Dans un billet d’opinion pour The Guardian que nous vous traduisons ici, le populaire acteur Rowan Atkinson, principalement connu pour son personnage de Mr. Bean, révèle sa formation universitaire en génie électrique et électronique et fait part de ses doutes croissants au sujet des voitures électriques. Selon lui, la technologie ne serait pas encore à point et son coût environnemental la rendrait contre-productive. Il se montre donc sceptique des politiques gouvernementales visant à bannir les voitures à essence entre 2030 et 2035 et argue qu’il serait plus bénéfique pour l’environnement qu’on utilise le plus longtemps possible nos voitures au lieu de les remplacer aux trois ans. Il mise en outre sur le développement de nouvelles formes de carburants, dont certains pourraient potentiellement fonctionner dans le parc automobile déjà existant. –
« La motorisation électrique est, en théorie, un sujet sur lequel je devrais avoir des connaissances. J’ai obtenu mon premier diplôme universitaire en génie électrique et électronique, suivi d’une maîtrise en systèmes de contrôle. Combinez ce parcours académique, peut-être surprenant, avec une passion de toujours pour l’automobile, et vous comprendrez pourquoi j’ai été amené à adopter très tôt les véhicules électriques. J’ai acheté ma première voiture électrique hybride il y a 18 ans et ma première voiture entièrement électrique il y a neuf ans et (en dépit de la médiocrité de notre infrastructure de recharge électrique) j’ai beaucoup apprécié ces deux véhicules. Les véhicules électriques sont peut-être un peu dépourvus d’âme, mais ce sont des mécanismes merveilleux : rapides, silencieux et, jusqu’à récemment, très économiques en termes de coûts d’utilisation. Mais de plus en plus, je me sens un peu dupé. Lorsque l’on commence à creuser les faits, la motorisation électrique ne semble pas être la panacée environnementale que l’on prétend.
Comme vous le savez peut-être, le gouvernement a proposé d’interdire la vente de nouvelles voitures à essence et diesel à partir de 2030. Le problème de cette initiative est qu’elle semble se fonder sur des conclusions tirées d’une seule partie de la vie d’une voiture : ce qui sort du pot d’échappement. Les voitures électriques n’émettent pas de gaz d’échappement, ce qui est une bonne chose, notamment en ce qui concerne la qualité de l’air dans les centres-villes. Mais si l’on prend un peu de recul et que l’on examine la situation dans son ensemble, en tenant compte de la fabrication de la voiture, la situation est très différente. Avant la conférence sur le climat de la Cop26 qui se tenait à Glasgow en 2021, Volvo a publié des chiffres selon lesquels les émissions de gaz à effet de serre lors de la production d’une voiture électrique sont près de 70 % plus élevées que lors de la fabrication d’une voiture à essence. Comment cela se fait-il ? Le problème réside dans les batteries lithium-ion qui équipent actuellement la quasi-totalité des véhicules électriques : elles sont absurdement lourdes, leur fabrication nécessite de nombreux métaux des terres rares et d’énormes quantités d’énergie, et leur durée de vie est estimée à plus de 10 ans. Ce choix de matériel pour mener le combat automobile contre la crise climatique semble peu judicieux.
Il n’est donc pas surprenant que de nombreux efforts soient déployés pour trouver une meilleure solution. De nouvelles batteries dites à l’état solide sont en cours de développement ; elles devraient se charger plus rapidement et pourraient représenter un tiers du poids des batteries actuelles, mais il faudra encore des années avant qu’elles ne soient commercialisées, et d’ici là, bien sûr, nous aurons fabriqué des millions de voitures électriques trop lourdes, dont les batteries seront rapidement obsolètes. L’hydrogène apparaît comme un carburant alternatif intéressant, même si nous tardons à mettre au point une méthode de fabrication véritablement « verte ». Il peut être utilisé de deux manières. Il peut alimenter une pile à hydrogène (essentiellement une sorte de batterie) ; le constructeur automobile Toyota a investi beaucoup d’argent dans le développement de ces piles. Un tel système pèse la moitié d’une batterie lithium-ion équivalente et une voiture peut être ravitaillée en hydrogène dans une station-service aussi rapidement qu’avec de l’essence.
Si la batterie lithium-ion est un dispositif imparfait pour les voitures électriques, elle n’est pas du tout adaptée aux camions en raison de son poids ; pour ces véhicules, l’hydrogène peut être injecté directement dans un nouveau type de moteur à piston. JCB, l’entreprise qui fabrique les pelleteuses jaunes, a fait d’énormes progrès avec les moteurs à hydrogène et espère les mettre en production dans les deux prochaines années. Si l’hydrogène gagne la course à la motorisation des camions – et que, par conséquent, toutes les stations-service le stockent – il pourrait devenir un choix populaire et accessible pour les voitures.
Mais allons encore plus loin et considérons l’ensemble du cycle de vie d’une automobile. Le plus gros problème que nous devons résoudre dans la relation de la société avec la voiture est la culture de vente « fast fashion » qui constitue le modèle commercial de l’industrie automobile depuis des décennies. Actuellement, nous ne gardons en moyenne nos nouvelles voitures que trois ans avant de les revendre, principalement en raison de l’omniprésence du modèle de location sur trois ans. Cela semble être une utilisation outrageusement dépensières en ressources naturelles lorsque l’on sait dans quel état se trouve une voiture de trois ans. Lorsque j’étais enfant, toute voiture âgée de cinq ans était un seau de rouille et se trouvait à mi-chemin de la porte de la casse. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. On peut aujourd’hui fabriquer une voiture pour 15 000 livres sterling qui, avec un peu d’amour, durera 30 ans. Cela fait réfléchir de penser que si les premiers propriétaires de voitures neuves les gardaient en moyenne cinq ans, au lieu des trois ans actuels, la production de voitures et les émissions de CO2 qui y sont associées seraient considérablement réduites. Nous profiterions de la même mobilité, en conduisant simplement des voitures un peu plus anciennes.
Nous devons également reconnaître que les voitures actuelles (il y en a près de 1,5 milliard dans le monde) constituent un atout considérable. En termes de fabrication, ces voitures ont payé leur tribut à l’environnement et, bien qu’il soit judicieux de réduire notre dépendance à leur égard, il semblerait juste d’examiner attentivement les moyens de les conserver tout en réduisant leur effet polluant. Il est évident que nous pourrions les utiliser moins. Comme m’a dit un jour un écologiste, si vous avez vraiment besoin d’une voiture, achetez-en une vieille et utilisez-la le moins possible. Une chose raisonnable à faire serait d’accélérer le développement du carburant synthétique, qui est déjà utilisé dans les courses automobiles ; c’est un produit basé sur deux notions simples : premièrement, le problème environnemental d’un moteur à essence est l’essence, pas le moteur et, deuxièmement, il n’y a rien dans un baril de pétrole qui ne puisse être reproduit par d’autres moyens. La Formule 1 utilisera du carburant synthétique à partir de 2026. Il existe de nombreuses interprétations de cette idée, mais le constructeur automobile allemand Porsche développe actuellement au Chili un carburant utilisant l’énergie éolienne pour alimenter un processus dont les principaux ingrédients sont l’eau et le dioxyde de carbone. Avec plus de développement, il devrait être utilisable dans toutes les voitures à moteur à essence, rendant leur utilisation pratiquement neutre en CO2.
De plus en plus, j’ai l’impression que notre lune de miel avec les voitures électriques touche à sa fin, et ce n’est pas une mauvaise chose : nous nous rendons compte qu’un plus large éventail d’options doit être exploré si nous voulons nous attaquer correctement aux problèmes environnementaux très graves que notre utilisation de l’automobile a engendrés. Nous devrions continuer à développer l’hydrogène, ainsi que les carburants synthétiques pour éviter la mise à la casse des vieilles voitures qui ont encore tant à donner, tout en promouvant un modèle commercial tout à fait différent pour l’industrie automobile, dans lequel nous gardons nos nouveaux véhicules plus longtemps, en reconnaissant leur longévité étonnante mais négligée.
Des amis soucieux de l’environnement me demandent souvent, en tant que passionné d’automobile, s’ils devraient acheter une voiture électrique. J’ai tendance à dire que si leur voiture est un vieux diesel et qu’ils roulent beaucoup en ville, ils devraient envisager un changement. Mais dans le cas contraire, il ne faut pas s’emballer pour l’instant. Un jour, la propulsion électrique sera réellement bénéfique pour l’environnement à l’échelle mondiale, mais ce jour n’est pas encore arrivé. »
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