Reuters et Axios nous informaient ces derniers jours du changement de ton au sein de l’OTAN. Selon le secrétaire d’État américain Marco Rubio, l’ensemble des pays membres s’apprêtent à adopter une cible ambitieuse : consacrer 5 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense au cours des dix prochaines années. Un tournant majeur, porté par la volonté politique de Donald Trump et relayé par des figures clés de l’administration américaine actuelle. Si les grandes puissances européennes comme l’Allemagne et la France semblent embarquées dans cette nouvelle dynamique, le Canada, quant à lui, devra opérer une sérieuse révision de cap pour suivre la cadence.
Rubio annonce un consensus vers 5 % d’ici le sommet de juin
Lors d’une apparition à l’émission Hannity sur Fox News, Marco Rubio a affirmé que « pratiquement tous les membres de l’OTAN seront à 2 % ou au-dessus d’ici le sommet » prévu les 24 et 25 juin prochains à La Haye, aux Pays-Bas. Plus encore, Reuters rapporte qu’il a déclaré : « Tous auront convenu d’un objectif de 5 % au cours de la prochaine décennie ».
Cette déclaration survient alors que plusieurs membres influents de l’Alliance, comme l’Allemagne, affichent désormais leur appui à cette exigence portée par Donald Trump. Reuters rappelle que Berlin a non seulement atteint le seuil des 2 % de dépenses militaires en 2024, mais appuie maintenant la trajectoire vers 5 %.
Selon Rebecca Falconer d’Axios, ce virage est le fruit d’une longue pression américaine, notamment lors du sommet de l’OTAN de 2018 où Trump avait vivement critiqué les pays européens pour leur « dépendance » aux États-Unis en matière de défense. Aujourd’hui, Rubio se réjouit : « De nombreux pays seront au-dessus de 4 %, et tous auront convenu de viser 5 %. »
Vers un nouveau seuil stratégique : les 3,5 % + 1,5 %
Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a précisé les contours de cette ambition. Selon Axios, Rutte propose que les pays membres atteignent d’ici 2032 une part de 3,5 % du PIB consacrée aux dépenses militaires directes, accompagnée de 1,5 % additionnels pour des investissements liés à la sécurité (résilience, infrastructures, cybersécurité, etc.).
Rutte a reconnu que le seuil des 2 % est aujourd’hui insuffisant : « Nous savons que nous aurons besoin d’un investissement accru dans nos capacités militaires fondamentales, mais aussi dans des investissements plus larges liés à la défense », peut-on lire dans une déclaration transmise à Axios.
Le Canada à la traîne : un passé de sous-financement militaire
Dans ce contexte, la situation du Canada fait tache. Malgré ses engagements répétés, le pays n’a cessé de rater la cible des 2 % du PIB fixée par l’OTAN en 2014. Pire encore, Reuters rappelle que l’ancien premier ministre Justin Trudeau avait publiquement affirmé en 2023 que le Canada n’atteindrait jamais ce seuil. Il invoquait alors les priorités sociales et climatiques de son gouvernement comme justifications à cette politique.
Sous Trudeau, les dépenses canadiennes en défense ont plafonné autour de 1,3 % à 1,4 % du PIB — un des niveaux les plus bas du G7 — malgré une participation active aux opérations de l’OTAN et un engagement symbolique dans les missions de dissuasion en Lettonie. En 2022, le secrétaire général de l’OTAN de l’époque, Jens Stoltenberg, avait discrètement exhorté Ottawa à « faire davantage » pour respecter ses engagements.
Carney changera-t-il de cap?
L’arrivée de Mark Carney à la tête du gouvernement canadien pourrait-elle inverser la tendance? Ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, Carney se présente comme un gestionnaire rigoureux et internationaliste, mais ses convictions sur les dépenses militaires restent floues.
Jusqu’à présent, son discours s’est concentré sur la stabilité macroéconomique, les réformes fiscales et la transition énergétique. Mais la pression américaine et le réalignement stratégique de l’OTAN pourraient forcer Carney à trancher entre son héritage libéral et les exigences sécuritaires d’une alliance en mutation.
Le Canada, souvent perçu comme un passager clandestin au sein de l’OTAN en raison de ses faibles contributions budgétaires, risque de voir sa crédibilité érodée s’il n’emboîte pas le pas. Car à l’heure où la Russie multiplie les menaces et où la Chine étend son influence, l’OTAN se redéfinit comme une alliance de puissances déterminées, prêtes à investir massivement dans leur défense.
Conclusion : une décennie décisive pour le Canada et l’OTAN
Le virage annoncé par Rubio, confirmé par Rutte et appuyé par des poids lourds européens, marque peut-être la transformation la plus significative de l’OTAN depuis la fin de la guerre froide. Une alliance moins dépendante des États-Unis, mais plus exigeante envers chacun de ses membres.
Le Canada de Carney se trouve donc à la croisée des chemins : poursuivre la tradition de modération budgétaire en matière militaire ou répondre à l’appel de l’Histoire en s’alignant sur une stratégie de défense musclée? La réponse pourrait bien déterminer la place du pays sur l’échiquier géopolitique de la prochaine décennie.