« Le premier ministre François Legault a dit que le Québec n’était pas une république de bananes. Annuler nos permis sans compensation remet cette affirmation en question. » Ce n’est pas dans les dentelles que Russ Duncan, le président de « 9161-7795 Québec inc. », une entreprise pétrolière détenue par deux sociétés albertaines, a décrit la situation entourant la loi 21 du gouvernement Legault, qui bannit tout nouveau développement ou exploitation dans le secteur des hydrocarbures au Québec. Tout comme Utica Ressources, qui poursuivait le gouvernement pour 18 milliards l’an passé, et Questerre, qui a intenté des poursuites de 65 millions contre lui plus tôt cette année, « 9161-7795 Québec inc. » cherche désormais à obtenir une compensation dans les alentours de 25 à 38 millions de dollars.
L’entreprise en question détenait en effet huit permis d’exploration pétrolière et gazière dans le golfe du Saint-Laurent, au large d’Anticosti. Aucun forage n’avait à ce jour été réalisé, mais l’entreprise évalue le potentiel de ce secteur à 2,3 millions de barils de pétrole.
À ce jour, le gouvernement du Québec fait face à 11 poursuites en justice impliquant 16 entreprises.
Il faut dire qu’avant de mettre brusquement un terme aux activités du secteur des hydrocarbures, la province de Québec avait envoyé des signaux encourageants et investi massivement. Selon Le Devoir, Québec aurait déjà englouti 219 millions de dollars dans ses tergiversations au sujet des hydrocarbures. D’abord, le gouvernement Marois, qui promettait d’adopter un modèle norvégien (exploitation des hydrocarbures pour financer les énergies vertes), avait investi 92 millions pour la recherche du pétrole de schiste sur l’île d’Anticosti. Investissement Québec, pour sa part, aurait investi 8,5 millions pour les explorations du projet pétrolier et gazier Bourque, en Gaspésie, ainsi que 18,4 millions pour le projet pétrolier Galt, dans la même région.
D’autre part, la fin abrupte de ces activités de recherche oblige le gouvernement à débourser au moins 100 millions, dont 33 millions pour fermer 60 puits d’exploration détenus par des entreprises.
Mais la facture fait d’autant plus mal lorsqu’on prend en compte le coût d’opportunité, c’est-à-dire les montants auxquels on a renoncé en bannissant l’exploitation des hydrocarbures sur notre territoire. Éric Tétrault, président de l’Association de l’énergie du Québec, évalue de 3 à 5 milliards les profits perdus par le Québec dans cette saga.
En d’autres mots, on se prive de milliards et d’une meilleure sécurité énergétique, tout ça pour se retrouver à payer des centaines de millions de dollars en réparation aux entreprises à qui on a fait perdre temps et argent.
Pour ce qui est de « 9161-7795 Québec inc. », M. Duncan aspire avant tout à négocier une entente avec le gouvernement, mais n’exclut pas de poursuivre le gouvernement pour un montant qui pourrait se chiffrer en milliards. C’est que l’entreprise n’est pas éligible au programme d’indemnisation du gouvernement, qui ne concerne que les entreprises qui ont investi dans les dernières années. Or, selon Duncan, 9161-7795 Québec inc. avait mis une pause à ses activités ces dernières années précisément parce que le gouvernement semblait avoir mis un moratoire sur ce type d’activité.
Le caractère officiel de ce moratoire étant remis en question, certains analystes argumentent au contraire qu’il sera difficile pour l’entreprise de négocier quoique ce soit avec le gouvernement, qui aurait apparemment été très clair sur le sujet. Mais, selon Duncan, « l’idée de repartir les mains vides » n’est pas une option.