Hier, le gouvernement du Québec a annoncé vouloir empêcher les municipalités de faire cavalier seul en bannissant l’usage résidentiel du gaz naturel sur leur territoire. Un pas dans la bonne direction, considérant les risques élevés de se retrouver en déficit énergétique dans les prochaines années.
Le Québec ne peut se permettre une transition chaotique
C’est une chose que les activistes pressés qui poussent toujours pour plus de politiques radicales devront comprendre : à force de vouloir aller trop vite et d’imposer des politiques intransigeantes, on risque de retourner bien loin en arrière. C’est particulièrement vrai pour l’énergie.
Car en cas de déficit d’énergie et de pannes, les populations retournent instantanément à des sources d’énergies beaucoup plus polluantes telles que les génératrices à essence, le bois de chauffage, le charbon, ou carrément des ordures, comme ce fut le cas en Pologne en 2022. Ainsi, mettre la sécurité énergétique d’un pays à risque pour des objectifs de transition pose le risque de déstabiliser la société d’une manière telle qu’elle s’en retrouve à polluer encore davantage. C’est complètement contre-productif.
C’est un peu dans cet esprit que le gouvernement a voulu mettre un terme à cette tendance grandissante chez les municipalités québécoises à vouloir bannir le gaz naturel. En 2023, Hydro-Québec avait dû émettre un avertissement expliquant qu’une contagion de ce genre de bannissement à la grandeur de la province serait une catastrophe, car la société d’État ne disposerait pas d’assez d’énergie pour subvenir aux besoins des Québécois.
On peut voir en cela les conséquences d’une forme de paranoïa climatique qui tend à justifier tous les moyens entrepris, de l’individuel jusqu’au collectif, et qui a donné au palier municipal une toute nouvelle raison d’être ces dernières années. En effet, la proximité du palier municipal avec les enjeux de transports, de construction et de développement du territoire en ont fait des véhicules particulièrement appropriés pour l’activisme environnemental. Au point de dépasser les bornes.
Car si le principe de « chacun doit faire sa part » fonctionne pour bien des gestes de la vie quotidienne, un manque de coordination et de compréhension des implications nationales de certaines de ces décisions municipales peuvent signifier la catastrophe. C’est le cas dans le secteur de l’énergie, puisque les capacités énergétiques de la province concernent toute la population québécoise, et non pas chaque ville au cas par cas.
Le gouvernement a donc toutes les raisons de mettre son pied à terre et réimposer sa prééminence quand vient le temps de prendre des décisions en matière de transition énergétique. Et il a tout à fait raison de vouloir empêcher le bannissement désordonné du gaz naturel sur son territoire.
Le gaz naturel est une énergie de transition
D’autant plus qu’on semble trop souvent l’oublier, mais le gaz naturel est considéré comme une énergie de transition, parce qu’il s’agit d’un très bon substitut au charbon ou au lignite qui sont encore utilisés dans de très nombreuses régions du globe. C’est donc dire qu’on essaie de laver plus blanc que blanc au Québec en tâchant de bannir cette énergie de transition qui, en plus, se couple de manière croissante avec des technologies de captage de carbone, réduisant parfois à 0 les émissions totales de GES.
De la sorte, l’acharnement du Québec et du Canada contre le gaz naturel est complètement contre-productif dans le contexte mondial. Par exemple, si Québec n’avait pas empêché la construction de GNL Québec ou l’exploitation et l’exportation du gaz naturel sur son territoire dans les dernières décennies, il aurait pu soutenir de manière beaucoup moins polluante ses alliés européens qui vivaient une crise énergétique de grande ampleur en raison de la guerre en Ukraine. En refusant de les aider, nous les avons forcés à renouer avec le charbon, et même dans certains cas comme en Roumanie, à sacrifier des forêts centenaires pour en faire du bois de chauffage.
Et c’est sans compter une accumulation d’externalités négatives qui ne nous viennent pas tout de suite à l’esprit. Par exemple, face au refus canadien de contracter une entente d’approvisionnement en gaz naturel dans le nord de l’Europe, une entente a été conclue avec le Qatar, allongeant significativement la route des méthaniers jusqu’à leur destination, et contribuant encore davantage aux gaz à effet de serre. Un approvisionnement Canadien, qui n’aurait eu qu’à traverser l’Atlantique nord, était beaucoup plus logique et moins coûteux sur le plan environnemental… Mais le Canada était trop vert pour ça, apparemment. Sans parler des enjeux éthiques relatif au financement de régimes qui se font peu de souci des droits de l’homme…
Autrement dit, en voulant être plus verts que le reste du monde, le Québec et le Canada agissent de manière égocentrique et nuisent à l’environnement dans le reste du monde. Aucune de leurs politiques vertes à l’interne ne peuvent compenser les conséquences de leur refus d’aider le reste du monde dans sa transition du charbon au gaz naturel.
Une première victoire contre le bannissement de la prospection et de l’exploitation des hydrocarbures au Québec
C’est aussi pour cette raison que la récente victoire de Questerre dans sa poursuite contre le gouvernement du Québec devant la Cour supérieure, le 25 janvier dernier, est une très bonne nouvelle. En effet, l’entreprise œuvrant dans l’exploitation du gaz naturel avait poursuivi le gouvernement du Québec pour faire valoir son droit à la propriété, protégé par la charte des droits et libertés du Québec, contre la loi caquiste bannissant toute nouvelle prospection ou exploitation d’hydrocarbures au Québec.
Considérant que ce bannissement expéditif, après des années d’investissement faramineux par les entreprises affectées, constituaient une forme d’expropriation camouflée, le juge en charge de l’affaire a décidé de suspendre le bannissement des activités de prospection pour le reste des procédures légales. De plus, il a relevé l’aspect « circulaire » de l’argument principal de la défense, qui affirmait que si le Code civil et la Charte des droits et libertés protégeaient bel et bien les citoyens et les entreprises contre l’usage déraisonnable des pouvoirs gouvernementaux, ces mêmes pouvoirs donnaient néanmoins droit au gouvernement d’outrepasser les dispositions de ces chartes. Ce qui ne fait aucun sens et réduirait à néant les protections offertes par le Code civil et la charte.
Malgré le fait qu’il ne s’agisse que d’une suspension temporaire du bannissement des activités de prospection, Questerre voit ce jugement d’un bon œil, car ça signifie essentiellement que le gouvernement ne pourra pas mettre en application son bannissement pour le moment. L’entreprise garde espoir que le gouvernement revienne sur sa décision de bannir unilatéralement l’exploitation des hydrocarbures et pense que cette décision saura lui faire entendre raison.
Quoiqu’il en soi, ces récentes nouvelles concernant le gaz naturel mettent en relief un côté un peu ironique du gouvernement Legault ; alors qu’il voulait bannir le gaz naturel au Québec, il se retrouve à empêcher les municipalités de le bannir. Et maintenant, même sa loi sur la prospection et l’exploitation est remise en question. On ne peut s’empêcher d’y voir les résultats de politiques de transition mal avisées et quelque peu prématurées. Le gouvernement a poussé de nombreux acteurs de la société à chambouler complètement les modalités de notre approvisionnement énergétique, et désormais, il en paie les conséquences. À ce stade, à la place de bannir les bannissements, on en vient à se demander s’il ne serait pas plus approprié de simplement rouvrir la porte au gaz naturel et cesser de s’acharner contre une énergie qui pourrait être une alliée dans la transition énergétique à l’échelle mondiale.