Il y a quelques jours, lors du débat des chefs organisé en français, des journalistes du média alternatif Rebel News ont pu poser des questions aux chefs des partis fédéraux. Il en a fallu bien peu pour voir plusieurs crier au scandale. Selon eux, il est inadmissible qu’un média qu’ils considèrent d’extrême droite puisse ainsi faire du journalisme. Or, qui peut se réclamer de ce noble métier ? Et qui est légitime pour poser les bonnes questions ?
Éric-Pierre Champagne, le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), a qualifié les journalistes de Rebel News de militants. Les spécialistes qui ont connaissance de tout, tel que David Morin de l’Université de Sherbrooke, ont une opinion bien trempée sur ces médias alternatifs.
Pourtant, lorsqu’on apprend qu’une commission émanant du gouvernement canadien visant à organiser les débats des chefs coûte 2 millions de dollars par année, il ne semble pas y avoir de problème. Ni lorsqu’on voit des professionnels de la communication, grassement payés par les fonds publics, poser des questions stupides sur les aliments américains boycottés par les chefs. Tout est normal, encore une fois.
Dans un tel contexte, comment ne pas avoir de la sympathie pour les médias alternatifs ? Ils essaient de se faire une place face à des concurrents payés à même les poches des contribuables. C’est David contre Goliath. On se dit que, pour une fois qu’un média indépendant et alternatif remporte une petite victoire, il est immédiatement qualifié d’extrême droite.
On remet en doute également les compétences des journalistes de ces médias, car ceux-ci ne seraient pas accrédités. Pourtant, lorsqu’on regarde la définition du métier de journaliste au Québec, celui-ci n’est pas un titre protégé, contrairement à ceux de médecin ou de psychologue. Ainsi, on peut faire du journalisme sans avoir étudié en communication.
Plusieurs grands journalistes sont autodidactes. D’autres se sont formés à des métiers scientifiques avant de faire soit du journalisme de terrain, soit de la vulgarisation. Pas plus qu’il n’y a un chemin tracé pour devenir écrivain. On a déjà vu des cas de gens originaires de bidonvilles devenir des écrivains à succès. Ou encore des bandits de grand chemin qui manient la plume comme personne.
Qu’est-ce qu’il serait mieux de faire ? Il est vrai que les révélations sont souvent le fait de journalistes officiels, dans les grands médias. Par contre, ceux-ci ne s’intéresseront pas aux gens de la société, aux manifestants eux-mêmes, par exemple lors d’un mouvement social. On pense au travail d’un Vincent Lapierre en France, qui va interroger les petits acteurs de la grande histoire qui se dessine.
Dans les conventions d’anime japonais, dans les quartiers de dealers, lors des manifestations féministes, ou encore des gilets jaunes. Les grands médias ne s’intéressent pas à ce que les gens du peuple pensent. Les médias alternatifs sont aussi des alerteurs sur des sujets polémiques couverts seulement de manière favorable par les journalistes officiels.
Par exemple, La Presse aurait-elle produit un reportage comme celui de Rebel News sur l’exposition Unique en son genre, et les actions à la limite de la légalité qui se sont déroulées en présence d’enfants, comme cet homme nu se faisant enrouler dans du plastique ?
Non, les médias alternatifs ne sont pas parfaits. Mais ils font un travail de défrichage qui demeurera. Celui qui donne une voix aux gens du peuple, du quotidien. Loin des tours d’ivoire de La Presse ou de Radio-Canada, trop préoccupés à marquer les pronoms des énergumènes interrogés dans leurs reportages.
L’histoire ne retiendra pas les noms de ces journalistes lambda, qui ne font que colporter une forme de bien-pensance. Celle du gouvernement qui paie leurs salaires.