Donald Trump vient d’être mis en accusation pour une quatrième fois cette année. Sous la supervision de la procureure Démocrate Fani Willis, un grand jury basé à Atlanta l’accuse maintenant d’avoir tenté d’inverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 dans l’État de Géorgie, afin d’invalider la victoire de Joe Biden dans cet état.
Cette liste d’accusations criminelles contre Donald Trump était apparue sur le site Web du comté de Fulton plus tôt lundi, avant même que le grand jury n’ait voté pour rendre un acte d’accusation. Le document a ensuite rapidement été supprimé, mais pas avant que Reuters n’ait l’occasion de publier une dépêche à cet effet, mettant le bureau du procureur dans l’embarras.
L’ancien Président et 18 autres personnes sont visés dans un document faisant état de 41 chefs d’accusation. Trump est ciblé par 13 d’entre eux, dont racket, incitation de violation de serment [par un agent public] et complot en vue de commettre une usurpation de fonction. Donald Trump a nié toutes ces nouvelles charges, qui sont essentiellement liées à ce que les chroniqueurs pro-Démocrates ont appelé le « Trump fake electors plot » [Le complot d’électeurs frauduleux pour Trump].
Aux États-Unis, les élections présidentielles ne sont pas basées sur le vote populaire direct, mais sur un système de collège électoral. Chaque État se voit attribué un nombre de grands électeurs en fonction de sa représentation au Congrès (soit, de ses 2 Sénateurs plus de son nombre de Représentants), Chaque parti politique désigne ses propres grands électeurs en vue de l’élection présidentielle. Le groupe de grands électeurs affilié au parti du candidat qui remporte le vote populaire est choisi pour voter lors du Collège électoral, notamment en signant le certificat de vote de l’état. Le vainqueur rafle tout: le candidat qui remporte le vote populaire dans un état obtient normalement la totalité du vote électoral de cet État [seuls le Maine et le Nebraska font exception]. La Georgie, qui est représentée par 2 Sénateurs et 14 sièges à la Chambre des Représentants, compte 16 des 538 grands électeurs.
Les votes électoraux sont ensuite certifiés par le Gouverneur de l’état, puis envoyés au Congrès. Chaque 6 janvier suivant l’élection présidentielle, le vice-président compte les votes électoraux provenant de chaque État lors d’une séance conjointe du Congrès.
Il peut cependant arriver que de grands électeurs remettent en question le résultat ou qu’ils décident d’aller à l’encontre du vote populaire de leur État, notamment suite à une élection controversée. Dans de tels cas, des grands électeurs dissidents peuvent signer un certificat alternatif, également appelé contestataire. Ce certificat indique que ces grands électeurs votent pour un candidat différent de celui qui a remporté le vote populaire dans l’État.
Les États ont des approches différentes face à ces rares situations. Elles varient en fonction des lois électorales spécifiques à chaque État, qui peuvent être assez complexes. En Georgie, les candidats et les électeurs ont le droit de contester une élection à l’échelle de l’État, advenant que des votes illégaux aient été reçus, que des votes légaux aient été rejetés ou que les responsables des élections aient commis des erreurs, dans des proportions suffisantes pour modifier ou remettre en doute le résultat.
En 2020, la Georgie a connu le deuxième résultat le plus serré au pays, derrière l’Arizona. Joe Biden a obtenu 49.47% du vote populaire avec 2,473,633 voies, contre 49.24% pour Donald Trump avec 2,461,854.
Alors que la soirée électorale s’annonçait favorable pour Trump, plusieurs comtés de Georgie ont suspendu le décompte pendant la nuit du 3 au 4 novembre, histoire de permettre aux travailleurs électoraux de se reposer – une interruption inédite suscitant beaucoup de méfiance. Il n’est pourtant pas rare de voir le dépouillement s’étirer jusqu’aux petites heures du matin dans les circonscriptions chaudement disputées lors de nos élections provinciales ou fédérales.
Les Républicains ont évoqué des inquiétudes concernant l’intégrité d’un vote par correspondance d’une ampleur sans précédent, affirmant qu’une vérification des signatures insuffisamment rigoureuse permettait à des bulletins de vote non valides d’être comptabilisés. D’autres allégations ont fait état d’observateurs républicains qui n’auraient pas été autorisés à surveiller le décompte des bulletins de vote de manière adéquate dans certains endroits. Outre, les machines de vote électronique Dominion ont été utilisées dans plusieurs comtés de Georgie.
Constatant que leurs doléances, pourtant légitimes, étaient écartées à titre de conspirationnisme, et face au manque de volonté Démocrate pour faire la lumière sur ces irrégularités, les Républicains de Georgie ont tenté de faire reconnaître leur groupe de grands électeurs. Ils avaient espoir de pouvoir y parvenir, car leur parti détenait la majorité des postes politiques dans la législature de l’État et contrôlait les 2 chambres de l’Assemblée Générale de Géorgie.
Ceci dit, seulement renverser le collège électoral pour la Georgie n’aurait pas eu d’impact sur l’issue de l’élection. Il fallait atteindre le nombre magique de 270 pour gagner. Trump a obtenu 232 votes électoraux contre 306 pour Joe Biden. Or, en allouant les 16 votes électoraux de la Georgie à Trump, ça aurait donné une victoire de 290 à Biden [contre 248]. Toujours insuffisant pour changer le résultat.
Les médias évoquent souvent l’appel téléphonique de Trump avec le secrétaire d’État républicain de Géorgie, Brad Raffensperger, en janvier 2021. Ils se plaisent à dire que Trump l’aurait poussé à « trouver » 11 780 votes, le nombre dont il aurait eu besoin pour battre Joe Biden dans cet État. Il s’agissait effectivement d’une demande d’enquête sur la fraude électorale et non d’une requête pour la fabrication de votes. Il y aurait des centaines de milliers de bulletins de vote par correspondance dont les signatures n’ont pas été dûment vérifiées.
Comme si les Démocrates n’avaient pas contesté le résultat de l’élection de 2016 pendant 4 ans en invoquant une ingérence russe maintenant déboutée.
Cette quatrième mise en accusation porte le coup le plus dur. La Procureure du district du comté de Fulton, Fani Willis, donne à l’ancien président Donald Trump et ses 18 alliés jusqu’au vendredi 25 août, à midi, pour se rendre à la justice.
Parmi les 18 autres accusés figurent Rudy Giuliani, l’ancien maire de New York puis avocat de Trump, qui a été à la pointe de la remise en cause des résultats de l’élection présidentielle de 2020; l’ancien chef de cabinet de Trump, Mark Meadows; ainsi que les avocats Kenneth Chesebro, John Eastman, Jenna Ellis et Sidney Powell. Trump et ses avocats sont inculpés en vertu du Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act [RICO], qui a été principalement conçu pour lutter contre les activités criminelles organisées, en particulier la mafia et les organisations similaires [en français: c’est la loi sur les organisations motivées par le racket et la corruption].
Comme cette affaire se déroule au niveau de l’État de Géorgie, le palier fédéral n’a aucun pouvoir. Même si Trump est réélu en 2024, advenant qu’il soit condamné, il ne pourrait pas s’accorder lui-même le pardon, pas plus qu’il ne serait en mesure de mettre un terme aux poursuites par le bureau du procureur.
Les partisans de Trump n’ont pas tardé de demander à Brian Kemp, le gouverneur Républicain de Georgie, de congédier la procureure Willis. Kemp a récemment créé une Commission habilitée à sanctionner ou révoquer les procureurs jugés difficiles, affirmant que cette disposition réprimerait les « procureurs d’extrême gauche » qui « rendent nos communautés moins sûres ». La nouvelle commission commencera à accepter les plaintes à partir du 1er octobre, mais il est difficile d’imaginer que Brian Kemp s’en serve pour aider l’ancien président. Trump a appuyé son rival lors des primaires de 2022. Il avait aussi appelé à sa démission suite à son refus d’invalider les résultats de l’élection présidentielle en Georgie.
Difficile de voir dans ces nouvelles accusations autre chose que l’instrumentalisation du système judiciaire à des fins politiciennes. Un acharnement politique permanent, moussé par les médias mainstream, pour miner les ressources de Donald Trump et l’empêcher de faire campagne librement en 2024. Tout l’arsenal judiciaire Démocrate se déploie pour nuire au grand favori dans la course à l’investiture Républicaine, comme quoi, il fait encore frémir l’establishment de « l’Uniparti ». Une victoire de Trump lui donnerait raison au sujet de 2020, du moins pour un vaste pan de l’opinion publique. Elle doit être évitée à tout prix. Quelle meilleure façon y a-t-il, sinon de l’empêcher de se présenter?
La complication du parcours de Trump est un moyen d’inciter les électeurs républicains à privilégier un autre candidat. Sauf que jusqu’à présent, ces ennuis avec la justice n’impactent pas sa popularité – du moins pas négativement. Trump a d’ailleurs déjà dit qu’il serait prêt à faire campagne à partir de prison.
Dans une vidéo publiée la semaine dernière, la commentatrice politique Liz Wheeler faisait remarquer que chaque révélation explosive sur la corruption de la famille Biden est suivie d’une mise en accusation de l’ancien président, comme si on s’en servait aussi comme moyen de faire diversion des pratiques commerciales douteuses des Biden – une sorte d’univers parallèle doublée d’inversion du réel. Le House Oversight Committee venait tout juste d’exposer une affaire de pots-de-vin de 20 millions de dollars impliquant les Biden, des nouvelles dont les médias mainstream sont beaucoup moins prompts à s’emparer. Imaginez si c’était le clan Trump…