Depuis dimanche dernier, le 29 mai 2022, l’interpellation anodine d’une femme qui faisait du macramé en monokini avec ses deux rats et ses amis fait des vagues sur les réseaux sociaux, au point où les médias grand public, fidèles à leur habitude, ont sauté pieds joints dans l’occasion d’en faire un cas de « justice sociale ».
Dans un article paru dans Le Soleil, on explique qu’une « jeune femme dans la vingtaine ne digère pas d’avoir été interpellée par des policiers de Québec parce qu’elle avait les seins découverts en public, comme les gars «en chest», par une chaude journée ensoleillée. Elle souhaite, à l’instar d’autres jeunes de son âge, que cette pratique soit «normalisée». »[1]
Plus tard dans la semaine, on annonce que Bruno Marchand, en personne, a eu à se prononcer sur l’évènement. Il aurait laconiquement affirmé qu’il n’avait pas à émettre d’opinion puisque la loi le permettait.[2]
Dans un article du devoir, on explique de manière élogieuse la fronde de la jeune femme : « L’adrénaline et la volonté de montrer le bien-fondé de sa position lui ont permis de tenir debout et de ne pas se rhabiller, explique celle qui se promène seins nus depuis déjà un an, au parc et à la piscine, lorsque la chaleur pèse. » Et la journaliste poursuit, en accréditant complètement la thèse de « l’injustice sexiste » et en diminuant fortement la violence des propos que la jeune femme a par la suite tenu dans sa publication Facebook : « Et c’est avant tout la volonté d’informer amis et famille qui a poussé la diplômée en bioécologie à publier son récit sur Facebook. Ça, et la fierté de s’être tenue debout face à une injustice sexiste. Il n’était pas question de rabaisser le SPVQ, bien que certaines phrases de son statut aient cet effet.»[3]
Ces « certaines phrases » dont on parle ici, nous pouvons vous les offrir, directement du compte de cette fieffée promotrice du naturisme au parc St-Roch :
« Cinq autres policiers arrivent en « renfort ». AHA. Ils passent 20 minutes dans leur gros char de gros gars blanc cis hétérosexuels plein de cash. Sûrement à relire le document des règlements au complet pour trouver une faille et me donner une amende. Ou bien, à seulement vérifier c’est quoi le règlement pour cette situation, parce que on va pas se cacher que c’est pas dans leur priorité les droits des femmes, des minorités et de la population Queer de Québec. »[4]
L’inspirante confrontation se termine alors dans les grands classiques de la rébellion adulescente :
Ça éclate
Des gens s’exclament:
LE POUVOIR AUX FEMMES
FUCK THE POLICE
Et à la concernée de conclure, attendrie :
Merci à tout le monde dans le parc pour le gros câlin de tendresse et de validation. Je suis reparti.e plein.e de confiance. Enfin, c’est moi qui avait un sentiment de pouvoir.
« Enfin, je détenais le pouvoir », nous dit ouvertement Paquet Poisson.
Effectivement, car toute cette affaire n’est pas véritablement une promotion du côté naturel d’être seins nus ; c’est une question de pouvoir, d’idéologie et de militantisme. Choquer pour obtenir l’attention, revendiquer son droit à l’outrage publique et se sentir pendant quelques jours comme une héroïne de la « Justice Sociale ».
Le concept d’acceptabilité sociale, aussi, est désormais incontournable ; il devrait être aisément compris que des seins nus en plein parc St-Roch est susceptible de créer des incompréhensions ou même des tensions dans une culture qui n’y a pas l’habitude. Ce n’est pas une question de domination patriarcale malfaisante, mais simplement une question de mœurs.
Les québécois comprendraient probablement le monokini sur une plage, y verraient une sorte d’exotisme à la française, mais dans un parc urbain, personne n’est vraiment impressionné que ça ait choqué.
Ce qui l’est, par contre, c’est la complaisance médiatique envers n’importe quelle manifestation anodine de révolte woke, une idéologie hautement controversée et majoritairement rejetée par les Québécois.
Le champ lexical de la concernée est très clair, contient tous les slogans et dogmes intersectionnels, tel une caricature, mais ont été camouflés sous des airs de respectabilité journalistique. Et la chose a pu se rendre jusqu’aux sphères politiques, comme toujours.
Si le débat sur le monokini dans les parcs est un débat absolument légitime, l’intolérance et l’agressivité woke est tout à fait inacceptable.
[1] Fleury, É. Plaidoyer pour le droit des femmes d’être seins nu en public. Le Soleil. shorturl.at/aqstN
[2] Pelletier, É. Marchand n’entend pas bloquer les seins nus en public. Le Soleil. shorturl.at/uvWX5
[3] Yargeau, M. Intervention policière à Québec pour avoir été seins nus au parc. Le Devoir. shorturl.at/tyM56
[4] Paquet Poisson, É. Publication Facebook.