Avec le temps, le modus operandi de Justin Trudeau au sujet de l’immigration au Québec devient de plus en plus clair : sans aucune considération pour les positions existantes dans la province, il émet d’abord une opinion grossièrement déconnectée, tout ça pour ensuite feindre l’innocence et réaffirmer qu’il revient à la province de décider.
En d’autres termes, Justin Trudeau se fout éperdument de l’opinion des Québécois sur cette question et continue d’entretenir un dialogue de sourds pour implanter ses idées de manière indirecte.
Suite à la dernière campagne électorale au Québec, Trudeau s’était empressé de demander au Québec d’accepter davantage d’immigrants, et ce, après des semaines de débats entre les partis où l’opinion majoritaire était le maintien des quotas actuels ou bien une diminution.
Trudeau n’avait que faire du choix démocratique des Québécois, qui venaient tout juste d’élire un parti frileux à l’idée d’augmenter l’immigration… Lui, il voulait l’augmenter. Point.
Hier, dans une dynamique semblable, il affirmait que le Québec devrait faire entrer 112 000 immigrants par année pour maintenir son poids politique au sein du Canada. Feignant l’innocence, comme s’il n’était pas au courant que même le parti le plus à gauche au Québec n’ose pas parler de plus de 80 000 immigrants par année, et que le parti au pouvoir, solidement installé sur ses 90 sièges, cherche plutôt à diminuer l’immigration, Trudeau, encore une fois, arrive comme un cheveu sur la soupe avec des chiffres complètement déconnectés de la réalité.
Ne soyons pas dupes ; il sait très bien que sa position apparaît comme une absurdité d’un autre monde dans le contexte québécois… Mais voilà tout, il a un plan – la Century Initiative – et se fout de notre opinion ; il ne fait que nous préparer à accepter cette nouvelle position comme normale dans notre débat public.
En émettant ses déclarations au mépris du contexte québécois et des positions préalablement discutées, il élargit la « fenêtre d’Overton » (ce qui est considéré comme moralement discutable en société). Ainsi, au lieu d’un débat entre le seuil de 50 000 immigrants par années de la CAQ et l’augmentation du seuil à 80 000 par QS, du jour au lendemain, on parle maintenant d’un débat entre les 50 000 à Legault et les 112 000 à Trudeau!
De la vraie magie!
Reste ensuite à reculer, réaffirmer le droit de regard du Québec sur la question, et, plus tard, répéter le processus jusqu’à ce que l’idée soit bien implantée.
Ce n’est donc pas sans raison que la classe politique québécoise accueille ces déclarations avec une grande irritation. Hier, la ministre de l’immigration du Québec Christine Fréchette rappelait à Ottawa la situation particulière du Québec :
« Le Québec a un double défi, qui est unique au Canada : réduire la pénurie de main-d’œuvre, tout en freinant le déclin du français, ce à quoi M. Trudeau semble rester insensible »
Du côté du PQ, Paul Saint-Pierre Plamondon semblait partager cette opinion selon laquelle Trudeau n’accorde pas d’importance à l’opinion des Québécois : « le gouvernement canadien fait le sourd face à la situation linguistique et démographique du Québec et cherche encore à lui imposer sa vision trudeauiste de l’immigration ».
Bref, Trudeau apparaît comme complètement déconnecté de la situation québécoise et son obstination le font paraître pour quelqu’un de profondément dogmatique. Dans son agenda, il n’y a pas de place pour autre chose que ces planifications technocratiques du style de la Century Initiative ou autres lubies du forum économique mondial.
Si le vieillissement de la population et la pénurie de main d’œuvre est un débat légitime, le réduire strictement au débat sur l’immigration est extrêmement simpliste et empêche de prendre en compte les enjeux culturels et identitaires. D’autres avenues sont pourtant possibles, comme de véritables incitatifs à la natalité et la robotisation.
Enfin, la ministre de l’immigration du Québec avait tout à fait raison de ramener le premier ministre canadien à l’ordre, lui disant qu’il devrait plutôt « régler des problèmes concrets, comme de s’attaquer au taux de refus encore trop élevé d’étudiants africains francophones et indemniser le Québec pour les arrivées massives par le chemin Roxham »