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Une chanson qualifiée de « raciste » au sommet du palmarès. Qu’en est-il vraiment?

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Depuis le lancement d’un premier album éponyme en 2005, Jason Aldean s’est imposé sur la scène musicale country. 24 de ses succès ont atteint la première place du palmarès country. La vaste controverse que suscite sa nouvelle chanson « Try That in a Small Town » fait carrément l’objet d’une joute de la guerre culturelle. Le morceau a été ajouté à la rotation des radios au format country au mois de mai dernier pour annoncer son onzième album studio. Le premier extrait du prochain disque n’avait d’abord fait qu’une modeste entrée sur le palmarès Hot Country Songs du Billboard, débutant en 35ème position la semaine du 3 juin 2023.

Le vendredi 14 juillet, la sortie de son clip vidéo a aussitôt déclenché une vive polémique sur le contenu lyrique de la chanson, décrié pour promouvoir la violence et le lynchage, ainsi que pour ses implications supposément racistes. Du Rolling Stone, à Variety, au Guardian, à The View, les médias ont été nombreux à condamner vertement la nouvelle chanson d’Aldean. Dans la foulée du tollé, la chaîne Country Music Television a décidé de retirer le clip de la rotation sans fournir de déclaration explicative le lundi suivant. Les réactions tant positives que négatives ont contribué à publiciser la chanson, qui s’est catapultée du #11 au #1 sur le classement iTunes Country Top 40 le lendemain.

Une semaine plus tard, la chanson s’est propulsée au #1 du palmarès Billboard Hot Country Songs, et du même coup effectué une entrée fracassante en 2ème position sur le prestigieux Hot 100 du Billboard, qui répertorie les chansons les plus populaires aux États-Unis, tous genres confondus.

Les détracteurs arguent que les paroles de « Try That in a Small Town » [« Essaye de faire ça dans une petite ville » – ou, en milieu rural] comportent des menaces de violence envers ceux qui manifestent contre la police. Ils avancent aussi que le texte fait allusion à une théorie du complot selon laquelle le gouvernement américain a l’intention de rassembler ses citoyens pour procéder à la saisie de leurs armes à feu. Qu’en est-il?

Les paroles de « Try That in a Small Town » mettent essentiellement en contraste les deux modes de vie, rural et urbain. Il est question d’agissements et de comportements qui auront des conséquences plus graves en milieu rural qu’en milieu urbain. Par exemple, voler le véhicule d’une vieille dame immobilisé à une lumière rouge en utilisant la force ou la violence; braquer une arme sur le propriétaire d’un magasin de chaussures; insulter un agent de police en lui crachant au visage, ainsi que piétiner et incendier le drapeau.

Pourquoi ces agissements auront-ils des répercussions plus sérieuses en région? Parce qu’il existe en milieu rural une solidarité sociale qu’on ne retrouve pas dans les grandes villes: « Around here, we take care of our own » que l’on peut traduire ainsi: « Par ici, nous prenons soin des nôtres  » ou encore, « par ici, nous veillons sur notre communauté ».

La ligne « Try that in a small town, see how far ya make it down the road » [« essayez ça dans une petite ville, voyez jusqu’où vous allez vous en sortir »] peut effectivement être perçue comme une menace, mais à qui s’adresse-t-elle? Soit à des criminels ou à des individus qui profanent le drapeau national. Cette chanson de Jason Aldean dérange alors qu’elle plaide pour la loi et l’ordre.

L’allusion à la saisie des armes à feu par le gouvernement se trouve au deuxième couplet: « Got a gun that my granddad gave me/ They say one day they’re gonna round up/ Well, that shit might fly in the city/ Try that in a small town » [« J’ai un fusil offert par mon grand-père/ Ils disent qu’un jour ils les saisiront/ Ça peut passer en ville/ Essayez ça dans une petite ville »]. Il est question du 2ème amendement de la constitution, que l’Amérique profonde tient à coeur. Le resserrement du contrôle des armes à feu, qui plus est le spectre de leur confiscation, est très impopulaire en milieu rural aux États-Unis. Jason Aldean ne chante rien de faux. [En passant, Jason Aldean est copropriétaire de la société de chasse Buck Commander – qu’il chante les droits des armes à feu et ne veule pas que celles-ci soient confisquées ne devrait étonner personne].

Contrairement à certains autres artistes, Jason Aldean n’a pas éprouvé le besoin de s’excuser face à la controverse. Au contraire, il a défendu la chanson sur les réseaux sociaux, réfutant les allégations d’allusions au mouvement de protestation Black Lives Matter, qu’il a qualifiées de « sans fondement » et de « dangereuses ». « Il n’y a pas une seule parole dans la chanson qui fasse référence à la race ou qui la pointe », a-t-il écrit sur Twitter.

Pourquoi la vidéo a-t-elle soulevé autant d’indignation? En partie parce qu’elle a été tournée devant le palais de justice du comté de Maury à Columbia, au Tennessee l’endroit où, en 1927, Henry Choate, un homme noir, a été lynché à mort puis pendu par une foule qui l’accusait d’avoir attaqué une adolescente blanche de 16 ans. Les producteurs de la vidéo ont déclaré qu’il s’agissait pourtant d’un lieu de tournage populaire dans les environs de Nashville, et que plusieurs films et vidéoclips y ont été tournés, dont la populaire série Hannah Montana du canal Disney.

Un autre irritant de la vidéo, qui lui mérite des accusations de racisme, sont les scènes d’émeutes qui évoquent celles en appui à Black Lives Matter en 2020. Pourtant, les individus qu’on peut voir, soit participer à des manifestations ou prendre part à des actes de violence dans ces courtes séquences qui défilent très rapidement à l’écran ne sont pas majoritairement de race noire. On voit clairement surtout des blancs et des individus masqués dont la race n’est pas identifiable. Si on regarde les séquences au ralenti ou qu’on les met sur pause, on pourra probablement distinguer aussi des noirs, mais elles montrent essentiellement des criminels et des émeutiers. L’amalgame raciste réside ici dans l’oeil des bien-pensants et des militants qui s’indignent.

Sur Twitter, la chanteuse Sheryl Crow s’est montrée très critique à l’endroit du message de Jason Aldean, dont elle n’a vraisemblablement rien compris: « Même les habitants des petites villes en ont assez de la violence. Il n’y a rien de petite ville ou d’américain dans la promotion de la violence. Vous devriez le savoir mieux que quiconque ayant survécu à une fusillade de masse », écrit-elle. Aldean, ne fait aucunement la promotion de la violence. Il émet tout au plus une mise en garde aux individus qui seraient tentés de faire du grabuge dans les petites villes rurales américaines, parce qu’elles sont tissées-serrées. Son allusion à la fusillade survenue lors du festival Route 91 Harvest à Las Vegas en 2017 est hors-sujet. Le 2ème amendement de la Constitution des États-Unis sert de garde-fou pour prévenir l’avènement d’un éventuel État tyrannique. La mention d’un tireur fou n’en dissuadera pas les partisans.

Ne tenant pas secrets ses penchants politiques, Jason Aldean n’appartenait pas au « camp du bien » de toute façon. L’an dernier, sur Instagram, son épouse Brittany avait diffusé un message dans lequel elle s’opposait aux changements de sexe pour mineurs. Outre, Brittany et lui ont célébré les deux derniers passages au Nouvel An en compagnie de Donald Trump à Mar-a-Lago. Trump a d’ailleurs manifesté son enthousiasme envers la chanson dans un message publié sur Truth Social. Les Aldean sont aussi des amis de la commentatrice conservatrice Candace Owens.

L’indignation suscitée par cette chanson peut sembler bien sélective compte tenu de la prévalence de succès rap qui font l’éloge d’activités criminelles, de proxénétisme et de tirs d’armes à feu. On en dénombre qui glorifient la violence des gangs tels que les Bloods et les Crips. Où est l’indignation des chroniqueurs bien-pensants et des militants woke face à ces vidéos de chansons là?

« Try That in a Small Town » n’est peut-être pas d’un grand raffinement lyrique ou musical digne de faire vibrer les plus puristes amateurs du genre, mais ce morceau désigne le réel clivage qui déchire les États-Unis. Il ne s’agit pas tant de l’opposition politique entre états rouges et états bleus, mais d’un affrontement de plus en plus diamétral entre les métropoles mondialisées aux valeurs néo-progressistes et la ruralité patriotique aux valeurs traditionnelles. Après tout, les grosses villes du Texas votent Démocrate, et les zones rurales de l’état de New York votent Républicain.

La musique country est généralement associée aux thèmes traditionnels tels que l’amour, la famille, le travail et la vie rurale. Le genre est davantage apprécié des « rednecks » et des électeurs Républicains parce qu’il est porteur d’une sensibilité conservatrice.

Un regain de la popularité du genre se reflète actuellement sur le Billboard, qui est compilé en fonction de 3 facteurs: les diffusions radiophoniques, les ventes digitales et le streaming. Ayant été tenu à l’écart du sommet depuis juillet 2005, quand Carrie Underwood avait régné une courte semaine avec « Inside your heaven », le country vient de se cramponner au #1 pendant 14 semaines [avec « Last Night » de Morgan Wallen]. La semaine dernière, les 2 premières positions étaient détenues par des morceaux country. Avec l’entrée de « Try That in a Small Town » il y a maintenant trois chansons country dans le Top 5 aux États-Unis. Hasard ou engouement ravivé pour le genre?

Même la très woke CBC/Radio-Canada a été obligée de reconnaître le succès fulgurant de cette chanson dans un récent article!

Quoi qu’il en soit, la chanson d’Aldean est la plus politiquement chargée à faire irruption dans la culture populaire américaine depuis des années. Une pièce de contre-culture qui s’impose comme cri de ralliement du patriotisme américain. Son succès doit être perçu comme une manche victorieuse dans la guerre culturelle.

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