Diversité forcée : les médias locaux soumis aux quotas du CRTC

D’après un article de Jamie Sarkonak publié dans le National Post le 10 juillet 2025

Jamie Sarkonak tire la sonnette d’alarme : le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) s’immisce désormais dans les décisions éditoriales des médias locaux, menaçant directement leur indépendance journalistique. Dans un article percutant publié dans le National Post, la journaliste dénonce les nouvelles règles imposées par le régulateur fédéral, notamment l’ajout d’incitatifs à la diversité dans un fonds de 18 millions de dollars destiné aux nouvelles télévisées locales.

Depuis 2016, le Fonds pour les nouvelles locales indépendantes soutenait financièrement les stations privées de petits marchés, sans exigence idéologique. Les radiodiffuseurs versaient une petite part de leurs revenus (0,3 %) dans cette cagnotte, laquelle permettait de couvrir jusqu’à 70 % des coûts des salles de presse locales, selon les observations du spécialiste Howard Law cité par Sarkonak. Mais en juin dernier, le CRTC a ajouté une série d’incitatifs fondés sur des critères de diversité démographique et identitaire.

Selon Jamie Sarkonak, cela transforme profondément la mission du fonds. Désormais, pour qu’un contenu soit admissible à une part du financement, il devra être produit pour des communautés « sous-représentées » — qu’elles soient autochtones, issues de minorités visibles ou linguistiques, ou encore identifiées comme « méritant l’équité » — et montrer visiblement leurs membres à l’écran. Il ne suffira plus de produire de l’information locale ; il faudra le faire dans une perspective identitaire.

La journaliste se demande si les stations devront désormais prioriser un festival culturel ethnique pour obtenir des fonds, plutôt qu’un fait divers local ou une réunion du conseil municipal. Elle prévient : « Le CRTC n’a rien à faire dans de telles décisions rédactionnelles. » Pour elle, ce glissement bureaucratique du CRTC vers des considérations idéologiques est inacceptable et équivaut à imposer une forme de journalisme militant.

Jamie Sarkonak rappelle que ces nouvelles orientations sont issues de l’interprétation élargie de la Loi sur la radiodiffusion, modifiée après l’adoption de la controversée Loi sur la diffusion en continu en ligne de 2022. Ce texte a renforcé l’exigence selon laquelle le système de radiodiffusion canadien doit « soutenir une programmation communautaire qui reflète la diversité ethnoculturelle et autochtone des communautés desservies ».

Or, comme le note Sarkonak, cette logique de quotas n’existait pas auparavant. Jusqu’en 2013, le CRTC refusait même de songer à imposer des quotas régionaux, considérant cela comme une atteinte à la liberté de la presse. Ce changement de paradigme, selon elle, coïncide avec les gouvernements libéraux successifs, qui ne contrôlent pas directement le CRTC, mais nomment ses commissaires et définissent les grandes lignes de sa mission.

En 2022, cette logique s’est imposée aussi à Radio-Canada : le CRTC a obligé la société d’État à consacrer 30 % de son budget de production télévisuelle anglaise à des producteurs « diversifiés », quota qui passera à 35 % en 2026. Le versant francophone aura son propre quota, fixé à 15 % l’an prochain. Jamie Sarkonak y voit une « intrusion propagandiste » du gouvernement dans l’autonomie des salles de rédaction.

Autre exemple, en 2024, le CRTC a commencé à prélever 5 % des revenus générés au Canada par les géants du numérique comme Spotify, Netflix et YouTube, pour financer notamment le Fonds des médias du Canada et d’autres initiatives marquées par l’agenda DEI (diversité, équité, inclusion).

Cette croissance incontrôlée des fonctions du CRTC a un coût, souligne la journaliste. Depuis 2016, le nombre d’employés de l’organisme est passé de 450 à 733, une augmentation de 63 %. Ce fardeau administratif se répercute sur les entreprises, qui doivent embaucher plus de personnel pour se conformer aux nouvelles exigences. Ultimement, ce sont les consommateurs qui en paient le prix.

Mais la question essentielle posée par Jamie Sarkonak reste entière : cette hyperréglementation améliore-t-elle réellement le paysage médiatique canadien ? À ses yeux, la réponse est non. Au contraire, elle contribue à le détériorer, en dénaturant la mission des journalistes, qui ne devraient jamais avoir à ajuster leurs choix de couverture pour plaire à un programme de subvention gouvernemental.

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