Traduit de l’anglais. Texte de Tristin Hopper publié le 2 février 2023 sur le site du National Post
À une époque où les prix des produits alimentaires sont plus élevés que jamais, l’agriculteur ontarien Jerry Huigen doit détruire 30 000 litres de production excédentaire.
Alors que les consommateurs canadiens sont frappés par des taux d’inflation des denrées alimentaires élevés d’une génération à l’autre, un producteur laitier de l’Ontario a posté lundi une vidéo virale documentant la façon dont il était contraint par les autorités fédérales de déverser l’équivalent d’une piscine de lait excédentaire.
«J’ai déversé 30 000 litres de lait, et cela me brise le cœur», déclare le producteur laitier Jerry Huigen dans une vidéo TikTok de cinq minutes qui a déjà été visionnée plus d’un million de fois sur diverses plateformes de médias sociaux.
«Ils nous obligent à le déverser, et cette fois, je vais le rendre public», ajoute-t-il en se tenant à côté d’un tuyau d’évacuation qui déverse du lait sur le sol.
«On ne peut pas le donner à une banque alimentaire, ou à un hôpital, ou à un refuge pour sans-abri. Tout droit sorti de l’égout pour que nous puissions payer 7 dollars le litre de lait.»
Le dumping de lait est en fait une caractéristique régulière du secteur laitier canadien depuis au moins les 50 dernières années, et il est fait très délibérément pour maintenir des prix élevés pour le lait canadien.
Depuis les années 1970, les producteurs laitiers canadiens sont soumis à un cartel sanctionné par l’État qui limite artificiellement l’offre afin de faire grimper les prix et d’assurer la rentabilité des agriculteurs.
Chaque mois, la Commission canadienne du lait dicte la quantité précise de lait à produire au Canada, qui est ensuite respectée par un système strict de quotas de production dans les 10 000 exploitations laitières du pays.
«Des mesures sont en place pour veiller à ce que les producteurs ne produisent pas au-delà de leurs quotas», peut-on lire dans une fiche d’information officielle publiée par le ministère de l’agriculture de l’Ontario.
En même temps, des contrôles stricts aux frontières protègent les producteurs de lait canadiens de la concurrence étrangère.
Les importations de produits laitiers étrangers peuvent être frappées de droits de douane prohibitifs allant jusqu’à 400 %, et les voyageurs s’exposent à des sanctions et à la confiscation par l’Agence des services frontaliers du Canada s’ils rentrent au pays avec trop de fromage dans leurs bagages.
En fait, c’est l’insistance du Canada sur ces contrôles frontaliers qui s’est avérée être le principal obstacle aux efforts canadiens pour conclure des accords de libre-échange avec l’Europe et les États-Unis.
C’est pourquoi le lait canadien est à l’abri des fluctuations de prix habituelles qui affectent les produits d’épicerie. Si les éleveurs de bovins canadiens connaissent une saison particulièrement bonne pour la production de bœuf, l’excédent se traduit par une baisse des prix du bœuf au détail.
Mais les surplus de lait canadien n’existent pas. Comme Huigen l’a montré, tout le lait produit au-delà du quota est simplement détruit. Et c’est ce contrôle de l’offre qui permet aux producteurs laitiers de fixer les prix.
L’année dernière, la Commission canadienne du lait a augmenté les prix du lait de plus de 11 % en 12 mois, s’assurant ainsi que même dans un contexte d’inflation galopante des prix d’épicerie, les prix du lait augmentent plus rapidement que presque tout le reste.
Huigen, qui a grandi dans une ferme laitière en Europe, a déclaré dans la vidéo de lundi que le Canada est le «seul pays» qui oblige les agriculteurs à vendre leur lait lorsqu’ils ont eu une saison exceptionnellement productive. «Mais nous ne sommes pas censés parler de cela», a-t-il ajouté.
Le système de gestion de l’offre serait illégal dans presque tous les autres secteurs de l’économie canadienne. En 2018, par exemple, le Bureau de la concurrence du Canada a accusé certains des plus grands détaillants du pays de commettre des actes criminels après avoir découvert des preuves de collusion pour fixer le prix du pain.
Mais pour les producteurs de lait, ils risquent des sanctions s’ils ne participent pas au système de fixation des prix. Toute vente de lait en dehors du quota fixé par un agriculteur peut entraîner de lourdes amendes, voire la suspension de sa licence de producteur.
«Dites-moi, si vous êtes dans l’industrie porcine, dans l’industrie du bois, dans n’importe quelle industrie sidérurgique, si vous avez 10 % de plus que votre quota et que les temps sont bons… votre petit bénéfice part à la poubelle», a-t-il déclaré.