« Quand le sage désigne la Lune, l’idiot regarde le doigt. » C’est un peu l’impression que nous donne une grande quantité de journalistes et « d’experts » depuis quelques années. Aujourd’hui, on en voit pour accuser Poilievre et les conservateurs de tenir des « idées complotistes » en raison de leur condamnation du mondialisme incarné, notamment, dans le Forum économique mondial (FEM). Dans ce qui devrait être des analyses sérieuses, intellectuellement honnêtes et professionnelles, on se perd plutôt dans des acrobaties et des raccourcis intellectuels de bas niveau. C’est à se demander si ces gens ont ne serait-ce qu’un minimum de compréhension de ce qu’est la politique.
La mondialisation et les organisations supranationales n’existent plus, apparemment…
Dans un article absolument médiocre, Mickey Djuric, de la Presse Canadienne, commence de la sorte :
« Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre flirte depuis le début de l’été avec certaines théories complotistes maintes fois réfutées, notamment celle affirmant qu’un groupe de puissants personnages tente d’imposer ses idées au reste de la planète. Par exemple, M. Poilievre a constamment promis, lors de nombreux rassemblements de son parti, qu’aucun de ses futurs ministres n’ira participer aux rencontres du Forum économique mondial s’il devient chef du gouvernement. »
Que veut-il dire par « maintes fois réfutées »? Est-il en train d’affirmer que le Forum Économique Mondial ne réunit pas des puissants personnages pour coordonner certaines politiques à l’international? À quoi sert cette organisation dans ce cas? Et qui s’y réunit? Des groupes de l’âge d’or anonymes pour discuter d’un prochain Bingo?
C’est une tactique assez commune dans les médias de se moquer de certaines appellations ou formulations de phénomènes qui, pourtant, existent bel et bien et sont étudiés sérieusement depuis des décennies dans nos universités.
Le concept d’institutions « supranationales » et le « mondialisme » en son sens large n’ont absolument rien de complotiste. Djuric aurait-il raté les 70 dernières années, où L’ONU, l’OMS, la Banque Mondiale, le FMI, le FEM, L’UE, l’ALENA, l’ASEAN, l’OTAN, les différents G8, G7, G20, et autres grandes organisations sont devenues incontournables dans la structuration de l’ordre international? A-t-il manqué le moment de « l’ouverture du monde » dans les années 90, où toutes les réflexions se tournaient autour de l’accélération rapide de la mondialisation?
A-t-il manqué les centaines de milliers de pages écrites par des chercheurs dans des universités partout sur terre qui se questionnaient sur les impacts de cette « mondialisation », en particulier sur l’indépendance des États Nationaux? A-t-il raté l’acuité de ces préoccupations en ce qui a trait au modèle de l’Union Européenne et de l’extension constante de ses cours de justice sur les systèmes de justice nationaux? A-t-il raté les préoccupations de la désindustrialisation occidentale? A-t-il raté tous ces sommets sur l’environnement qui contraignent les gouvernements à des politiques de transition agressives?
En fait, la question serait plutôt : M. Djuric prend-il les Canadien pour des idiots, des gens arriérés qui n’ont pas pris conscience de l’évolution du monde depuis 70 ans? Ou bien est-il lui-même un peu simple, et dans un militantisme crasse, en vient à ne plus être capable de cerner le réel?
Le seul argument de Djuric pour nous confirmer qu’il est complotiste de promettre de se retirer du Forum économique mondial, c’est de dire que le Canada y participe depuis de nombreuses années. Eh bien, pour la profondeur de l’analyse, on repassera. Ce serait drôle si ce n’était pas si grave : nier le réel de la sorte et se targuer de faire de l’information de qualité pour un média grand public est beaucoup plus dangereux que les publications Facebook de quelques écervelés complotistes.
L’identification numérique n’existe pas non plus, apparemment…
Ensuite, Djuric se penche sur le refus et la condamnation de plans pour une éventuelle identification numérique par Poilievre : « En ce qui concerne l’identification numérique, le gouvernement fédéral a examiné la technique pour créer un document national d’identification numérique afin d’aider les Canadiens à accéder aux services gouvernementaux. Il n’a pas été promu comme quelque chose qui deviendra obligatoire. »
Donc l’entièreté de son argumentaire est de dire : il y a des plans pour ça, mais ce ne sera pas obligatoire, alors c’est complotiste de dire que ça le sera.
Encore une fois, quelle naïveté : un aspect de la politique, c’est précisément que ça peut changer extrêmement vite.
Et d’abord, j’ai quand même le souvenir d’un plan d’identité numérique obligatoire au provincial qui était censée être mis en application l’été dernier. Suis-je complotiste d’avoir pris Éric Caire et le gouvernement Legault au mot? On nous disait simplement que la reconnaissance faciale ne serait pas obligatoire – sous-entendant que le reste le serait. C’est bien juste l’incompétence d’Éric Caire qui nous a épargné.
De toute façon, il serait aussi extrêmement naïf de nier l’influence grandissante du transhumanisme sur nos sociétés « 2.0 ». Il n’y a rien de complotiste à affirmer des doutes et des réticences. Diantre! Ce « journaliste » n’a pas vu l’ascension de l’intelligence artificielle cette année? Tous les scénarios de science-fiction les plus dystopiques semblent de plus en plus vraisemblables, et on ose nous traiter de complotiste pour avoir des inquiétudes?
Je me souviens aussi du passeport vaccinal obligatoire et de l’ostracisation violente d’un large partie de la société…
Comme argument, Djuric contourne complètement le sujet : « L’hiver dernier, une théorie du complot circulant sur les réseaux sociaux suggérait que M. Trudeau allait obliger les provinces à se connecter à des systèmes d’identification numérique pour leurs résidents afin d’obtenir des milliards de nouveaux fonds pour les soins de santé. Ces affirmations ont également été réfutées. »
Et où est-ce que Poilievre a parlé de cette théorie du complot, M. Djuric? En quoi est-ce pertinent ici, en dehors d’un objectif de salissage à peine caché?
Il poursuit pour citer Duane Bratt, professeur de sciences politiques à l’Université Mount Royal, en Alberta, qui « rappelle que les théories du complot existent depuis fort longtemps. Toutefois, elles sont rarement poussées de l’avant par quelqu’un qui aspire réellement à devenir premier ministre un jour. »
Vous parlez de ce que vous accusez faussement d’être des théories conspirationnistes, ou bien de celles que Poilievre ne tient carrément pas?
Des « experts » de pacotille
En ce qui a trait à l’autre chercheur mobilisé, Kawser Ahmed, professeur de sciences politiques à l’Université de Winnipeg et « expert sur les théories du complot », ça ne vole pas bien haut non plus.
Il affirme d’abord que « le nombre de théories du complot et leur adhésion par la population ont commencé à augmenter après l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis, aidées par les médias sociaux et les applications de messagerie cryptées. »
C’est drôle, j’ai un souvenir différent : c’est à ce moment que journalistes et bouffons académiques se sont mis à nier la mondialisation et les organisations supranationales qui la sous-tendent. C’était aussi le même genre de dynamique que lorsque Trump attaquait le « Deep State », une appellation simplement plus punchée que « l’État administratif », qui, tout comme la mondialisation, est étudié depuis des décennies dans les universités et reconnu à raison comme une force politique au sein des États.
Encore une fois, l’attroupement d’idiots se moquent du doigt qui pointe la Lune.
Ahmed, professeur d’une science molle, poursuit ensuite en faisant valoir l’importance de la scientificité : «Il y a beaucoup d’idées qui se répandent maintenant dans le courant dominant et qui ne sont tout simplement pas étayées par la science, des preuves ou des faits, a-t-il dit. Mais cela n’a pas d’importance, et certains de ces politiciens ont été élus, comme l’actuelle première ministre de l’Alberta.»
Il explique ainsi que Danielle Smith est d’accord avec Poilievre au sujet du forum économique mondial. J’aimerais bien qu’il m’explique, quelle formule scientifique, quelle loi de la nature, quelle expérimentation empirique peut déterminer si oui ou non, nous devons adhérer au Forum Économique Mondial et à ses positions? Quelle science occulte pratique-t-il pour avoir l’audace d’affirmer que des politiciens n’auraient pas le droit d’émettre d’opinion sur la structuration actuelle de l’ordre mondial?
Cet homme est vraiment professeur de Science Politique? Et il ose nier la réalité la plus élémentaire du politique, à savoir qu’il s’agit de l’organisation du pouvoir, et que si un peuple décide de donner le pouvoir à un candidat qui veut se retirer des institutions internationales, c’est empiriquement possible, et c’est éthiquement défendable?
Comble de l’ironie, M. Ahmed conclut en affirmant que « cela affecte notre démocratie puisqu’on oppose désormais les groupes les uns aux autres, on crée des soupçons et on porte atteinte à la sécurité nationale en diffusant des fausses erronées. [sic] » Ouais… Dit le gars qui priorise les intérêts supranationaux – qui sortent, par définition, du cadre démocratique, qui se situe plutôt au niveau national – et qui accuse une moitié de la population canadienne d’être complotiste!
Avec des démocrates prétentieux et élitiste comme ça, l’autoritarisme peut aller se rhabiller…