La motion de Catherine Fournier révèle encore une fois que nos élus ne veulent pas faire la part des choses. Ils préfèrent punir tout le monde et promouvoir les dogmes de la pensée unique.
La question n’est pas à savoir si l’État doit interdire les théories du complot ou la croyance aux soucoupes volantes. Non, l’État doit sévir contre ceux qui profèrent des menaces de mort, qu’ils soient complotistes, antimasque, promasque, athées, agnostiques, pro ou anti-Loi sur la laïcité de l’État, barslowites ou autre.
Néanmoins, la motion déposée par Catherine Fournier ouvre la porte à une autre façon de procéder. En fait, elle propose de mettre tout le monde dans le même panier. Voici le contenu de cette motion qui a été entérinée par tous les partis réunis à l’Assemblée nationale du Québec :
« Que l’Assemblée nationale dénonce toutes formes de menace à l’endroit des scientifiques, des journalistes et des élus, dont le premier ministre ; qu’elle rappelle l’importance du respect des mesures sanitaires mises en place par la Santé publique dans la lutte contre la COVID-19 ; qu’elle reconnaisse que la montée du phénomène complotiste au Québec est préoccupante et nécessite des actions concertées entre la société civile et les autorités publiques. »
Oui à la vertu, non à l’abus
Jusque-là, on dirait un vœu pieux. Cependant, les propos qu’a ajoutés la représentante des électeurs du comté de Marie-Victorin, dans ce communiqué publié sur le fil d’information du gouvernement du Québec, s’avèrent inquiétants :
« […] Il est urgent que les autorités publiques, de concert avec les acteurs spécialisés en la matière au sein de la société civile, mettent en place des actions concrètes pour freiner la radicalisation d’une certaine frange de la population et prévenir la montée du phénomène à la source. Cela passe notamment par le financement de la recherche sur le sujet et le déploiement de campagnes d’alphabétisation scientifique à grande échelle. Il faut, en outre, accorder une attention particulière à la confiance des citoyens envers nos institutions. Nous devons absolument l’améliorer par des réformes démocratiques et plus de transparence. »
De quel type de radicalisation est-il question ? Évidemment, celle de ceux qui remettent en question la façon d’aborder la propagation de la Covid-19. En d’autres mots, on veut museler les personnes qui n’adhèrent pas à la pensée unique.
Le prétexte : l’intimidation et les menaces de mort qui ont été proférées par de supposés adhérents au réseau des complotistes. Si cette logique est la bonne, il aurait fallu, en 1970, infiltrer le Parti québécois pour sévir contre René Lévesque, Gilles Grégoire et Pierre Bourgeault puisque la mission du Front de libération du Québec (FLQ) était l’indépendance. Au lieu de punir les terroristes du temps, on aurait puni les dirigeants du mouvement indépendantiste. Il me semble que c’est jeter le bébé avec l’eau du bain, non ?
Applicable pour la Loi sur la laïcité de l’État
Si la logique actuelle de l’Assemblée nationale est la bonne, ne devrait-on pas l’appliquer également aux défenseurs de la Loi sur la laïcité de l’État ? Si, par exemple, un individu profère des menaces de mort envers une islamiste qui veut porter le voile là où la loi en question l’interdit, doit-on abolir cette loi qui est à l’origine de cette haine insidieuse ? Se poser la question, c’est y répondre. Pourquoi alors cette logique ne s’applique pas dans le sujet qui nous concerne ?
Punir les croyances ou les malfaiteurs
Une fois de plus, l’Assemblée nationale ne veut pas toucher au nerf de la guerre. Au lieu de punir uniquement les méchants hargneux, elle opte pour l’approche gauchiste du « one size fit all » qui s’appliquera à tous, indépendamment des circonstances et des droits protégés par nos chartes. En fait, on veut punir des gens à cause de leurs croyances alors qu’on devrait uniquement s’en prendre aux méchants perturbateurs. Au bout du compte, ce sont ceux qui manifestent paisiblement en fonction de leur conscience qui vont en subir les conséquences, parce que, comme le dit si bien Mathieu Bock-Côté, ces militants ne sont pas tous des épais !
Si cette motion, qui a reçu un consentement sans débat, arrive à la constitution d’une cellule de crise qui visera à sévir contre ceux qui tentent de faire des liens entre des personnes influentes et la gestion de la pandémie, je me demande dans quelle nation nous vivons. L’État n’a pas à s’ingérer dans les croyances des individus et des organisations.
Je ne crois pas aux soucoupes volantes, même si certains prétendent en avoir vu. Toutefois, la dernière chose que je voudrais, c’est de mettre en prison quelqu’un qui croit en ces théories. Qu’on punisse les brutes, les barbares, les gens irréfléchis qui profèrent des menaces de mort, soit. Cependant, qu’on ne le fasse pas sous prétexte qu’ils croient autre chose que la majorité…
Des croyances intégrales
Si l’État doit jouer à la police des croyances, il détient alors l’autorité d’affirmer qu’une vision du monde est meilleure qu’une autre. Donc, il aurait le droit d’instaurer la culture intégrale de la pensée unique. Si les valeurs et les croyances de l’État ont préséance sur celles des concitoyens, on ne vit plus dans un pays libre. Dans ce cas, le Parlement du Canada devrait reconnaître la suprématie de Dieu dans la Charte des droits et libertés, enchâssée dans la Constitution de notre pays, comme étant transférable à l’État, ce qui serait une aberration.
Viser le bien commun
Je dis oui à la punition de ces voyous qui profèrent des menaces de mort ou qui tentent d’intimider. Non, à punir les concitoyens parce qu’ils n’adhèrent pas au concept de la pensée unique. Les Québécois ont le droit de poser des questions et de manifester paisiblement leur insatisfaction. Bon nombre de ceux qui s’opposent à la façon de gérer l’introduction de la Covid-19 dans la société recherchent, à leur façon, le bien commun. S’ils sont si sots, si ignares, inaptes à faire partie de l’élite, pourquoi ne pas les inviter à débattre avec les protecteurs de la bienséance contemporaine. La population constaterait d’elle-même qu’il s’agit d’insensés, et le mouvement se dissiperait par lui-même. Au lieu de voir les bienfaits d’une culture de débat et de punir ceux qui dépassent largement les bornes avec leurs menaces de mort, l’Assemblée nationale s’unit pour démanteler un réseau de concitoyens de bonne foi. Pour moi, ça n’a pas de sens, puisque dans un Québec démocratique, il n’y a pas de place pour la pensée unique.