Mark Carney : un parti des élites – 5 millions de dollars venus des banquiers, milliardaires et quartiers les plus riches du pays

Dans un pays où le financement politique révèle souvent les véritables rapports de pouvoir, la course éclair de Mark Carney à la chefferie libérale s’impose comme un cas d’école. En effet, selon le journaliste Stuart Benson de The Hill Times, la campagne victorieuse de Mark Carney à la chefferie du Parti libéral du Canada a généré plus de 5 millions de dollars en seulement 45 jours, un record qui témoigne de l’étendue de ses appuis au sein des milieux d’affaires et financiers. Près de 500 000 $ de ce montant provenaient de cinq quartiers canadiens parmi les plus riches, dont Rockcliffe à Ottawa et Rosedale à Toronto, confirmant que le nouveau premier ministre a bénéficié d’un réseau de donateurs profondément enraciné dans l’élite économique du pays.

Le financement total, réparti sur 25 337 contributions individuelles, a été complété par 46 331 $ supplémentaires issus d’événements de collecte de fonds. La campagne mentionne aussi un prêt de 150 000 $ auprès de la Banque de Montréal, entièrement remboursé à la clôture. Plus de la moitié des dons provenaient de l’Ontario (2,9 M$), suivie par la Colombie-Britannique (793 000 $), le Québec (440 000 $) et l’Alberta (338 000 $). Carney a également reçu 33 200 $ de l’étranger, dont des dons maximaux de financiers basés à New York, Paris et Londres.

Des donateurs triés sur le volet : milliardaires, banquiers et philanthropes

The Hill Times souligne que Carney a bénéficié du soutien de plusieurs familles les plus riches du pays, selon les données de l’Investigative Journalism Foundation (IJF). Parmi elles figurent les Irving (valeur nette estimée à 14,4 milliards $), les McCain (13,1 milliards $), les Desmarais (près de 10 milliards $) et les Bronfman (3,6 milliards $). Le milliardaire John McCall MacBain et son épouse Marcy, installés à Genève, ont chacun versé la contribution maximale autorisée.

Des figures du monde des affaires ont également appuyé Carney, notamment Bruce Flatt et Jack Cockwell, respectivement président et ancien dirigeant de Brookfield Asset Management, où Carney a lui-même travaillé avant son entrée en politique. D’autres contributions maximales proviennent de Marcia Moffat, cheffe canadienne de BlackRock, de Cyrus Reporter, ex-conseiller de Justin Trudeau devenu lobbyiste, et de Garrick Tiplady, ancien directeur de Facebook et Instagram Canada.

Ironiquement, Carney a dépensé près du quart de ses 911 500 $ en publicité sur les plateformes Facebook et Instagram, soit environ 265 000 $, où il avait pourtant des donateurs influents.

Rockcliffe, Rosedale et Yorkville : le triangle doré du libéralisme carnéen

Les quartiers de prestige d’Ottawa et Toronto ont servi de colonne vertébrale à la collecte de fonds. Le code postal K1M, qui couvre Rockcliffe Park, a généré à lui seul plus de 570 000 $, incluant le don personnel de 25 000 $ de Carney. Parmi les généreux contributeurs, on retrouve Sarah Baxter, présidente de la Rockcliffe Park Foundation, et Elder Marques, ancien conseiller au cabinet de Justin Trudeau.

À Toronto, le secteur Rosedale (M4W) arrive deuxième avec 124 513 $, suivi de Yorkville (M5R) à 82 075 $. Ces quartiers abritent plusieurs figures du monde bancaire et corporatif : Andy Chisholm (membre du conseil de la RBC), Donald Guloien (ancien PDG de Manulife), Roger Garland (ancien directeur financier du Four Seasons), ainsi que Rob Prichard, ex-président de la Banque de Montréal et de Torstar. Les philanthropes Brian et Joannah Lawson, connus pour leur militantisme climatique, figurent également parmi les donateurs maximaux.

Un parti de la haute société

Pour David Hare, ancien directeur des opérations du NPD et aujourd’hui analyste chez Alopex Insights, la concentration géographique et sociologique des donateurs est révélatrice :

« Cela peint un portrait très clair de qui soutient Mark Carney et de l’agenda qu’ils croient qu’il va défendre », a-t-il déclaré à The Hill Times.

Hare souligne que la moyenne des dons dans ces quartiers oscille entre 500 et 900 $, bien au-dessus du niveau national. Selon lui, cette centralisation du financement autour d’un petit cercle de donateurs fortunés démontre que Carney est perçu comme le gardien naturel des intérêts économiques dominants.

Des partisans enthousiastes selon ses alliés

À l’inverse, Kevin Bosch, ancien stratège libéral aujourd’hui associé au groupe Sandstone, affirme que l’afflux de petites contributions prouve un enthousiasme généralisé au sein du parti. « C’est une récolte incroyable en si peu de temps », a-t-il commenté, en rappelant que Justin Trudeau n’avait recueilli que 2,9 millions $ lors de sa campagne de sept mois en 2013.

Carney a remporté la course à la direction avec 85,9 % des 151 899 votes exprimés, écrasant Chrystia Freeland (8 %), Karina Gould (3,2 %) et Frank Baylis (3 %). Selon The Hill Times, les dépenses totales de sa campagne s’élèvent à 3,89 millions $, dont 685 000 $ en salaires et honoraires de consultants, 261 000 $ en voyages et hébergement, et 195 000 $ pour les événements politiques. Le reste – environ 1,7 million $ – correspond à des frais bancaires, de traitement et d’hospitalité.

Un contraste frappant avec les autres partis

À titre comparatif, le chef conservateur Pierre Poilievre avait amassé 9,4 millions $ durant la course à la direction de 2022, soit presque le double, mais sur une période cinq fois plus longue. Cependant, les libéraux de Carney semblent vouloir présenter cette performance comme un symbole d’efficacité et d’enthousiasme populaire.

Durant le premier trimestre de 2025, le Parti libéral du Canada a levé 13,7 millions $, contre 28,4 millions $ pour les conservateurs, selon les données d’Élections Canada. Malgré un recul au trimestre suivant, les libéraux de Carney pourraient battre leurs records historiques.

Un leadership façonné par l’argent et les réseaux

Le portrait dressé par The Hill Times est sans équivoque : la victoire éclair de Mark Carney repose sur un réseau de milliardaires, de banquiers, d’investisseurs internationaux et d’anciens cadres de la finance mondiale. Si certains y voient la preuve d’une organisation solide et d’un attrait national, d’autres y discernent un signe inquiétant de capture oligarchique d’un parti qui fut jadis celui de la classe moyenne.

Comme le résume David Hare, cité par The Hill Times :

« Ce n’est pas seulement une question de richesse, c’est une question d’influence. Ceux qui ont financé Carney croient qu’il est là pour livrer le programme qu’ils attendent. »

Facebook
Twitter
LinkedIn
Reddit
Email

Les nouvelles à ne pas manquer cette semaine