Nous avons appris hier que le ministère de l’Environnement du Québec a sommé les quatre cimenteries du Québec à leur fournir d’ici le 1er mai un plan de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Leurs efforts devront s’inscrire dans le plan plus large de décarbonation à l’horizon 2050, mais ils devront fournir une feuille de route pour détailler les moyens mis en place pour réduire leurs GES d’ici 2030.
Avec 15% des émanations de GES sur le territoire, ce n’était qu’une question de temps avant que le gouvernement ne s’attaque au secteur, mais dans un contexte de crise du logement et d’inflation, est-ce réellement la priorité en ce moment?
La crise du logement est déjà en cours, des gens peinent à se trouver un logement et les prix de l’immobilier explosent au point où même Justin Trudeau en est venu à évaluer la possibilité de faire construire des maisons modulaires comme au lendemain de la seconde guerre mondiale. Les gouvernements cherchent activement à stimuler la construction de nouveaux logements abordables. On cherche désespérément une solution.
De l’autre côté, le ciment est l’une des ressources les plus basiques et essentielles pour l’industrie de la construction, et avec la crise du logement, nous en aurons particulièrement besoin. Est-ce réellement le temps de leur imposer un nouveau fardeau réglementaire et de possibles tarifications de leurs activités?
On affirme qu’on fera preuve de modération et qu’on permettra aux usines de réduire « graduellement » leurs émissions, mais on n’exclue pas non plus de leur imposer des « sanctions pécuniaires sévères » en cas d’échec.
Autrement dit, on va les traiter à peu près aussi durement qu’on traite l’industrie des hydrocarbures.
On sait bien que ces politiques partent de bons sentiments ; tout le monde souhaite vivre sur une planète en santé, or à ce stade, nous sommes en train de compromettre gravement notre prospérité et nos perspectives de développement économique. Il y a acharnement.
Pensez-bien que sur un chantier, tout le matériel et les ressources rassemblées ont été soumis à de multiples taxes, de l’extraction des matières premières à leur utilisation, en passant par leur transport et leur transformation. Par exemple, pour une simple porte installée dans une maison, il a fallu couvrir des taxes sur la machinerie qui a coupé le bois d’œuvre, des taxes sur les activités du moulin qui a traité, coupé et séché le bois, des taxes sur le transport du bois dans un entrepôt ou une usine, des taxes sur les activités de l’usine qui en a fait une porte, des taxes sur le transport entre l’usine et le magasin, des taxes sur le transport entre le magasin et le chantier, des taxes sur les véhicules et la machinerie qui travaillent sur le chantier, etc.
La taxe carbone, notamment, a particulièrement tendance à s’accumuler de la sorte, considérant le nombre élevé de fois où des véhicules et des activités de transformation sont nécessaires dans la création d’un produit. C’est la raison pourquoi les chefs conservateurs, tant au fédéral qu’au provincial, demandent sa suspension.
Bref, les produits que nous consommons ont été taxés à de multiples reprises, gonflant artificiellement leur prix et contribuant à l’emballement de l’inflation actuelle. Et les chantiers, des secteurs particulièrement énergivores, n’échappent pas à cette dynamique.
Ainsi, faire de la décarbonation des cimenteries une priorité en ce moment, c’est un bon moyen de s’assurer d’en rajouter une couche et de rendre la construction de logement encore moins attractive qu’elle ne l’est déjà. Et quitte à construire à coûts élevés, les promoteurs seront davantage encouragés à construire du haut-de-gamme pour couvrir leurs dépenses, laissant les plus démunis pour compte.
Et si on ne parle pas nécessairement de taxes ou de tarifications, cet impératif de revoir les réglementations et les normes du secteur pour le décarboner signifiera nécessairement des investissements coûteux qui auront un impact sur les prix. Dans un article de mars 2023 de La Presse, on voit très bien en quoi le principal problème des nouveaux procédés verts dans l’industrie du ciment est leur coût élevé et prohibitif.
D’autant plus que des millions ont déjà été investis dans le domaine dans les dernières années ; cette nouvelle demande de décarbonation se fait donc par-dessus la décarbonation déjà accomplie, et devient de facto plus difficile et coûteuse à réaliser que la décarbonation initiale.
On a déjà remarqué à quel point la CAQ est devenue obnubilée par la transition énergétique ; ça semble être désormais leur seule vraie priorité, le seul vrai projet de société qu’ils ont à offrir aux Québécois. Absolument toutes leurs politiques sont enlignées vers cet unique objectif. Ce n’est donc pas surprenant qu’en regardant des cimenteries, la première pensée de ce parti déconnecté concerne les émissions de gaz à effet de serre, et non pas son impact sur l’industrie de la construction, le logement ou les prix, qui inquiètent les citoyens de manière beaucoup plus pressante.