Ottawa s’apprête à criminaliser les thérapies de réorientation offertes aux personnes mineures. Ce qui m’inquiète, c’est que l’État s’infiltre de plus en plus dans la vie privée des citoyens canadiens.
Sur la question de l’identité du genre ou de l’orientation sexuelle de leur enfant, les parents doivent avoir le droit de décider en fonction de son bien. Or, le projet de loi C-8 a pour but de de bannir les thérapies qui visent à accompagner des jeunes en lutte avec l’homosexualité et l’identité de leur genre, même si leurs parents jugent qu’elles pourraient être profitables. Si certains d’entre ces jeunes subissent de la pression face à leur hétérosexualité, est-il possible qu’ils puissent avoir recours à des services qui correspondent à leurs besoins?
La suprématie étatique
Qu’on débatte de la pertinence de ces thérapies, je suis d’accord, mais que l’État décide au nom des parents, j’avoue que ça m’inquiète. Le projet de loi C-8 génère un questionnement nécessaire sur cette pratique plutôt envahissante de l’État. Quelle sera la prochaine thérapie que l’État interdira aux jeunes? Une thérapie qui les aiderait à gérer leur agressivité au bénéfice d’une médicamentation ou bien une thérapie qui concerne la maîtrise de leurs émotions au profit d’une molécule chimique? Jusqu’où ira l’État?
Christopher J. Ferguson, professeur associé et directeur du département de psychologie à l’Université Stetson en Floride, se questionne à cet effet. Pour lui, les thérapies de conversion ne sont pas un moyen optimal, mais s’y attaquer est contre-productif. Il comparait, dans le Time, les thérapies de conversion aux thérapies par électrochocs. Oui, celles-ci ont une mauvaise réputation, mais elles se sont néanmoins révélées utiles et efficaces dans certains cas. Sa réflexion m’amène à me questionner sur la pertinence de criminaliser des thérapies si peu utilisées.
Laisser les parents discerner ce qui est bon pour leur enfant
Les jeunes se cherchent, et parfois leur ambivalence peut inquiéter les parents. Il est tout à fait normal qu’un papa ou une maman consulte un spécialiste pour que leur enfant bénéficie des meilleurs outils pour se développer. Dans certains cas, il s’avère important d’avoir l’avis d’un expert pour s’assurer que son enfant se fixe sur son identité sexuelle et pour éviter qu’il ne se base que sur ses expériences subjectives pour en décider. Par ailleurs, si un jeune ne se sent pas à sa place, il ne collaborera pas, et tout professionnel le détectera assez rapidement.
Une approche positive
Soyons clairs, je suis de ceux qui croient que notre responsabilité en tant que citoyens est de contribuer individuellement à protéger la dignité humaine et l’égalité de tous les Canadiens, et à décourager toutes pratiques néfastes et dégradantes. Sans contredit, toute thérapie mal orientée, quelle qu’elle soit, peut nuire au développement d’un individu et n’a pas sa raison d’être. Toutefois, s’il fallait criminaliser toutes les thérapies qui n’ont pas produit les résultats escomptés, la liste des projets de loi serait longue.
J’avoue que certaines thérapies sont plus efficaces que d’autres, étant plus appropriées au problème qu’elles sont censées traiter. Faire appel à ce qu’on appelle une thérapie de conversion, de réorientation ou d’identification sexuelle est une entreprise qui doit être prise bien au sérieux. Les parents doivent être conscients qu’ils engagent un professionnel pour les aider à faire le point. S’il est incompétent ou peu concerné par le cheminement du jeune en questionnement sur lui-même, il peut lui faire plus de mal que de bien.
Si certaines thérapies comportent des risques, pourquoi l’État n’exigerait pas plutôt que les intervenants soient formés adéquatement pour répondre aux besoins fondamentaux des jeunes, plutôt que de priver ceux qui ont un réel besoin de cet accompagnement? Pourquoi ne pas exiger que les risques soient identifiés et révélés dès le début de la thérapie, afin que le consentement du traitement ou son refus soient faits de façon éclairée.
C’est pourquoi l’État établit des normes sur la formation d’un intervenant et sur son titre. Un thérapeute n’est pas un psychologue, et un accompagnateur n’est pas un thérapeute. Le gouvernement a la légitimité d’exiger que les intervenants aient une formation adéquate. Sur cette question, l’État opère dans son jardin. Au contraire, lorsqu’il empêche un parent de faire le point avec des intervenants et qui cherche à comprendre le cheminement ou l’orientation sexuelle de son enfant, il y a un danger imminent d’ingérence étatique. C’est là que la lumière rouge s’allume sur le tableau de bord.
Le statut de la personne mineure
Au Canada, les enfants ont évidemment le droit d’exprimer leurs opinions et leurs désirs. Ce droit ne veut pas dire que les enfants détiennent une autorité qu’ils peuvent imposer aux adultes. Sous la juridiction fédérale, ce sont les parents qui ont le pouvoir légal de décider pour leur enfant. Le Québec va dans la même direction. Effectivement, Éducaloi nous rappelle qu’une personne mineure « […] ne peut pas exercer ses droits de la même façon qu’un adulte, puisqu’elle est soumise à la tutelle et à l’autorité parentale ».
Pourquoi alors l’État interdirait-il aux parents d’inscrire leur enfant dans une démarche qui l’aiderait à résoudre les questions concernant son identité? Assurément, de bons parents se soucient des conséquences de leurs décisions sur leurs enfants. C’est là l’enjeu de l’éducation et de la prévention. À cet effet, l’État a définitivement un rôle à jouer.
Une loi idéologique
Quand des adolescents ou de jeunes adultes se sentent inconfortables avec le sexe de leur corps, on leur permet d’entreprendre une démarche pour changer de sexe. Toutefois, lorsqu’un jeune remet en question son orientation et désire faire appel à un intervenant pour l’éclairer dans son choix de réorientation, cette entreprise deviendrait criminelle ! Avouons que c’est difficile à comprendre. Le projet de loi C-8 nous montre que l’État veut prendre trop de place dans la vie des familles et empêche des parents d’avoir recours à des services qui peuvent être utiles à leur enfant.
Dans un État de droits
L’État s’ingère encore une fois dans une sphère qui ne relève pas de sa juridiction. Après, quelle sera la prochaine étape? Qui déterminera ce qui est bon pour l’enfant, l’État, l’opinion publique? Les parents doivent avoir le droit de recourir à ces thérapies pour leur enfant, c’est une question de liberté. Une fois adulte, ce sera lui-même qui assumera ce qu’il est, et là les parents n’auront plus les mêmes droits, ils devront apprendre à laisser leur enfant assumer ses décisions et l’orientation de son cheminement.
Si l’on veut vivre dans un État de droits, on doit respecter les droits, les devoirs et les responsabilités de chacun, avec les bons et les moins bons côtés que cela comporte. Un de ces jours, donner trop de pouvoir à l’État risque de nous jouer des tours dans le détour. C’est à se demander si les enfants appartiennent encore aux parents ou s’ils sont en voie d’appartenir à l’État…
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