive à prendre le pouvoir. Dans l’histoire récente, pensons tout d’abord au Parti Québécois, fondé en 1968, qui prendra le pouvoir en 1976. Ou bien plus récemment, le cas de la Coalition Avenir Québec, fondé en 2011, qui gagnera un premier mandat majoritaire en 2018.
Plusieurs politiciens considèrent que les partis ont une durée de vie utile. Après l’usure du pouvoir, ou bien à force de rester dans l’antichambre de l’opposition, un parti perd en vigueur et stagne. Rien n’indique un renouveau du membership de Québec Solidaire, ni chez les jeunes ni dans d’autres « marchés ». Même dans ce qui devrait être leur chasse gardée (les universités), ils ont de la difficulté à mobiliser une trentaine de personnes. 2026 est une année périlleuse pour l’avenir du parti, comme on le rapportait dans un récent texte d’opinion, mais cette échéance est probablement devancée suite au départ d’Émilise Lessard-Therrien. Les paris sont ouverts. Donc, Québec Solidaire aurait-il passé date après avoir atteint sa majorité?